Ma contribution s’inspire du discours prononcé le 27 juillet 2004 à Boston par Barack Obama candidat de la convention démocrate au Congrès américain qui disait : « Il n’y a pas une Amérique blanche une Amérique noire. Il y a Etats-Unis d’Amérique, nous sommes un seul peuple».
Cette posture supra raciale nourrit ma réflexion. Ma conviction est qu’il n’y a pas une Mauritanie arabe, une Mauritanie noire, il y a la Mauritanie. Une Mauritanie riche de sa diversité qui devra contribuer à la synthèse des cultures arabes et africaines. Nous sommes un même peuple.
Nous avons certes vécu des processus historiques qui ont impacté différemment nos communautés pendant la période coloniale et de l’indépendance à nos jours.
On doit pouvoir comprendre que chaque composante s’accroche à un espace pour des raisons identitaires, cependant, j’en appelle à un dépassement des divergences résultant d’un processus historique subi dont les effets perdurent encore à une coconstruction inclusive de notre futur. C’est à ce projet que j’invite mes compatriotes.
Cette invite s’appuie sur des raisons d’espérer et se traduit par des propositions de refondation de la société mauritanienne, notamment l’école mauritanienne à partir du préscolaire, et une éducation de base qui regroupe le fondamental et le premier cycle secondaire
Les Raisons d’espérer
1. Capitaliser l’héritage historique et les consensus établis
J’emprunte à notre frère Mohamed Vall Ould Bellal ses propos relatifs à la pluralité ethnique qui disait dans le cadre du Salon : « Avant la colonisation, la pluralité ethnique n’a jamais posé de problème. Des pactes et des alliances de paix de solidarité et de défense mutuelle ont scellé l’unité de notre peuple, le Trarza était allié au Walo, l’Etat du Brakna au Toro, des tribus arabes ont combattu sous la bannière de El Hadj Oumar Tall ainsi que l’intégration par milliers des négro-africains dans l’épopée des Almoravides » et de conclure pour dire qu’il existe de très bonnes choses dans la mémoire qu’il faudra raviver et susciter afin d’éviter l’oubli et de clamer que l’évolution endogène de la société mauritanienne n’a jamais souffert de diversité raciale ethnique ou culturelle
Dans le même registre, le frère Abdoulaye Ali OIGA écrivait dans un article en date du 15 août 2016 : « La Mauritanie est un enfant métis dont le père est le monde arabe et la mère l’Afrique noire. Ce métissage de la Mauritanie trouve sa justification dans le fait qu’il n’existe aucune tribu maure qui n’a de sang négro-mauritanien qui circule dans ses veines et qu’il n’existe aucune communauté négro-mauritanienne qu’elle soit Peul, Soninké ou Wolof qui n’a de sang maure qui circule dans ses veines, et de citer à son tour des exemples, dont Cheikh Mohamed Vadel et Cheikh Melainine qui ont pour mère une peule qui s’appelle Khadijetou Bal, petite fille du grand marabout peul Thierno Souleymane Bal qui instaura l’Etat théocratique du Fouta et des Kane, Ehel Modi Nalla, qui sont d’origine maure, Lemtouna, etc.
Parlant des fonctionnaires de la première heure, bâtisseurs de l’Etat moderne, mon ami et frère Feu Mohameden O Bah dans un article faisant un plaidoyer pour les fonctionnaires écrivait : « ces soldats connus et inconnus. Du greffier au tribunal de Néma, à l’agent spécial de Kaédi en passant par l’instituteur ou l’infirmier, des administrateurs réalisant des audits complets des services publics, le sentiment de servir la collectivité nationale, de participer à la réalisation d’un grand défi, d’un grand projet, l’Etat mauritanien fut à l’origine de cette dynamique.»
Combien de relations d’amitié qui ont résisté au temps ont pris naissance dans les internats des collègues et des lycées et à l’occasion des activités scolaires de nature culturelle et sportive, lieux qui produisent la communication, favorisent la mixité sociale, permettent le développement des valeurs personnelles et sociales que sont le travail d’équipe, l’esprit de cohésion, la solidarité, l’entraide, les contacts sociaux, avec autres, la convivialité.
Notre grand défi est raviver ces acquis, de les capitaliser et pour reprendre l’expression de feu Mohameden, nous sommes encore capables de faire revivre ce sentiment et nous devons le faire, d’autant que les germes de changement que nous observons nous y invite.
2. Les germes de changement
On assiste de plus en plus à une émergence d’une jeunesse née après les années de crise dont les membres entretiennent, au niveau urbain, des relations de partage quelle que soit l’appartenance communautaire, favorisées par les réseaux sociaux. Nous avons le devoir de les accompagner et de leur offrir un nouveau cadre de vie inclusif propice à la construction de l’unité nationale.
3. Mes propositions
Elles s’appuient d’abord sur les décisions du CMSN à l’issue de sa réunion du 8 au 18 octobre 1979, qui « a recommandé au gouvernement d’élaborer un système éducatif basé sur nos langues nationales Arabe, Pulaar, Soninké et Wolof, assurant une indépendance culturelle véritable et renforçant l’unité nationale du peuple mauritanien.»
Ce système, qui entrera en vigueur dans un délai maximum de six ans, se fondera sur une officialisation de toutes nos langues nationales, la transcription en caractères latins et l’enseignement du Pulaar, Soninké et Wolof qui devront donner les mêmes débouchés que l’Arabe.
Le Décret n° 81.072 fixant les alphabets des langues nationales Pulaar, Soninké et Wolof en caractères latins, fut adopté le 15 juillet 1981
Pour atteindre ces objectifs généraux, le gouvernement a créé l’ILN par décret 79.348/PG/MEFS/ en date du 12/12/79
a)Le préscolaire
Le préscolaire devrait davantage retenir l’attention des pouvoirs publics et être la priorité Pour l’heure, le taux des enfants inscrits au préscolaire est de 11%.
Les pouvoirs publics devraient accorder la priorité de leur action à ce niveau d’éducation de base en fixant comme objectif de couvrir toutes les wilayas.
Au-delà des structures, il est préconisé de veiller :
A ce que les jardins d’enfants reflètent par la composition de leurs membres la diversité culturelle.
Que l’encadrement reflète cette même diversité tout comme les contenus des apprentissages qui seront tirés de nos traditions et nos cultures
2. Le fondamental et le premier cycle secondaire
Il est proposé à titre d’expérience pilote, un cycle de formation de base de 10 ans basé sur un bilinguisme Arabe-Français qui intègre l’enseignement des langues nationales en tant que matière ou discipline, assise sur un enseignement préscolaire élargi et de qualité.
Cette intégration se fera dans les régions selon l’usage dominant d’une langue dans une wilaya donnée. Ainsi la matière wolof sera enseignée au niveau du Trarza, le Soninké au niveau du Guidimaka, le Pulaar au Gorgol et au Brakna
Elle pourra être élargie aux autres wilayas tenant compte des résultats obtenus
3. Mesures d’accompagnement
Il est par ailleurs suggéré d’alphabétiser le personnel de l’administration en rapport avec les populations dans les langues nationales suivant le même principe de régionalisation.
Des mesures d’accompagnement seraient de réactiver l’institut des langues nationales en collaboration avec l’université de Nouakchott, pour accompagner cette réforme.