Dans la matinée du 1er Août 1977, les positions de Mayateg signalent des bruits de moteurs passant au sud de leur position et se dirigeant vers la palmeraie de Tenewchert.
Alerté, le commandant de la 3ème région militaire met toutes les unités en alerte et déclenche une reconnaissance aérienne sur l’axe Saada – Tenewchert pour confirmer le renseignement. L’avion ne décèle aucune présence ennemie malgré l’exiguïté de la zone à reconnaitre et la précision du renseignement. Le même jour, un convoi de ravitaillement à destination de Ouadane, passé dans la même zone, ne décèle aucune trace ennemie. Le commandant de la 3 RM maintient toutefois les unités en alerte.
Razzia sur Tenewchert
Le même jour, un ennemi composé d’une katiba d’une cinquantaine de véhicules commandée par Be Ould Dkhil, un ancien brigadier de la Garde Nationale et ancien chef d’arrondissement de Ain Bintili, avec pour chef de sections Hanna Ould Bennane, ancien coiffeur à Zouérate, Nah Ould La’bouda Ould Daf, Mohamed Salem Ould Hbib et un certain T’Hellat, ancien merkez, rassuré par le passage de l’avion qui ne semble pas l’avoir repéré, se dirige vers Tenewchert qu’il atteint vers 15 heures. La colonne ennemie encercle la palmeraie, fait prisonniers tous les hommes valides, pille tout ce qu’il y a à piller (vêtements, couchages, montres, parures, postes radios, magnétophones, et autres objets), s’empare d’une Land-rover appartenant à Hamadi Ould Choumad avec sa cargaison, abat quatre chameaux et récupère tous les vivres et moutons trouvés dans la palmeraie.
Ayant terminé sa razzia, l’ennemi continue son mouvement vers Chinguetti, en passant par le Herour et MegsemElhirane qu’il minera après le passage de son dernier véhicule. Une halte logistique sera effectuée à Touchatt avant de reprendre la progression en direction de Chinguetti.
Le lendemain, vers 07 Heures du matin, les bruits des moteurs informent la garnison de Chinguitti de la présence de l’ennemi qu’elle attendait depuis 06 heures du matin, en raison de l’alerte de la veille.
Dès que l’ennemi arrive à la portée de leurs armes, les positions ouvrent le feu. Les deux mortiers de 81m/m de la garnison harcèlent l’ennemi sur les flancs et lui interdisent tout mouvement vers l’avant.
Le sous-lieutenant Khalihina, commandant la base fait preuve d’un dynamisme impressionnant, alternant le renforcement des positions sous la pression des éléments dynamiques ennemis et les contre-attaques.
Bloqué dans son offensive venant des lisières sud et ouest de Tindawali, l’ennemi soumet la ville aux tirs de son artillerie et de ses armes antichars.
Par mesure sécuritaire, dans la perspective de l’arrivée éventuelle d’un renfort de la direction d’Atar, l’ennemi fait déborder un élément motorisé solide à l’ouest du terrain d’aviation pour assurer sa couverture, en interdisant tout accès à un renfort venant de cette direction.
S’apercevant du mouvement des véhicules, et croyant qu’il s’agissait de la préparation d’un assaut ou d’une manœuvre d’enveloppement, le S/ltKhalihina fonce sur les véhicules ennemis en couverture avec son peloton motorisé pour parer à la manœuvre et engage un combat dans l’attente du renfort qui a démarré depuis 09 heures d’Atar.
Combats violents
Après un combat héroïque de deux heures, le S/Lt et son peloton succomberont sous la supériorité numérique de l’ennemi à qui ils auront interdit l’accès de la ville de cette direction et, qui, informé de l’arrivée des renforts,se regroupe et replie vers 10 heures dans la direction d’où il était venu.
A 09 H 00, au moment où un avion, piloté par le Lieutenant Mohamed ould Salikou, décollait d’Atar et que l’élément de commandement régional renforcé par le canon 106 SR de l’EMIA, au total 8 véhicules, prend la route pour Chinguetti, l’ennemi amorce son repli.
Le Capitaine Mohamed Lemine Ould Zeine, commandant le secteur de Ouadane reçoit l’ordre de s’installer à Tenewchert en vue d’intercepter l’ennemi sur la route de retour.
