En réaction à une information selon laquelle les militaires s'apprêtaient à prendre le pouvoir, le premier président de la République Islamique de Mauritanie, feu Mokhtar OuldDaddah avait dit : qu'ils le prennent, ils verront que ce n'est pas une sinécure !
Le premier commentaire, en privé, de l'ex Président Maaouya ould Taya sur la nouvelle relative au renversement de son pouvoir par un coup d'État fut sous la forme d'un questionnement pathétique adressé à son directeur de cabinet : que cherchent-ils, au fond, par cette prise de pouvoir? Qu'a-t-oneu, par le pouvoir, si ce n'est la peine et l'injure " (ka’ala et na’ala)? Son questionnement était d'autant plus raisonnable que ceux qui avaient pris le pouvoir étaient considérés comme ses plus proches compagnons d'armes et qu'ils étaient tous solidaires dans la galère.
C'était à Niamey où il eut, au micro de Moussa Kaka, une réflexion toute philosophique sur son sort personnel : Dieu protège-moi de mes amis, mes ennemis, je m'en charge.
En fait ce n'était pas la première fois et ça ne sera pas la dernière fois, que des compagnons d'armes d'un Président nous réveillent, le matin de bonheur, en nous annonçant , avec une musique qui inspire des milliers de troubadours, qu'ils ont mangé du lion en vue de réaliser "une rectification " pour ne pas dire un coup d'État.
Peu importe qu'ils soient venus au pouvoir pour sauver leurs peaux ou leur système, les Présidents de formation militaire (et c'est une qualité louable) savent mieux que nous autres pauvres civils que "le pouvoir ne se partage pas’’.
Mao Tse Tong disait que le pouvoir est au bout du fusil. Il avait raison, dans la mesure où la force apparente ou occultée,
demeure, quoi qu’on dise, l'élément déterminant pour l'exercice réel du pouvoir.
Consolider l’Etat de droit
En tout cas, chez nous, la grande trouvaille fut, sans doute, l'habillement démocratique de la prise du pouvoir.
Cet habillement a été, considérablement, amélioré par la limitation constitutionnelle des mandats du Président, lequel, au bout de deux mandats, doit être confiné, dans le statut d'ex-Président.
Ce statut, qui ne donne nullement à son titulaire une protection absolue contre les violations de la Loi, était conçu pour la continuité de l’État.
C'est au nom de cette continuité et dans l'intérêt de la Mauritanie, que nous devons, dans un esprit consensuel, réfléchir davantage sur la nature du pouvoir en Mauritanie.
A cette fin, l'unique voie où, en tout cas, le chemin le plus droit me paraît dans la consolidation de l'État de Droit et des institutions.
Il faut bien comprendre par-là que les considérations d'ordre privé, personnelles, familiales ou tribales font que le problème du pouvoir en Mauritanie c'est que non seulement il n'est pas une sinécure mais qu'il est devenu une véritable tragédie.
Que faire avec le genre des situations qui nous plongent dans les scénarios de la tragédie du Roi Christophe ou d'Antigone ?
Je n'ai pas de réponse précise à cette question et je dois avouer que je ne suis pas du tout mandaté pour la soumettre au débat public.
Certes, je me suis retrouvé depuis le déclenchement du processus démocratique en 1991 dans le camp de ceux qui sont censés être les soutiens des militaires au pouvoir mais j'ai toujours essayé de garder une certaine indépendance d'esprit pour pouvoir contribuer au débat, dans l'intérêt de la Mauritanie.
Je crois que nous avons été nombreux, au sein de ces camps, à contribuer à l'évolution de l'idée d'adapter la prise du pouvoir aux exigences de l'État de Droit.
Notre dernier combat, partagé avec les opposants, fut celui qui a été mené contre la revendication anticonstitutionnelle du troisième mandat.
Mais la lutte doit continuer pour trouver une normalisation de l'alternance au pouvoir avec l'objectif précis de voir un président élu se retirer, paisiblement, après avoir accompli sa mission dans le respect de la constitution et des lois de la République.
La réponse se trouve, sans aucun doute, dans le Droit mais je dois confesser que, parfois, j'éprouve à lumière du réel vécu au quotidien, le regret d'avoir fait des études de droit.
Il faudrait, peut-être, orienter la réflexion sur la question du pouvoir vers la philosophie, laquelle signifie, faut-il le rappeler amour de la sagesse.
Abdelkader Ould Mohamed