« Le changement espéré de l’élection du président Ghazwani tarde à arriver, pire, nous assistons à un sérieux tour de vis dans le domaine des libertés...», déplore Kadiata Malick Diallo, députée UFP à l’Assemblée Nationale au cours d’une conférence de presse qu’elle a tenue jeudi soir à Nouakchott.
Face à la presse, à ses collègues Mohamed Lémine Sidi Maouloud et Me Id Mohameden M’Bareck, des personnalités politiques, de la société civile et des sympathisants, la députée a listé les arguments pour marteler que rien n’a changé dans la gouvernance, les conditions de vie des populations et surtout dans le domaine des libertés depuis l’élection du président Ghazwani.
En matière de recul des libertés, KMD a évoqué le refus de la part des autorités des manifestations pacifiques pour ceux qui ne sont pas dans les grâces du prince, alors que l’UPR, parti du pouvoir a toute la latitude de tenir des meetings et autres manifestations à travers le pays. « On m’a refusé la tenue d’une manifestation à la maison des jeunes » a-t-elle rappelé avant de signaler que les autorités ont réservé le même sort aux requêtes de son collègue Ould Sidi Maouloud et du parti Tawassoul ». Et de noter qu’elles ont refusé de notifier par écrit leur refus alors que la loi l’exige et que la Constitution garantit aux citoyens l’organisation de manifestations pacifiques. KMD a indique dans la foulée que de nombreuses demandes d’autorisation pour des partis politiques voire d’associations dorment dans les tiroirs du ministère de l’intérieur. Elle a exprimé son inquiétude face à l’attitude des autorités en particulier, celle du ministre de l’intérieur qui a affirmé, en substance, devant les parlementaires que le gouvernement autorise les manifestations ou les partis politiques selon sa guise. Une posture qui inquiète l’élue dans la mesure où c’est celui qui est censé faire respecter les lois et la réglementation et de protéger les citoyens contre la tyrannie qui parle et agit de la sorte.
Le troisième argument avancé par la députée est la lutte contre la gabegie, pour elle, cette gangrène n’a pas disparu depuis aout 2019 parce que ce sont les mêmes gens qui étaient là hier et dont certains sont épinglés par la commission d’enquête parlementaire et la Cour des Comptes qui continuent à gérer les affaires publiques. « Nous assistons à de simples permutations ou à un recyclage des mêmes », s’est offusquée la députée. Parlant des organes de contrôle, la députée s’est étonnée de n’entendre plus parler de l’IGE dont les descentes étaient portant fréquentes et redoutées par le passé.
Le troisième argument de poids de la députée est que les conditions de vie des populations ne se sont pas améliorées depuis le départ d’Ould Abdel Aziz. « Les prix ne cessent d’augmenter alors que les salaires sont bloqués et que le pouvoir d’achat des populations n’arrête de s’effriter », a martelé KMD.
S’appuyant sur ces trois indicateurs pour juger du bilan de Ghazwani, Kadiata Malick Diallo affirme que la situation d’aujourd’hui n’est guère différente de celle d’Ould Abdel Aziz. « C’est le retour à la case départ, plus grave, les autorités violent allègrement la Constitution et la réglementation », clame-t-elle. KMD a mis en garde le pouvoir contre des tentatives de dérive et lui a demandé de s’inspirer de l’exemple du sort réservé depuis peu à son prédécesseur.
Face à cette situation, la députée se démarque d’une opposition qui a cru que le changement pouvait se faire par consensus, ce qui est loin aujourd’hui d’être le cas, déplore-t-elle. C’est pourquoi, Kadiata Malick Diallo a lancé un appel vibrant aux acteurs politiques de l’opposition, à la société civile et aux citoyens mauritaniens pour prendre leur destin en main, à imposer le changement au pouvoir qui, selon elle, ne cesse de clamer, depuis bientôt deux ans que le pays ne connaît aucune crise et que par conséquent, le dialogue n’est pas opportun.»
Répondant à deux questions sur la détention de l’ancien président Ould Abdel Aziz et sur ses attentes sur la question nationale par rapport au dialogue en gestation, Kaidata Malick Diallo pense que la gestion du cas Abdel Aziz est en train de servir de prétexte au gouvernement « pour détourner l’attention des populations sur leurs préoccupations quotidiennes » avant de souhaiter que l’ancien président puisse jouir d’un procès équitable. Elle note tout de même qu’on est en train de vider le dossier de sa substance. Relativement au dialogue, elle affirme ne plus y croire.
Prenant la parole à son tour, le député Mohamed Lemine Sidi Maouloud a rappelé les violations continues de la Constitution et des autres réglementations par le Pouvoir. Il a accusé celui-ci de refuser de publier le rapport de la Cour des Comptes parce que tout simplement, des députés avaient réclamé, en 2019, la traduction devant la justice des auteurs présumés de détournement épinglés par ledit rapport. « Le pouvoir ne cesse de fouler aux pieds notre loi fondamentale et tous les textes qui en découlent », a tonné le député avant d’appeler les mauritaniens à la vigilance.
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».