Vers 10 heures 30 l’avion survole l’ennemi à son premier arrêt à Touchatt, l’attaque et lui brûle un véhicule de transport de munitions. L’ennemi libère les prisonniers civils et continue son repli.
A 12 heures, alors que les renforts venant d’Atar arrivent à Chinguetti, l’ennemi se trouve face-a–face avec l’élément de Ouadane, un escadron motorisé d’une douzaine de véhicules. L’accrochage durera une heure et demie.
Pendant un moment, l’ennemi semble tenté de monterun assaut sur l’escadron de Ouadane, mais sous la pression du temps, il renonce à son projet et envisage de continuer son déplacement en contournant l’élément de Ouadane par le sud. Mais ce dernier refuse de rompre le contact et engage une action de freinage pour retarder le mouvement de l’ennemi dans l’attente des renforts tout en l’empêchant de se rabattre vers Ouadane.
Vers 16H, les renforts venant d’Atar font jonction avec les éléments de Mayateg, un peloton renforcé, où ils précèdent l’ennemi,
Dans sa tentative de contourner l’escadron de Ouadane, l’avant-garde ennemie est accrochée par l’élément constitué à Mayateg. Les combats deviennent de plus en plus violents.
A un moment donné, le colonel Moustapha, qui se trouvait avec les éléments de tête, à cause des trois antennes de son véhicule, est repéré par l’ennemi qui concentrera sur le véhicule de commandement régional tous les efforts pour l’intercepter ou le neutraliser.
Ayant pratiquement fait le vide autour de la voiture du Colonel Moustapha, tout en resserrant l’étau sur lui, l’ennemi était sur le point de le prendre, n’eut été l’intervention de Youssouf Ould Zergane, un baroudeur exceptionnel d’une rare témérité, qui s’est sacrifié en s’interposant entre la voiture du colonel et les véhicules ennemis, permettant au véhicule du colonel de s’esquiver au prix de sa vie. Moussa Ould Zergane et son équipage seront faits prisonniers.
Pendant un moment la situation alarmante du commandant de région crée un flottement parmi les unités. C’est précisément ce moment de flottement, d’hésitation et d’incertitude que l’ennemi exploite pour essayer de s’exfiltrer.
Les unités de la 3 RM tentent par tous les moyens de barrer la route à l’ennemi, qui, pris dans la nasse, embarrassé et indécis sur la décision à prendre entre forcer un passage entre Mayateg et Ouadane, ou s’enfoncer plus au Sud dans le Ouarane et reprendre son chemin d’arrivée, avec toutes les difficultés de praticabilité que le terrain posera, joue son va-tout en choisissant l’option de Ouarane .
Un combat meurtrier s’engage entre les unités de la 3 RM voyant l’ennemi leur glisser entre les doigts et l’ennemi dont l’unique salut est d’ouvrir une brèche et de s’enfoncer dans le Ouarane.
Les offensives et les contre-offensives se multiplient de part et d’autre sur un terrain particulièrement sablonneux favorable au combat à pieds, mais posant de multiples problèmes à l’action des motorisés, donc aux armes d’appui rapproché, surtout avec des chauffeurs peu entrainés à la conduite dans les zones sablonneuses.
Sur les éléments de la 3 RM (CDT/OPS, Escadron d’intervention d’Atar, Escadron réduit de Mayateg, escadron réduit , reconstitué à partir des éléments de Ouadane) soit au total 25 véhicules, seuls 12 véhicules ont pu être engagés tactiquement sous le commandement dynamique du Capitaine Mohamed Lemine Ould Zeine, avec l’Adjudant El Ghouth, cdt le 65 Escadron de Découverte et de Combat (EDC), le brigadier-Chef Ahmed Salem Ould Sid’Ahmed du 61 EDC et le Caporal Sid El Moctar sur une patrouille du CDT/OPS et ont tenu tête, malgré une contexture du terrain défavorable aux mouvements et, partant, à la manœuvre et les lourdes pertes subies, lançant assaut après assaut contre un ennemi solide et enragé, très sûr de lui, qui cherche à se frayer un passage coûte que coûte dans un accrochage qui aura duré près de seize heures dont six de nuit.
Ce n’est que vers 05 heures du matin que l’ennemi arrivera à s’exfiltrer et s’enfoncera dans le Ouarane comme un margouillat dans le sable.
Mohamed Lemine Taleb Jeddou
Extrait de la 'Guerre sans Histoire''