Abidine ould Sidaty, Secrétaire du Comité des Usiniers et Exportateurs de Poissons, s’exprime au sujet de la nouvelle phase de mise en œuvre du protocole de pêche liant la Mauritanie au Sénégal depuis plusieurs années, annoncée au terme d’une visite de travail et d’amitié du président Macky Sall à Nouakchott, les 12 et 13 juillet 2021.
Le Calame: Les présidents Mohamed Cheikh El Ghazouani et Macky Sall ont signé un accord dans le domaine de la pêche à l’issue d’une visite d’amitié et de travail en Mauritanie du chef de l’Etat sénégalais, le 12 et 13 juillet dernier.
Quels sont les points essentiels de celui-ci ?
Abidine ould Sidaty: Permettez-moi tout d’abord de vous remercier pour l’intérêt que vous accordez à notre secteur, que j’appelle la grande marmite.
En réponse à votre question, je ne détiens pas les données de cet accord. Mais je peux imaginer que c’est pour le renouvellement du protocole de pêche liant notre pays au Sénégal.
En effet, cet accord a été conclu dans des conditions obscures qui ne prennent pas en compte l’intérêt national.
Plus de 400 pirogues sénégalaises pêchent dans nos eaux avec des licences libres.
Il faut souligner que 94% de ces embarcations débarquent à Saint–Louis, et seulement 6% à Nouakchott. Ce contrat est arrivé à terme.
C’est pourquoi le président Macky Sall veut son renouvellement.
Je dois vous signaler que les tonnages pêchés au delà de 350 milles tonnes sont exportées par les sénégalais en Côte d’Ivoire, au Mali et vers d’autres pays membres de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), sans taxes à l’exportation, pendant que le produit mauritanien paye 13% pour toute exportation, et 16% dans l’espace CEDEAO.
Cela donne une idée de l’ampleur de la concurrence !
Quelle est la position des usiniers et exportateurs mauritaniens de poisson par rapport à ce nouveau cadre de partenariat ?
Au sujet de notre position globale sur les rapports entre Nouakchott et Dakar, nous saluons les relations séculaires avec nos frères sénégalais et préconisons un partenariat gagnant – gagnant, bénéfique pour les deux parties. Car une erreur fatale a été commise par l’ancien régime (décennie morose) qui avait chassé les professionnels sénégalais (pêcheurs) en 2017 pour des raisons politiques.
Depuis lors le secteur de la pêche vit un véritable marasme économique, une situation délétère difficile à transcender.
Il faut ajouter à cela, la découverte du métal jaune dans le désert mauritanien, qui a attiré beaucoup de pêcheurs nationaux vers l’aventure de l’orpaillage.
Pour satisfaire la requête sénégalaise, il serait impérieux de prendre en considération le marché local ainsi que les industries de congélation et traitement de poissons. 25% des pirogues sénégalaises doivent débarquer à Nouakchott.
Les pêcheurs sénégalais pourraient être autorisés à travailler en Mauritanie conformément à la loi en vigueur avec tous les devoirs et toutes les obligations légales.
Ainsi, les usines de congélation qui agonisent pourraient respirer et les mauritaniens trouveraient du poisson dans leurs plats à des prix accessibles.
Y-a-il y a d’autres enjeux qui n’auraient pas été pris en charge ?
Sur les enjeux importants qui n’avaient pas été pris en charge dans cet accord, je ne pourrais pas m’appesantir sur cet aspect, car on est au stade d’un mémorandum que les commissions techniques des deux pays vont élucider ultérieurement.
Au niveau des usiniers, nous considérons qu’indéniablement, les pêcheurs sénégalais ont un impact socio-économique capital sur la production des usines et au niveau du marché local.
Au-delà du partenariat avec le Sénégal, pays dont l’expertise de la main-d’œuvre est très importante pour vos activités, quel est l’état global des lieux du secteur de la pêche en Mauritanie ?
L’Etat doit impérativement se focaliser sur des mesures d’accompagnement aux activités du secteur qui est dans une situation catastrophique, suite à 2 ans de pandémie de coronavirus (COVID-19) marquées par l’absence de soutien des pouvoirs publics.
Par ailleurs, nous sommes l’objet d’un acharnement de la part de la Société Mauritanienne de Commercialisation de Poissons (SMCP), qui applique des taxes abusives, en plus des douanes, des impôts, de la mairie, du marché aux poissons, du port de Tanit, pour ne citer que ces institutions.
Enfin, nous lançons un appel au Ministre des Pêches et de l’Economie Maritime, pour prendre en charge et de toute urgence, nos doléances, afin de trouver des solutions idoines face aux nombreux problèmes qui entravent le développement du secteur.
Nous savons qu’avec de la volonté politique, toutes ces difficultés peuvent être dépassés.
Propos recueillis par AS