On ne présente pas aux Mauritaniens adultes et avisés, l'illustre personnalité qui vient de nous quitter. Al Marhoum Dieng Boubou Farba est connu pour avoir été l'un des premiers cadres de la Banque centrale.
A ce titre, il appartient au cercle des économistes disparus qui avaient contribué à la construction de notre édifice monétaire national.
Il fait partie de cette génération qui avait fait l'économie avant que celle-ci ne perde son prestigieux label politique pour s'enliser, définitivement, dans les calculs comptables mesquins.
Son expérience dans le domaine économique lui valut, plus tard, d'être nommé ministre de Finances mais c'est surtout, en raison de
son sens politique qu'il a été désigné comme premier président de la chambre haute des représentants du peuple Mauritanien.
Cette désignation qui supposait, au préalable, l'élection de l'intéressé dans les municipales avait, à l'époque, fait couler beaucoup d'encre et inspiré, pour un bon moment, les salonades de la haute société Nouakchotoise.
On raconte que lorsque le Directeur du cabinet du président de la République, Docteur Louleid ould Weddad, notifia la nouvelle de la candidature de Dieng Boubou Farba au regretté Lemrabott Sidi Mahmoud, ministre de l'intérieur, celui-ci commenta sur le ton de la plaisanterie : vous allez le présenter à Ouadane ?
A elle seule, cette anecdote traduit un sentiment dominant qui tenait à l'impopularité présumée du régime dans la région de la vallée.
En effet, l’élite politico- intellectuelle de cette région traumatisée par le souvenir, toujours vivace, des années de braise s'est, quasiment, rangée dans le camp de l'opposition historique dont elle devint le principal moteur.
Pour contrecarrer l'influence de cette élite sur les populations locales, le pouvoir qui incarne l'État avait eu recours au soutien des notables et aux loyaux services de ses commis.
C'est dans ce contexte, particulièrement dur pour un pouvoir issu d'un régime d'exception et qui cherchait à porter le costume de la démocratie institutionnalisée, que des notables figures de la politique nationale se sont distinguées.
Parmi ces figures, il y avait l'illustre disparu que j'ai eu à découvrir lors d'une mémorable mission de sensibilisation à Nouadhibou pour le compte du " Parti -Etat ‘' ( le fameux PRDS dont le spectre continue de hanter le esprits )
Je venais d'être coopté dans le conseil national de ce gros machin ou disons de cette grosse machine qui avait une redoutable capacité de produire la popularité, du moins en apparence mais qui avait, aussi, une manie maladive de dévoyer les nobles idéaux et les alléchantes espérances.
Le PRDS était alors au zénith de sa puissance. Les adhésions massives venaient de toutes part, y compris de la vallée dans laquelle les " Zoulous " et les " Venant de France " rivalisaient pour avoir le privilège du premier venu. Les opposants repentis cherchaient à se faire une place dans l'appareil du parti .
Pourtant , je ne me sentais pas à l'aise dans l'ambiance euphorique à laquelle nous avons eu droit à Nouadhibou.
Je me sentais, quelque part, ridicule ou, au moins, démagogue, en parlant lors du grand meeting populaire car, à vrai dire je n'avais rien à dire au grand public.
En revanche, cette mission était l'occasion de faire la connaissance d'un sage qui avait, outre un sens patriotique élevé, une confiance dans la justesse de son choix politique.
A l'hôtel où nous étions logés, j'ai eu à évoquer avec lui les raisons de mon engagement politique et des soucis que je ressens pour l'avenir du pays ainsi que les conditions du combat incompris que je mène avec certains compagnons, au sein de la ligue mauritanienne des droits de l'homme.
En guise de réponse, il m'avait dit que ce n'est pas tous les jours qu'il rencontre un cadre du parti qui ne lui parle, en tête à tête, que des problèmes nationaux et ne lui pose pas un problème personnel.
Au bout d'une discussion franche, j'ai compris que le choix de ce grand homme pour incarner le Sénat dans sa hauteur nationale était bien réfléchi.
Le choix du regretté président du Sénat qui fut imposé par le Président Maouiya était un message politique destiné à inscrire l'unité nationale dans la durée et à favoriser son ancrage au niveau des institutions de la République.
Le Seigneur de la vallée Dieng Boubou Farba en était, parfaitement, conscient. Il avait, malgré les critiques et la satire de ceux qui ne voyaient en lui qu'un " négre de service", une haute idée de sa mission et il pensait, sincèrement, qu'il avait choisi le bon chemin.
La grandeur de son ambition était d'autant plus remarquable que la génération des sénateurs qu'il a eu à diriger était, en grande partie, celle des anciens commis de l'État qui ont réussi, par leur compétence, à élever le débat parlementaire.
Aujourd'hui, après la dissolution contestée du Sénat qu’il a eu à incarner, le rasage du siège sénatorial qui incarnait l'histoire parlementaire du pays, il est bien permis de dire que le décès du président Dieng Boubou Farba consacre une seconde mort du Sénat mauritanien.
اللهم ارحمه واغفر له و تجاوز عنه انا لله وانا اليه راجعون
AkM
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