Une partie de l’opposition le réclame : Un dialogue non des concertations

18 August, 2021 - 10:16

Dans ses différentes interviews à la presse étrangère, le président de la République a exclu la tenue du dialogue réclamé par l’opposition mais également approuvé, tacitement, par la majorité qui s’y prépare depuis plusieurs mois. Cette déclaration a déplu à divers partis de l’opposition. Dans une conférence de presse organisée le lundi 16 Août à la CASE, Tawassoul, APP, CVE, CVE/VR, El Moustaqbel, le RAG et le Parti mauritanien pour la défense de l’environnement, ont marqué toute leur différence avec l’attitude du président de la République qui banalise, selon eux, jusqu’aux problèmes qu’affrontent les Mauritaniens depuis son arrivée au pouvoir en Août 2019. Pour ces partis de l’opposition embarqués dans les préparatifs et la confection d’une feuille de route avec les partis de la majorité dans la perspective, justement, du dialogue en gestation, affirmer que le pays ne vit pas de crise et qu’il n’y a aucun problème, c’est tout simplement adopter la célèbre « politique de l’autruche ».    

« Rien n’a changé par rapport à la gouvernance de son prédécesseur », ont affirmé tour-à-tour tous les responsables des différents partis et coalitions présents. Pis : la mal-gouvernance, les inégalités criantes, les exclusions des Haratines, Négro-africains et autre minorités et castes ; les graves manquementsau vivre ensemble : passif humanitaire et esclavage ; la gabegie, le clientélisme, le tribalisme, les recrutements et nominations monocoloresperdurent, s’accentuent même. Ona suffisamment peint en rose, clament les opposants, les deux années du successeur d’Ould Abdel Aziz dont on attend la restitution des biens spoliés de l’État,dans une justice équitable. Sortant de ses gongs, Messaoud ould Boulkheïr n’est pas passé par quatre chemins : « La gouvernance de Ghazwani n’est pas meilleure que celle d’Ould Abdel Aziz. » Ce fut donc un véritable réquisitoire contre le régime d’Ould Ghazwani dont beaucoup avait salué l’esprit d’ouverture et la modération.

 

Nouveau front ?

Pour les responsables de cette opposition, seul un dialogue national franc et inclusif peut panser les plaies de la Mauritanie.« Refuser d’en débattre, c’est compromettre l’avenir du pays », a averti le président de l’APP. Et l’opposition de lister ses exigences (voir encadré) dans un communiqué publié au cours de la conférence de presse qui aura, au final, réuni beaucoup de monde : presse, militants et sympathisants.

Mais pourquoi le RFD et l’UFP n’ont-ils pas été associés à ce qui ressemble à un nouveau front ? Ils avaient été des rencontres précédentes ayant conduit à la confection, avec les partis de la majorité présidentielle, d’une feuille de route qui devrait servir de base de discussions, voire d’ordre du jour,au dialogue tant attendu. Ces deux partis répondront-ils aux « concertations » que le président « pourrait » lancer,selon le président de l’UFP, Mohamed ould Maouloud ? Assisterions-nousalors à une nouvelle scission au sein de l’opposition démocratique ? Wait and see !

Mais au-delà de toutes ces questions, ce qui taraude l’opinion est la sortie au vitriol de Messaoud Ould Boulkheir alors qu’il a adopté jusqu’à présent un profil bas. Celui qui, après tout, fait partie du système puisqu’il est président du Conseil économique et social, devrait commencer par démissionner s’il est en désaccord avec le pouvoir. En reprenant sa liberté, il aura toute latitude pour critiquer à sa convenance. Amadoué par Ould Abdel Aziz pendant 10 ans, le vieux lion avait fini par perdre l’habitude de rugir, si bien que ceux dont il défendait les causes il n’y a pas longtemps, ont fini par se détourner de lui et de son parti au profit de nouveaux leaders plus charismatiques. Réussira-t-il à reprendre  sa verve habituelle ? Le pouvoir parviendra-t-il à lui couper l’herbe sous les pieds ?

