Mohamed ould Abdel Aziz est en taule et monsieur Jean-Baptiste Placca éprouve une impression de gêne. Ce chroniqueur à RFI – et, détail non négligeable, ancien de Jeune Afrique… – connaît si bien l’opinion de « notre » Afrique qu’il la croit convaincue de ce que l’ex-Président mauritanien a quitté le pouvoir « sans rechigner » et que le jeter en prison préventive au seul « prétexte » de n’avoir pas respecté les mesures de son contrôle judiciaire, c’est « humilier tout le peuple qu’il représentait encore il y a à peine deux ans ».
Les Mauritaniens rigolent. S’ils ne prétendent pas à la science de l’opinion de « notre » Afrique, ils ont, eux, cette prudence de suivre attentivement « leur » histoire nationale. Et, chats échaudés craignant l’eau froide, n’ont pas du tout oublié les douches que n’a cessé de leur administrer leur entortilleur de coups d’État relooké « président des pauvres », aujourd’hui « pauvre président ». Les manips 3ème mandat, ça vous dit quelque chose, monsieur Placca ? La fête 2019 de l’Indépendance, la référence 2020 de l’UPR, les tripatouillages 2021 sur les prix de première nécessité ? Et je ne vous parle pas de la fronde des députés en 2008... La technique Aziz, c’est la déstabilisation et les dernières astuces de l’agile agitateur – pleurs de crocodile si complaisamment médiatisés par Jeune Afrique, entrée fracassante au micro-parti de Louleïd, tentative d’OPA sur l’opposition… – auront assuré de sa virulence en ce sens.
Vous vous dites « perplexe », Jean-Baptiste. Mais faites le compte et vous conviendrez aisément qu’il y a largement de quoi prévenir les risques. Non seulement pour notre chère Mauritanie tabassée de tant d’entourloupes. Mais aussi pour le tabasseur : car l’ordinairement placide opinion mauritanienne s’inquiète. Jusqu’à ce point s’excéder qu’elle en vienne à hurler : « Coupez-lui la tête ! Coupez-lui la tête ! » à l’instar de la reine de cœur d’Alice au pays des merveilles ? Je ne tiens pas Ould Abdel Aziz en grande estime, c’est connu, mais ne lui en espère pas moins une fin autrement paisible. Après un procès d’autant plus digne et équitable que son contexte sera apaisé. C’est donc tout simplement sagesse que de faire attendre tranquillement l’excité à l’ombre. S’il n’y verra lui-même peut-être pas plus clair, les juges et notre opinion nationale – oui, elle a du cœur mais aussi le goût du juste ! – seront certainement plus sereins…
Ahmed ould Cheikh