Grâce à l’avènement au pouvoir du président Mohamed ould Ghazwani, la Mauritanie cherche, résolument et pour la première fois de son histoire, à survivre à l’impunité qui a ravagé ce pays durant plus de quatre décennies. Elle se veut représentative, dans la région, de la lutte contre les systèmes destructeurs des économies du continent africain : l’enrichissement excessif des détenteurs du pouvoir politique et de ses élites corrompus. Aussi lentement allons-nous, nous semblons avoir évolué avec l’heureuse initiative qui a conduit à la procédure judiciaire à l’encontre du précédent président Mohamed ould Abdel Aziz et de certains de ses anciens collaborateurs et cousins. Il est bel et bien aux arrêts, le parrain des prédateurs et des malfaiteurs, le chef de bande qui a détruit notre économie pour s’enrichir démesurément.
Néanmoins, partons de l’hypothèse que cet ex-Président ne pouvait en aucun cas, au moment de son accession au pouvoir, se transformer en homme d’affaires du jour au lendemain. Faible niveau intellectuel et guère fourni background suggèrent la complicité de cerveaux formateurs expérimentés et l’on doit donc se méfier de prétendre éradiquer l’impunité, en faisant fi de l’identification globale des barrages capables de suspendre sûrement l’action. On l’aura compris : je fais référence aux verrouilleurs corrompus et administrateurs de la Chose publique décennale ; à ces nouveaux opulents hommes d’affaires tirés, d’un immense bond, de la pauvreté à la richesse démesurée, tous inconnus et ignorés qu’ils étaient. Ces hommes – ces femmes aussi… – largement identifiés et connus du peuple, des partis politiques de l’opposition, de la Société civile, des piliers du parti au pouvoir, du simple citoyen de VassalaNiéré, AïnBentili, des Rossossois aux Imraguens de l’Océan atlantique, où sont-ils ? Qu’avons-nous fait d’eux ? Pourquoi n’ont-ils pas été encore dépossédés ? Pourquoi le nombre des impliqués dans l’affaire Ould Abdel Aziz a-t-il été réduit, alors que le rapport de la Commission parlementaire avait nommément désigné tous les acteurs impliqués dans la gestion de l’ex-Président ? Pourquoi ne sont-ils pas au trou avec celui qu’ils ont formé, à qui ils ont appris comment voler, tricher, manipuler, avec celui qu’ils ont intégré, manu-militari et dès son accession au pouvoir, dans le système classique fondateur de cette franc-maçonnerie qui se perpétue encore, alors qu’il se voulait le « président des pauvres » ?
Des questions que tout le monde se pose
Je m’évertuerai à répondre moi-même à ces questions que tout le monde se pose. Ils sont, tout d’abord et bien malheureusement pour la cause, encore ici parmi nous, fortement chargés par l’on ne sait qui de se constituer en adversaires solides et véreux, déterminés à ce que le mécanisme de procédures engagé par le président de la République n’aille guère plus loin que déposséder Ould Abdel Aziz, l’emprisonner – ce n’est point sûr – et d’amener le chef de l’Exécutif à fermer la parenthèse. En deux, Ils ont été presque tous maintenus en leurs hauts postes étatiques, dans une forme de « continuité ralentie » pour que rien n’évolue dans le sens des justes et louables engagements électoraux d’Ould Ghazwani, imposant ainsi, par la force des choses et leur volonté, la réduction du nombre de ceux qui doivent passer par la case « prison », au même titre que leur chef Aziz devenu prédateur.
La raison en est qu’ils sont, en réalité, les détenteurs du code du clavier de l’ordinateur sauvegardant les intérêts suprêmes du « système de la Décennie », soutenus en cela par leurs collègues et coreligionnaires de l’UPR, ce fourre-tout qui se veut au pouvoir… puisqu’ils y sont. Sans l’ombre d’un doute, nul d’entre eux n’ignorait la voie qu’avait empruntée Ould Abdel Aziz, sur la base de leurs enseignements pour s’enrichir ; elle fut tracée et guidée par eux-mêmes, ces voyous d’associés pernicieux à qui incombe toute la responsabilité intellectuelle, financière et juridique, origine évidente des errements économiques et socioculturels que vit notre pays en la circonstance.
Ils restent, aujourd’hui, les principaux détenteurs du pouvoir économique, financier – et politique, donc… – puisqu’ils sont les plus fortunés banquiers, au préjudice des banques qui les ont précédés et présidents – quand bien même ignorants – des fédérations entrepreneuriales, propriétaires des principales sociétés de travaux publics et de toutes les infrastructures de développement, sociétés de nouvelles technologies, principaux intermédiaires entre l’État et les armateurs étrangers du secteur de la pêche, principaux fournisseurs de l’État et j’en passe… C’est en toute arrogance qu’ils deviennent, de surcroît, quasiment les propriétaires indirects, à moyen et long terme, ou partenaires des entreprises étrangères figurantes possédant nos infrastructures portuaires ; et logiquement associés, demain – s’ils ne le sont déjà – des détenteurs des licences d’exploitation de nos ressources minières et principaux courtiers des multinationales gazières et pétrolières. Plus rien n’échappe à leur insatiable appétit, à leur plan machiavélique d’appropriation à tout jamais des ressources de notre pauvre pays exténué sous leur joug. Un joug pire que celui du néo-colonialisme qui pourtant bat de l’aile, en la présente conjoncture internationale.
Agir au lieu de penser
Autrement dit, le combat contre l’impunité ne doit être tenu sous le boisseau, sous quelque prétexte que ce soit. Et ce d’autant plus que le pays regorge de cadres valables prêts à se substituer, par la compétence et l’intégrité morale, à tous ceux qui devraient se trouver derrière les barreaux. Ils sont jeunes et diplômés de grandes écoles, parlent les langues nationales et étrangères. Dynamiques et vigoureux, ils sont aptes à gérer, diriger et innover, en raison de leur connaissance du nouveau monde technologique, autant de qualités que ne possède quasiment aucun des extravagants administrateurs de la fourberie.
N’allons pas plus loin. Mais je rappellerai tout de même à la mémoire de notre Président – au cas où la pression de l’entourage l’ait affaiblie… – que le combat contre l’impunité n’est pas fractionnable et que le maraboutisme traditionnel a ses vertus. Sa plus cardinale est la force mentale, spirituelle et tranquille susceptible de sentir le danger quand il approche. Quant à sa clé de voûte, la patience, elle ne doit connaître, bien assimilée, aucun excès. C’est donc vite et sans crainte – craindre quoi, d’ailleurs, quand un pouvoir est légitime et va dans le sens des aspirations de son peuple ? – que nous devrons plutôt nous inspirer du fameux proverbe africain : « crimes et châtiments vont de pair, comme les deux cornes du taureau ». Sinon, agir est plus judicieux que penser : c’est sécurisant…