Vous étiez excellent élève, d’ailleurs vous étiez parmi les trois premiers lauréats du Bac. Mon sous-titre ; par association d’idée, vous rappellerait la pièce de théâtre tragi-comique quasi-légendaire, le Cid de Corneille.
Vous vous souvenez alors quand Don Rodrigue, apostrophant le Comte Don Gomes lui demandait de l’écouter à propos de son dilemme ‘’cornélien’’ (A moi, Comte, deux mots). Là, il s’agit pour un troufion retraité, recyclé en écrivain, de trancher par rapport à une aporie. Devrais-je vous appeler votre attention sur le péril que vit le pays –dussé-je continuer à croquer le marmot – ou dois-je garder un silence coupable. Aujourd’hui, vaille que vaille, je vous entretiens sur mon cas qui, bien que scandaleux, importerait peu, du reste, par rapport à celui d’une nation aux destinées de laquelle vous commandez actuellement pour un mandat probablement de 5+5.
En convoquant Corneille, la ficelle semblerait trop grosse, tant il ne s’agit pas de drame et que vous et moi ne sont plus guerriers depuis très longtemps, toute proportion gardée. Après avoir soutenu le Prophète, à merveille, les Ansars n’ont plus repris le sabre, depuis l’an Ide l’hégire. Quant à moi, mes aïeux se sont vite aplatis devant le Colon ; même pas fichus de débrouiller une petite moughawana digne de ce nom ; cette résistance à l’instant sujette à de vives controverses. Dans cet ordre, j’ai dû rendre, par la force des choses, mon dernier viatique militaire, quand un Marabout-Colonel me mit haut les mains, le 8 août 2004, après 105 jours de gnouf. En fait de bravoure, ma dernière ‘’action d’éclat’’ date du 12-12-92, quand j’ai remporté le premier trophée national de tir à la cible, devant un Colonel du sérail, tirant sur des bouteilles plus grosses que les miennes. Comme quoi le trucage est la politesse de beaucoup de ceux qui commandent, comme l’exactitude est la politesse de rois. D’ailleurs, la corruption remonte aux temps immémoriaux. Comme le meurtre aussi, quand Abel trucida son frère Caïn. On est maintenant habitué.
La licorne et la hussarde
Tout ça fut un simple incipit pour capter l’attention, et me faire écouter pour « deux mots» et vous interloquer par rapport au coup d’Etat permanent du lobby administratif. Invisible, comme une licorne, il est aussi pernicieux qu’un cancer. En fait, c’est la loi du nombre : les illettrés plus nombreux que les instruits, ont gagné ; les prévaricateurs plus nombreux que les intègres, ont gagné ; les monolingues plus nombreux que les polyglottes, ont gagné... Enfin, les armées des valeurs ont battu en retraite devant les hordes de l’Antivaleur, chargeant à la hussarde, débarrassées de tout état d’âme.
Monsieur le Président, veuillez descendre dans les ministères et vous verrez que dans chaque département il n’y a qu’un seul employé capable de rédiger une lettre dans un français ou dans un arabe correct. Et pourtant les médiocres jubilent tous les mercredis au grand dam des meilleurs, hébétés.
Veuillez vous mettre par vous-même à l’écoute d’une Région et vous verrez que les populations n’attendent que les enfants qui ont raté leur scolarité. Ils les attendent parce que ce sont eux qui, à la faveur des méandres de la médiocratie, sont parvenus à des postes de la haute administration ou des postes financiers leur permettant de ’’voler très haut’’. L’un des plus grands sociologues, Durkheim, qui a focalisé ses recherches sur l’Administration, a trouvé qu’elle doit être une méritocratie ; sous forme d’une pyramide dont le sommet est occupé par les agents les plus compétents et plus elle s’élargit, plus on descend vers sa base, on trouve les moins aptes et les moins diplômés. En regardant notre pyramide bizarroïde, on trouve que qu’elle est plantée sur sa pointe, sa base orientée évidemment vers le haut. Tsunami ! Biscornue, ventripotente, elle est plutôt un parallélépipède hérissé. L’incompétence est pourtant meurtrière.
Les incapacités meurtrières
Il est une expérience éternelle que tout chef, qui a placé un homme qu’il ne faut pas à la place qu’il ne faut pas, l’a reçu dans l’os. La défaite des Arabes de 1967 (la neksa) est, en grande partie, due à l’incompétence du Maréchal Amer, que le Président Nasser a fait passer du grade de commandant à celui de Général de Division, puis à celui de Maréchal, à la vitesse du son. Inexpérimenté, puisque préoccupé par la Politique, depuis le grade de commandant, il ‘’ordonna’’ le retrait des forces égyptiennes du Sinaï, sans couverture aérienne et sans aucun mode opératoire de retrait. « Abandonnez, leur dit-il, vos armements majeurs et retirez-vous avec vos armes individuelles ». Débordé, il se suicida. Ou on le suicida (…).Par contre, aguerri, le Général Saad Dine eut le réflexe de faire passer ses troupes par la Palestine, sauvant ce qui le peut des meubles. L’amour que vouait Nasser à Amer n’a servi qu’à humilier l’Egypte et les Arabes. Avant lui, Hitler promut Friedrich Paulus General feld marschall sous le feu, mais connaissant peu les corps de troupes, il fit contraint de lever les drapeaux blancs dans l’hiver infernal de Stalingrad. La nomination à -30° n’empêcha pas le Généralissime de présenter son livret militaire au Général Choumilov.
