Le conseil des ministres, tenu le jeudi dernier, a procédé, entre autres mesures, à un vaste mouvement touchant les secrétaires généraux des ministères.
Ce mouvement était attendu puisqu'il intervient après un remaniement ministériel qui a eu lieu la semaine d'avant et qui a été marqué par la création de nouveaux ministères ainsi que par la restructuration d'autres.
C'est l'occasion de rappeler un peu l'intérêt, justifié du reste, qu'accorde l'opinion au titulaire du poste de secrétaire général en raison de l'importance des attributions que lui confèrent les textes et de la place de la fonction elle même au sein de la pyramide administrative de l'Etat. Le poste de secrétaire général a été créé en 1968.Il s'est substitué à celui de chef de cabinet qui existait depuis l'indépendance. Le S.G est le second responsable dans le département ministériel et vient juste après le ministre. Il est prévu qu'il l'assiste pleinement dans l'exécution de sa mission.
Mais de façon plus distincte, le SG se voit investi de larges prérogatives pour assurer l'administration du département notamment en matière de gestion des moyens humains et financiers.Il a une grande responsabilité dans le domaine de la coordination de l'activité de l'ensemble des structures du ministère (directions, services et divisions) ainsi que les entités autonomes placées sou tutelle.
Durant la décennie qui a suivi la création du poste, le choix de ceux qui étaient pressentis pour l'occuper était marqué par une certaine rigueur quant aux critères à réunir pour y accéder. Bien que le pays ne disposait pas encore de cadres universitaires en nombre suffisant ; les décideurs d'antan faisaient de leur mieux pour placer dans ces postes des hommes ayant une bonne réputation en matière d'intégrité morale et matérielle, d'expérience avérée soutenue si possible par une réussite préalable dans une fonction d'autorité ou de direction de services.
La qualité la plus exigible était celle de pouvoir inspirer confiance aux subordonnés et de patience devant les "intempéries " imprévues.
Les décennies qui ont suivi ont vu cette rigueur dans le choix s'estomper peu à peu mais en veillant tout de même à ce que les ministères régaliens et ceux dits de l'économie et des secteurs productifs ne voient accéder à la fonction de S.G en leur sein que des personnes qualifiées ou disposant au moins d'un minimum d'expérience.
La décennie Azizienne est venue remettre en cause tout ce qui a été bâti en termes d'effort pour préserver les acquis dans ce domaine.
Le poste de SG de ministère a perdu de son importance. Y ont été souvent placés pour l'exercer des responsables sans références, dépourvus d'expérience et totalement étrangers au domaine d'exercice.
La fréquence de changements intervenus associée à celles des démembrements réguliers des structures ministérielles ont eu raison de la mémoire de l'administration dont le S.G est en particulier le garant et le gardien.
Dans plusieurs pays, des règlements ont été initiés en vue de décrire le profil exigé pour occuper le poste de S.G de ministère et lui prévoir un mandat avec une durée incompressible.
Le sujet du poste de S.G évoque chez moi le souvenir de deux hommes qui, chacun pour des circonstances particulières, me viennent à l'esprit lorsqu'il est question de l'exercice de cette fonction.
Le premier c'est Dah Ould Cheik qui était S.G du ministère de l’Intérieur en 1981 et qui nous a réunis dans son bureau après notre affectation comme adjoints de gouverneurs après notre sortie de l'ENA. Il s'agissait d'un cours complet de déontologie administrative, un condensé de tout ce qu'il fallait faire et de tout ce qu'il fallait éviter. Mais le plus révélateur c'est que l'intéresse prêchait par l'exemple.
Après la réunion, Daha laissé son véhicule de fonction garé dans l'enceinte du ministère et à rejoint son domicile à pied, domicile sis à l'îlot V non loin de la direction des domaines.
L'image de cet homme, vêtu d'un boubou bleu son sac à la main traversant la chaussée avec précaution et débordant de dignité, est restée gravée dans ma mémoire et ce pour l'éternité.
Le second, c'est le ministre Baro Abdoulaye qui était secrétaire général du gouvernement en 1990.J'ai eu le privilège d'être son proche collaborateur en tant que conseiller pour les affaires administratives à la Présidence. C'est à lui que revient le mérite d'avoir institué la conférence, jadis mensuelle des S.G des ministères qu'il présidait et qui se tient de nos jours avec une régularité qui laisse à désirer.
Les grandes qualités qui distinguaient Baro et notamment sa perspicacité ses talents inégalés en matière d'écoute et de synthèse faisaient de ce rendez-vous, conçu comme un espace d'information et d'échange, une véritable occasion pour se ressourcer.
Pour un S.G, manquer une réunion présidée par Baro Abdoulaye, c'est comme un étudiant qui manque un module complet de son année universitaire.