                                                                    Dalay Lam

 

 

Encadré

Déclaration
L’arrivée au pouvoir de Mohamed Cheikh Ghazouani en 2019 avait suscité un espoir de renouveau au sein de larges couches populaires comme au sein de la classe politique et de la société civile, éprouvées par dix ans d’une politique de pillage systématique, de répression et de chasse aux sorcières contre les opposants. Les déclarations d’intention généreuses et l’atmosphère propice créée suite au climat d’apaisement politique entre pouvoir et opposition avaient fait espérer un changement dans le traitement des problèmes structurels et d’autres conjoncturels, qui menacent dangereusement l’existence même de la Mauritanie.
Après deux ans d’exercice du pouvoir, force est de reconnaitre que les espoirs sont déçus, que la rupture souhaitée n’est pas au rendez-vous, et que la crise multidimensionnelle dans laquelle se débat le pays reste entière.
En effet, le pays demeure confronté à des défis majeurs, au premier rang desquels se situe celui de l’unité nationale qui reste un vœu pieux ; unité nationale mise à mal par des politiques étatiques de discrimination et d’exclusion sur la base de l’appartenance ethnique et raciale. L’exclusion de la composante négro-africaine prend des proportions d'une telle ampleur que la diversité ethnique et culturelle du pays s’en trouve quasiment remise en cause. L’esclavage et ses séquelles, malgré la batterie de lois criminalisant cette pratique d’un autre âge, continuent de gangréner l’ensemble des composantes de la société mauritanienne. La composante haratine, qui n’en est que la face la plus visible, est massivement maintenue dans l’ignorance la plus totale et continue d’être exploitée comme masse laborieuse. Enfin, les couches les plus démunies de la communauté beydane rejoignent peu à peu les exclus du système. De fait, le reflexe du repli identitaire, engendré par les politiques publiques, qui s’est particulièrement illustré avec les dernières élections, est plus exacerbé que jamais, minant ainsi profondément les fondements mêmes du pays.
D’autres problèmes, non moins aigus, continuent de freiner le progrès de notre pays. Il en est ainsi du clientélisme et du tribalisme, érigés en mode de gouvernance, de la gabegie et de la corruption dans toute leur ampleur. Les prix des denrées de première nécessité flambent au point que beaucoup de mauritaniens souffrent terriblement et n’arrivent même plus à assurer leur pitance quotidienne. Le système éducatif, en totale déliquescence, attend toujours la réforme devant réhabiliter l’école publique et républicaine. Les rues de nos centres urbains sont devenues des terreaux de la délinquance et du banditisme, livrant le citoyen à l’insécurité la plus totale. Le secteur de la justice, -fléau du pays et symbole par excellence de l’injustice, dans sa composition comme dans son fonctionnement - demeure plus que jamais inféodée à l’exécutif. La gestion de la pandémie de la Covid-19 engloutit des ressources financières énormes dans l’opacité la plus totale. Les experts en matière de changement climatique alertent, en vain, sur les dangers encourus par Nouakchott avec la montée du niveau de la mer. La capitale, qui ploie sous le poids des ordures, souffre également de l’absence d’un réseau d’assainissement digne de ce nom. On assiste, par ailleurs, depuis quelques temps, comme par glissement, à la restriction des libertés publiques et l’étouffement de toute forme de protestation par la répression. Enfin, l’espoir de tenir un véritable dialogue, pour résoudre durablement les questions d'intérêt national, s’envole au vu des déclarations récentes du Président de la République à l’hebdomadaire Jeune Afrique.
Face à la gravité de la situation, Nous, coalitions et partis politiques de l’opposition démocratique, nous sommes retrouvés, dans un élan patriotique, pour en faire une appréciation commune en vue d’alerter sur les dangers qui planent sur notre pays.
En conséquence de quoi, Nous :
1.Tirons la sonnette d’alarme et appelons le gouvernement du Président Mohamed Cheikh Ghazouani à prendre conscience des dérives et dangers qui nous guettent ;
2. Insistons quant à la prise de mesures urgentes et immédiates pour l’élimination de toutes les formes de discrimination et d’exclusion dans les politiques étatiques ;   
3.Exigeons l’application rigoureuse de la loi dans la lutte contre l’esclavage et ses pratiques associées ;       4. Invitons le Gouvernement à s'engager dans une lutte volontariste contre la gabegie et la corruption;  5. Demandons au Gouvernement d'alléger les souffrances des populations en exerçant un contrôle rigoureux sur les prix des denrées de première nécessité;     
6. Appelons le Gouvernement à lutter efficacement contre l'insécurité, neutraliser les réseaux de la drogue et apporter la quiétude aux populations.
Enfin, les Coalitions et partis d’opposition signataires de la présente déclaration, soucieux de l’édification d’un état de droit et attachés à l’ancrage de la démocratie, en appellent à un sursaut patriotique et à la responsabilité de tous pour l’organisation d’un dialogue national inclusif, serein et sérieux permettant de dépasser cette situation porteuse de tous les dangers, en vue de la refondation du contrat national sur la base de l’équité et d'une véritable justice sociale.

Nouakchott le …
Les Signataires :
Al Moustaqbel
APP
CVE
CVE/VR                 
Parti Mauritanien pour la Défense de l’Environnement
RAG  
RNRD - Tawassoul