M. Baliou Mamayary Coulibaly, professeur d’anglais de son état est aussi un journaliste et militant des droits de l’homme. Dans ce cadre, il préside, l’Ong SANA For Development qui s’active dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, pour la sécurité alimentaire et la résilience des communautés. Baliou, pour les intimes est également coordinateur national de Publiez ce que vous payez (PWYP en anglais).Dans cette interview, il revient sur la COP26 qui s’est tenue à Glasgow et sur les enjeux du réchauffement climatique dans le monde, de manière générale et en Mauritanie, de manière singulière. .
Le Calame: La COP 26 s’est déroulée il y a quelques jours à Glasgow, en Ecosse. Est-ce que les mauritaniens y prêtent attention dans leurs conversations?
-Baliou Coulibaly: Au moment où le monde entier est tourné vers le sommet de la Cop 26 l'actualité en Mauritanie s'intéresse plutôt à d'autres questions d'ordre domestique. La problématique du changement climatique et ses conséquences couvrent peu de discussions. D'une part si les services de l'Etat s’y intéressent, c'est généralement plus pour des questions de convenances avec l'agenda international que pour des véritables soucis de résilience. D'autre part, il y aussi quelques ONG qui s'activent mais la plupart c'est pour des objectifs d'ordre conjoncturel liés à la réalisation d'activités ponctuelles. La question du changement préoccupe peu de Mauritaniens.
- Devant un parterre de chefs d’Etats et de responsables d’institutions internationales, le président Mauritanien, Mohamed Cheikh El Ghazwani a affirmé que notre pays peut atteindre la neutralité carbone d’ici 2030, s’il bénéficiait d’un appui financier. Cette condition est-elle franchissable, selon vous ?
-Atteindre la neutralité carbone suppose la réduction de l'émission de gaz à effet de serre notamment le carbone et l'implémentation de mesures de séquestration efficientes. Mais avec la progression de la désertification et l'absence de mesures de reconstitution de l’environnement d’une part et les nouvelles orientations en matière de politique minière qui favorisent l'exploitation des énergies fossiles (pétrole et gaz) et une forte tendance à l'industrialisation d'autre part, il sera très difficile de réduire notre capacité d'émission de CO2 pour atteindre la neutralité carbone.
Financement oui mais, compte tenu de l'expérience dans la gestion des fonds mondiaux par les gouvernants des Etats en développement il va falloir repenser les mécanismes de financement qui doivent désormais être gérés hors des contrôles des dirigeants des régimes en place. Ces mannes financières au lieu de servir pour les besoins de développement assignés sont très souvent utilisées pour renforcer davantage le pouvoir des oligarchies.
-En tant que président d’une Ong qui travaille contre les effets du réchauffement climatique, pouvez-vous nous dire comment ils se manifestent dans le quotidien des populations mauritaniennes ?
Notre ONG, Sana for Development dispose comme axe prioritaire le renforcement de capacités des communautés rurales pour améliorer leur sécurité alimentaire en renforçant leur résilience face aux catastrophes naturelles. Les effets du changement climatique constituent aujourd'hui la principale menace pour les communautés vulnérables. Pour les communautés rurales, ces effets se manifestent à travers la rareté des pluies ainsi que leur irrégularité dans le temps et dans l’espace, les inondations dévastatrices et le dérèglement des calendriers culturaux qui impactent dramatiquement sur le volume des récoltes. Depuis plusieurs décennies, les paysans sèment chaque année mais rarement les récoltes spéculations arrivent à maturité à cause du changement climatique.
-Dans un rapport publié, il y a quelque temps, Nouakchott serait très menacé justement par la montée de l’océan ; le cordon dunaire qui la protégeait a été fortement affecté par les exploitants du sable. Que faire pour endiguer cette menace ? Quel rôle doivent jouer les Ong pour atténuer cette menace contre notre capitale ?
-Effectivement l'idée d'une éventuelle montée de l'océan constitue pour les populations de Nouakchott l'effet le plus visible de l'impact du changement climatique. Chaque habitant de Nouakchott vit avec cette épée de Damoclès planant sur sa tête. Cette menace est le résultat du réchauffement au niveau planétaire qui a conduit à la fonte des neiges et l'élévation du niveau de la mer. Compte tenu de l'ampleur de ce phénomène, je ne crois pas que des ONGs puissent y faire grand-chose. A moins qu’elles ne soient mises à contribution dans la sensibilisation contre la dégradation d'un cordon dunaire déjà sérieusement malmené. Les tentatives de fixation qui ont été menées jusque-là ont volé en éclats laissant place à des occupations privées injustifiables. L'Etat doit prendre cette menace avec plus de sérieux afin de réduire les risques d'une inondation sur la ville de Nouakchott.
-Selon les chiffres des Nations Unies, en Afrique, 100 millions de personnes sont menacées par le réchauffement climatique. Dans quelles proportions la Mauritanie est-elle concernée? Quelles mesures doivent être prises par les autorités pour juguler les conséquences ?
Si l’on tient compte de la menace qui pèse sur Nouakchott et des impacts négatifs du changement climatique sur l'ensemble de l'activité rurale le long de la vallée et de toute la zone pastorale, nous pouvons considérer que plus de 70 % de la population Mauritanienne sont menacés par les effets du changement climatique.
Pour atténuer ces effets, l'Etat doit entreprendre de mesures énergétiques en termes de reconstitution de l'environnement à travers des actions mécaniques et environnementales de reboisement et de reforestation pour la séquestration du CO2 ainsi que des actions d'adaptation aux changements climatiques à travers l'utilisation des énergies vertes, l'introduction de semences adaptées ainsi que l'utilisation des engrais organiques.
Propos recueillis par Dalay Lam