Vous, la nation et moi
Au-delà de l’injustice et l’humiliation que je subis depuis 18 ans et dont vous êtes témoins, il faut s’arrêter un instant sur le devenir d’une nation. D’ailleurs, dans le calme de votre bureau de Président, vous m’aviez concédé que j’ai subi une grosse injustice. Pour que je continue dans la même galère ( ?) Rares ceux qui vous diront la vérité. Théoriquement tout le monde vous soutient ; d’ailleurs on vous ‘’aime’’. Mais je vous livre une certitude : ils vous aiment comme ils ont aimé Moktar, Haidalla, Maawiya, Sidi et Aziz. Si, Dieu vous en garde, vous trébuchiez demain, ils trouveront en Aziz un excellent remplaçant. A force de feindre d’aimer, certains seraient aujourd’hui voués à l’enfer promis aux mécréants, ayant paraphrasé le droit pénal ou donnant le Coran « comme modeste cadeau », tombant du coup dans l’hérésie et l’apostasie. Ces frotte-manches sont sur la pointe des pieds, prêts à tirer honteusement leur révérence, j’allai dire leur indifférence.
Lors de votre premier meeting de campagne, on était venu par dizaines de milliers. Mais une seule personne était totalement sincère : votre Maman que vous aviez invitée. L’acte était très inspiré de votre part; pour son effet ici - bas et son impact à l’au-delà, « tant le paradis est sous les pieds des mamans ». C’est ce qui vous restera après voir tout perdu un jour. Seule votre femme, restera probablement à vos côtés, pour votre postérité.
Le secrétaire florentin
Machiavel, l’auteur du Prince, le livre de chevet des grands gouvernants du Monde, avait suggéré que le Conseiller ne doit prodiguer des conseils que sur demande du Prince. Mais, vous n’étant, bien sûr pas, Julien de Médicis et moi n’étant pas le petit secrétaire florentin – qui écrivit : « En outre, je désirerais vivement que les Médicis se décident à m'employer, dussent-ils commencer par me faire rouler un rocher » – je me permets de vous conseiller sans accord préalable. Rares sont ceux qui vous diront la vérité. Vous avez tout pour réussir, Je vous demanderais de vous adonner à ce jeu : convoquez tous vos cadres et vos notables, demandez-leur de vous répondre honnêtement. Ils vous diront, à l’unisson, ceci : « l’Administration n’existe plus ». En effet, le népotisme bat son plein. Dernièrement un bloggeur analysant le Ministère de la justice démontre clairement que le chef de ce département l’a truffé de ses parents et de ses alliés. Jusque-là le pouvoir n’était pas pour « les shregmen », comme on disait qu’il appartenait aux gens de l’Adrar ou d’Alghiblé. Un grand chef, comme vous n’a pas besoin de s’appuyer outre mesure sur une région ou un clan pour mieux gouverner. Voyez l’Irak de Saddam, même si notoirement le clan de Tekrit était au pouvoir, le sérail était suffisamment diversifié ; les grands pontes du Parti et de l’Etat n’étaient pas nécessairement de son entourage. Il suffit d’avoir du charisme et de l’intelligence, et vous n’en manquerez pas, du moins à mon sens. De grâce, ne ratez pas le coche ! Vous avez toutes les qualités, sauf d’être méfiant par rapport à une Administration corrompue et ringarde. Vos walis ne sont aujourd’hui que des rocamboles ratatinés par la population, tant affaiblis par leur impossibilité de punir. Aujourd’hui, un wali évite, comme la peste, de sanctionner un enseignant en abandon de poste. Votre haute administration est truffée de frotte-manches parvenus à la faveur des méandres de la politique. Votre Ministre de l’Intérieur est l’un des rares bien qualifiés, mais cinq ans ne lui suffiront pas à récurer les incuries d’Augias. Si vous échouez un jour, c’est à cause de cette administration et la banalisation des ressources humaines, où la mauvaise graine mélangée à l’ivraie.
