« N’est jamais content celui qui se remémore », nous enseigne un adage populaire. Une invitation claire à ne jamais prendre le risque de revenir en arrière, comme on aime à dire en Mauritanie. Il faut regarder l’avenir en face. Aller en avant, quoi. Pas aller en arrière. A reculons, c’est, dit-on, la marche des gens de l’enfer. Le passé, c’est le passé. Simple ou compliqué. Laissons le passé dormir tranquillement. Les choses du passé, c’est pas la peine de les défaire. Seul le présent vaut la peine d’être vécu. Commençons par le commencement. Le passé des présidents du monde. Les plus grands. Les plus illustres. Entre l’Obama, étudiant noir timide et Obama puissant président des Etats-Unis, y a pas photo. Si l’on va plus loin dans le passé, on va remonter à la traite négrière et ce n’est pas bon. François Hollande des années quatre-vingt, anonyme, petit militant PS, fonctionnaire ordinaire. C’est pas comme maintenant, président d’une puissance mondiale, séducteur chevronné et homme politique de renom. Le passé, c’est une chose. Le présent, c’en est une autre. Evidemment, évidemment que le temps passe, comme dit Maxime le Forestier. Ou Francis Cabrel ? En tout cas, si ce n’est l’un, c’est donc l’autre, comme dit Miché Kankan ou mon ami Gohou. Certains présidents étaient, par le passé, des chaudronniers, des amuseurs publics, des joueurs de cauris, des danseurs de Sabar (danse wolof), de simples agents publics, des envoyés spéciaux, des empêcheurs de tourner en rond. Mais, aujourd’hui, ils sont présidents en bonne et indue forme. Allah fasse que nos connaisseurs meurent ou oublient ! C’est pas seulement les anciens présidents qui ont un passé. Même les gens de l’opposition ont le leur. Pouvoir/Opposition puis pouvoir puis opposition puis COD puis FNDD puis CAP puis FNDU puis pouvoir puis rien puis quelque chose de peu clair puis dialogue puis élections puis boycott puis institution de l’opposition puis éclipse totale puis un pied ici et un pied là. Les ministres aussi ont un passé. Pas maintenant. D’anciens peshmergas. D’anciens commissionnaires. Détenteurs de bourses de voitures. Vendeurs de terrains. Squatteurs chevronnés de places publiques. Patrons de bureaux de change. Intermédiaires. Facilitateurs. Mais ça, c’est le passé. Heureusement d’ailleurs. D’anciens « gabegistes ». Vive la prescription. Vive la non-rétroactivité. Vive le passé. N’insultons pas le temps. Ne le provoquons surtout pas. Il est capable de tout dévoiler, le temps. Il n’est le sac de personne. Les personnes sont les gardiens des autres. Leurs bergers. Leurs chevriers. Quelles relations, entre les droits de l’homme et le poisson ? Génial président. Birame et la convention de pêche entre l’Union Européenne et la Mauritanie. Pour bien négocier sa convention, l’Union Européenne vote une résolution contre la Mauritanie. Quel génie ! Quelle trouvaille ! Et les condamnations pleuvent. Souveraineté. Ingérence. Indépendance. Autonomie. Quelle logique ! Union Européenne, Union Africaine, Nations Unies interviennent pour faire endosser un coup d’Etat, à travers des résolutions, des communiqués, des pressions et des interférences avérées, c’est bon, c’est pas une ingérence, c’est de bons offices, pour faire revenir la légalité et la constitutionnalité. Personne ne pipe mot. Ni le Parlement, ni aucune institution. Union Européenne demande la libération d’un militant de droits de l’homme. Indignation présidentielle. Condamnations spontanées de toutes les institutions. Appel au respect de la souveraineté nationale. Ingérence étrangère dans les affaires d’un pays indépendant. Aberrante logique. Poisson. Birame. Dialogue. Convention. Paix sociale. Crise. Le président sait distinguer le bon grain de l’ivraie. Entre le bon moment et le mauvais moment. Le bon militant des droits humains et le mauvais, au passé douteux et aux pratiques reprochables. Le bon chef de file de l’opposition et le mauvais. Le président sait faire et défaire. Sait promettre au bon moment. Puisque, juste après, tout sera du passé. Et le passé, vaut mieux ne pas trop en parler. Salut.
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».