On ne parle plus que ça depuis plusieurs mois. L’opposition, ou ce qu’il en reste, l’a ouvertement critiquée. Les journalistes y ont vu une menace à peine voilée contre la liberté d’expression pourtant garantie par la Constitution. Et les bloggeurs, ce nouveau genre journalistique où tout un chacun peut déverser sa bile sur qui il veut, sont tous montés au créneau pour dénoncer une loi liberticide. La Société civile y a vu un dangereux précèdent qui risque d’ouvrir la boîte de Pandore. Malgré toutes ces récriminations, le gouvernement l’a pourtant maintenue et l’a fait voter par sa majorité mécanique à l’Assemblée nationale. La loi sur les symboles de l’État n’en finit pas de faire des vagues. Sera-t-elle un remake du fameux article 11, l’épée de Damoclès qui pendit sur nos têtes quatorze ans durant et qui justifiait la censure des journaux pour un oui ou un non ? Va-t-on l’activer à tout bout de champ pour justifier des arrestations et des condamnations ? Il y a fort à craindre que le gouvernement ne prépare un tour de vis contre ceux qui ont fait de l’insulte leur sport favori. Pour rappel, la presse écrite (la seule qui avait pignon sur rue jusqu’à tout récemment), malgré son jeune âge et son manque d’expérience, ne versait pas dans l’insulte, l’invective ou la diffamation. Elle se contentait de dénoncer les tares du régime et de poser les vrais problèmes dont souffre le pays. C’est lorsque les réseaux sociaux, cette jungle où la loi du plus volubile est la plus forte, ont fait leur apparition que l’insulte s’est banalisée. L’interdire est même devenu entrave à la liberté. Le monde marche désormais sur la tête.
Ahmed ould Cheikh