Un zaïre valait deux dollars
L’argent ne fait pas les Etats. Non plus, la dèche ne les tue. Si le pognon développait à lui seul les Etats, l’Arabie saoudite serait leader dans l’Espace interstellaire. Si la banqueroute tuait les Etats, le Zaïre ne serait plus aujourd’hui qu’un vague souvenir. Malgré les frasques du Pouvoir ubuesque d’un dictateur vorace comme Mobutu, la RDC a survécu. Alors, Seseku kugben du wazabanga (le coq qui chante, le guerrier qui va de conquête en conquête sans qu’on puisse l’arrêter) pouvait se permettre d’envoyer un avion à Paris pour procurer un camembert à l’une de ses deux coépouses, les richissimes jumelles Bobi et Kossia Ladawa. Lorsque, en 1972, Ali Clay et Foreman devaient se boxer, ‘’le léopard’’ mit deux millions de dollars sur la table, sans coup férir. Alors un zaïre valait deux dollars, pour que des années plus tard un dollar en vaille quatre millions, une brouettée de billets de zaïres. Pour autant, le Zaïre n’en mourut. Là ce n’est point encourager le détournement du denier public, mais pour dire que grâce aux ressources humaines compétentes, la RDC est aujourd’hui de retour en croissance (6.7% selon RAMSES, Revue annuelle mondiale pour les économies et les stratégies), or la Mauritanie serait autour de 4% seulement. Les ressources humaines compétentes sont le seul gage de développement. La Mauritanie a cent fois plus de ressources naturelles que le Maroc, la Tunisie, le Rwanda. Paul Kagamé vint dans un pays exsangue… Pour tout capital, il avait deux millions de têtes de morts et une pelletée de minerai volée dans le Kivu. Et il n’était pas un fils d’un saint religieux ! Seulement diplômé de Religions. Aujourd’hui, son pays est un quasi- eldorado dans l’enfer de l’Afrique. Quand je vous parlais tout à l’heure de votre scolarité, ce n’est pas fortuit ; c’est vous rappeler qu’être bien éduqué et bien formé importe beaucoup. Et je voudrais vous demander de bannir une habitude maintenant ancrée dans les usages : la banalisation des diplômes, qui sous-tend une injustice flagrante. Il est fréquent qu’un fonctionnaire moyen paye les études de ses enfants pour en faire des ingénieurs ou des médecins, et de retour ils trouvent devant eux comme directeurs, leurs condisciples ayant raté le bac. Un raccourci ridicule. Récemment un directeur administrateur depuis 30 ans, s’est vu coiffé par l’une de ses stagiaires, fraiche émoulue du système LMD. Aujourd’hui à peine lettré on peut parvenir à tous les échelons de la nomenclature administrative.
Les engagements dans l’Histoire
Une maxime de chez nous dit : « un homme n’est tenu que par sa parole ». On constate à travers les annales de l’histoire que tous ceux qui ont tenu leur engagement ont réussi, au moins pour une bonne période. Paradoxalement, lors de la seconde guerre mondiale, Winston Churchill promettait « Toil, blood, tears and sweat » (du travail, du sang, des larmes et de la sueur). Il en donna et l’Angleterre sortit victorieuse et glorieuse du cataclysme mondial. Hitler avait pu réussir, du moins pendant une décennie, seulement parce qu’il avait tenu ses engagements pourtant horribles : décimer les juifs, les personnes âgées et conquérir l’Europe. Fait hautement anecdotique, mais édifiant à cet endroit : de Gaulle refusa de reprendre la fumée, ayant promis à sa secrétaire d’abandonner la nicotine.
En somme, seule la réalisation de votre engagement peut permettre votre succès. Gare au large rictus fallacieux des thuriféraires, ils étaient plus nombreux aux côtés du Général des pauvres aujourd’hui plus appauvris. Ils essayeront de vous emmitoufler dans les édredons de la courtisanerie, pour vous faire suivre le chemin d’Aziz. A l’issue de votre mandat, ils diront que votre ‘’achriya ‘’ est celle de la prévarication, pour vous livrer à la vindicte et à la justice …et le coup d’Etat permanent du lobby administratif, une hydre à sept têtes, va continuer. La nomination d’hommes incompétents – occasionnant un énorme manque à gagner et des déficits pour l’Economie – serait consécutive à une méthode par laquelle vous voulez endiguer des ralliements à l’ancien président Aziz. Ainsi, le jeu n’en vaut pas la chandelle. Un illettré ou un concussionnaire ne vous apportera que ce qu’il sait : détournements et ragots. ( Kulluina’ine bi ma vihiyarchahou). Aziz est définitivement sorti des comptes ; ne vous embarrassez pas de son spectre. Ils vous diront qu’il s’agit dans ce texte du baratin d’un pauvre retraité survolté et en mal d’emploi. Tant mieux. Je m’assume. Mon verbiage servira mieux à la Mauritanie que les foucades de sbires fossoyeurs de l’Etat. Le coup d’Etat permanent fut, selon Mitterrand, le fait de De Gaulle. Chez nous, vous n’en êtes pas l’auteur, c’est la licorne administrative…