Aujourd’hui, il fera un an qu’Oumar Cheikh Beibacar n’est plus parmi nous. Paix à son âme. Il manque, et manquera toujours à tous ceux qui ont croisé son chemin le long d’une carrière brillante, qui lui a permis de servir dans presque toutes les régions de notre pays. Il manquera naturellement à sa famille et à ses amis, mais terriblement aux pauvres, aux sans-droits et sans-grade qui ont toujours trouvé refuge auprès de lui. Oumar savait se mettre au service des gens simples comme il savait tenir en opposition les puissants.
Oumar, le noble officier. Le brave. L’intègre.
Qui ne se prosternait jamais, autrement que devant Son Seigneur, Allah.
C’était un croyant sincère, un homme pieux et honnête. Nul commerce, nulle fonction, nulle occupation ne l’a jamais distrait de ses devoirs envers le Divin et de l’acquittement de la prière et de la charité. Reconnaissant des bénédictions du Tout Puissant, du Tout Miséricordieux, honorant ses parents, jeûnant souvent, et dépensant de ses biens. Il avait présenté un projet pour la création d’un fond de la zakat, aux présidents de l’époque et la collecte de celle-ci par l’Etat.
A sa sortie de l’EMIA, il découvrit qu’un marchand prêtait de l’argent aux soldats, sous-officiers et officiers à condition de recevoir leurs salaires à la fin du mois, souvent le double de la somme initiale, et ce selon un contrat documenté avec le comptable et avec l'approbation du chef. Oumar, très affecté par cette opération de riba, qui plus est au sein d’une institution respectable, décida qu’il fallait y mettre fin. C’est à cet effet qu’il créa la Caisse du Garde – contrairement, par ailleurs, à ce qu’affirme le journal de la Garde, prétendant qu’il « faisait partie des gens qui ont créé la Caisse ». Quels gens ? Qui a créé la Caisse du Garde ? Qui a créé le Groupement Nomade ? Qui voulait créer des unités cavalières le long du fleuve ? Qui a réintégré tous les négro-mauritaniens révoqués de la Garde dans les années 1990 afin de leur permettre d’obtenir leurs retraites ?
Sens du devoir et du sacrifice
Quelle agréable surprise de voir par ailleurs l’inauguration du centre de formation à Achemim. Félicitations sincères à la Garde Nationale et aux unités méharistes qui ont su maintenir l’ordre malgré les nombreux défis et l’étendue de leur zone d’opérations. Félicitations également à la population d’Achemim pour l’ouverture de ce centre qui, nous l’espérons, apportera une aide précieuse au développement de cet espace et qui ne manquera pas d’offrir aux populations des perspectives nouvelles.
Néanmoins, d’aucuns considéreront avec nous que cet établissement aurait dû porter le nom du Colonel Oumar Beibacar, sans qui il n’eut probablement jamais existé, et comme un hommage à son influence, à l’excellence de son œuvre professionnelle et humaniste, et en reconnaissance à son sens du devoir, du sacrifice, et de la dévotion qu’il portait à sa patrie.
Nul n’ignore les sacrifices consentis pour sauver la vie de ces compatriotes, officiers et civils, dans la tristement célèbre prison de Oualata. Sacrifices qu’il a toujours jugé relever du devoir le plus élémentaire bien que ce fut durant les années de braises, quand il fallait rivaliser d’hypocrisie et flagornerie en accablant toute une communauté de notre peuple pour plaire à un pouvoir qui avait perdu tout sens de l’État et toute humanité.
La contestations de crimes commis durant cette période lui vaudra, une trentaine d’années plus tard, d’être arrêté par les autorités du moment avec interdiction de communiquer avec sa famille et privation de l’accès aux soins qu’il était supposé se voir administrer quotidiennement. Il n’aura, par ailleurs, jamais récupéré les objets saisis lors de son arrestation, et sa famille ne s’est toujours pas vue remettre ses biens. Ses ordinateurs et téléphones sont toujours entre les mains de ceux qui ont condamné sa prise de parole par une stricte détention dans un lieu tenu secret.
Le manque de reconnaissance pour son expérience professionnelle et pour l’excellence de son œuvre ne l’aura pas empêché de chérir cette patrie, où la dignité est une rareté, et la flagornerie est loi, où l’arbitraire est devenu la norme. Oumar aura aimé la nation mauritanienne, riche de ses différences, qui sont autant de richesses, avec ardeur, avec fureur, malgré les épreuves et malgré les injustices. Il embrassait ce doux rêve, de voir la Mauritanie unie, et un mois avant de nous quitter, entendait interrompre ses soins et se rendre au pays pour participer à un dialogue sur l’unité nationale.
Générosité sans faille
Il avait la générosité abondante, une générosité qui fleurissait sous ses pas, à travers chaque geste acquitté, chaque sourire échangé, chaque regard partagé. Tout déplacement, tout passage, fût-il court, dans une ville du pays, était une occasion qui s’offrait de couvrir de ses attentions les habitants alentours. Il œuvrait à briser l'isolement des villages reculés, à y établir l’accès à l'eau, et combien de revenus a-t-il créés pour des familles nécessiteuses, en offrant l’emploi à leurs enfants, ou en déduisant un certain montant de son propre salaire… ! Combien de bourses a-t-il obtenues pour les orphelins ! Il employait toutes ses ressources et toute son autorité afin de permettre à chacun d’obtenir son droit ici-bas et de vivre dignement.
Il se faisait avocat, défenseur intraitable de tout soldat, tout employé expulsé arbitrairement. Les lésés, les sans droits, les sans-grades se dirigeaient vers Oumar, pour son sens de la justice et de l'équité. Ils étaient reçus sans tarder, leurs cas entendus par un cœur sincère et compatissant, et qui ne connaitrait l’apaisement qu’une fois l’injustice levée. Il s’employait sans relâche à ce que chacun se voit reconnaitre ce qui lui est dû, et voit honoré ses droits sociaux et salariaux dans leur totalité, eût-il fallu pour cela œuvrer des années durant.
Il a encore formé ces éléments qui patrouillent et assurent la distribution de médicaments et la sensibilisation des habitants du Dhar à l’hygiène, et qui procèdent au rapatriement des cas dangereux vers les villes.
Mais s’il aimait inconditionnellement, il était aimé en retour, et nombreux sont ceux qui se sont rendus à la mosquée pour le dernier salut à son âme. Puisse le Tout Puissant combler de Ses largesses ceux qui ont connu et reconnu l’homme d’exception qu’il était, et qui l’ont accompagné dans ce geste grandiose, et ô combien mérité. La Mauritanie pleure toujours sa disparition, les nécessiteux, les sans voix, pleurent toujours sur sa tombe.
« Oh mon Dieu, éclairez son sanctuaire », alors que Vous avez fait de lui une lumière sur cette terre, rayonnant de justice et d’équité. Puisse le Divin lui faire miséricorde, lui pour qui le but ici-bas était de répondre aux besoins des faibles et des nécessiteux. Il répétait constamment le noble hadith : « l'injustice est l'obscurité le jour de la résurrection ».
Puisse le Clément, le Miséricordieux, faire du plus haut paradis sa juste récompense.
Cheikh Oumar Beibacar