La question commence à tarauder les Mauritaniens devant la détermination affichée par Mohamed ould Abdel Aziz inculpé par la justice. Refusant de se laisser abattre comme un taureau, il en ajoute couche sur couche à chaque sortie médiatique. Lui qui n’en avait pas le goût semble s’accommoder avec les media nationaux et internationaux. Il n’entend pas se taire, clame-t-il à tous les vents, et avertit qu’il se battra pour le respect de ses droits, notamment ceux de s’exprimer et de contester la situation de séquestre où il se trouve aujourd’hui. « Je ne suis plus en résidence surveillée mais séquestré chez moi d’où je ne sors désormais que pour aller me présenter et pointer à la police », a-t-il dit en substance. Pitoyable pour un ancien Président, à la plénitude de son règne comparé, par ses soutiens, à Dieu qui nourrit et protège!
L’ex-Président commence à agacer et visiblement déranger le pouvoir de son ami. « Je les dérange tous parce que je dénonce la mauvaise gouvernance du pouvoir », a-t-il martelé sur RFI. Pour Ould Abdel Aziz, l’augmentation du budget de la Présidence, passé de un à trois milliards d’ouguiyas, et des salaires des députés est un signe de mauvaise gestion et de corruption. Tout est pourri, à ses yeux qui ne supportent pas le retour des caciques des régimes précédents, prenant en otage le président Ghazwani désormais sans autres moyens, affirme l’ex-Président, que de corrompre et distribuer des passe-droits. On aura tout entendu ! Mais pas seulement : Ould Abdel Aziz s’est juré de pourfendre toutes « les dérives du régime » de son ex-camarade. Quoi que cela coûte ! De quoi préoccuper les Mauritaniens, venant d’un homme qui se vante d’avoir orchestré et réussi des coups d’État, disposer de gros moyens financiers, voire de connexions à l’intérieur et ailleurs ?
Face à cette arrogance et défiance, pour ne pas dire témérité, les observateurs se demandent comment le pouvoir de Ghazwani va-t-il continuer à « gérer » un ami devenu quelque peu encombrant au point que même certains de ses soutiens se demandent si sa place n’est pas la prison. Pour eux, accusé de blanchiment d’argent, de détournement de deniers publics, d’entrave à la justice et diffamation, l’ex-Président laissé en liberté s’entête à trop pousser le bouchon. Mais, comme l’a si bien dit sur RFI, il est différent de Ghazwani dont il ne réclame pas la protection.
De son côté, le Président-marabout ne semble guère pressé à la confrontation. Issu d’une famille maraboutique, bien formé au plan intellectuel et religieux, Ghazwani manœuvre lentement et n’entend pas prêter le flanc à son ex-ami… qu’il connaît fort bien, au demeurant. Ils ont cheminé ensemble et se sont soutenus mutuellement. Mais la connivence semble bien s’arrêter là. À moins qu’Ould Abdel Aziz, lui déjà nu ou presque, révèle des choses qu’il taisait sur son compère. Une chose est cependant certaine : l’honneur sali de l’ex-président et ses dix de règne sont bel et bien associés, au sein de l’opinion mauritanienne, au mot « corruption ». Venu, disait-il en 2005 et 2008, pour chasser « les gabegistes qui s’agglutinaient autour de Sidioca » et sortir les pauvres du trépas, Ould Abdel Aziz, a enclenché une série de réalisations à l’origine aujourd'hui de tous ses ennuis. L'étau ne cesse de se resserrer autour de lui. Outre les accusations de la CEP, il y a celle des députés qui lui reprochent de les avoir diffamés. On attend ce qu’en dira la justice… car, rappelons-le, un accusé reste présumé innocent jusqu'à ce que celle-ci se prononce.
DL