Université de Tidjikja : Levée de boucliers après les propos du porte-parole du gouvernement

1 May, 2021 - 23:50

Répondant, lors du point de presse hebdomadaire du gouvernement, à une question d’un journaliste relative au projet de l’université de Tidjikja, capitale régionale du Tagant, le docteur Sidi Salem, porte-parole du gouvernement, a laissé entendre que ledit projet pourrait être annulé et que le gouvernement était à la recherche d’une autre ville  où édifier l’ouvrage. Pour cause, la capitale régionale n’a pas d’eau et l’on ne peut en conséquence y implanter une université. Une déclaration largement suffisante pour sortir les cadres de cette ville de leur torpeur ramadanesque.

Beaucoup de ressortissants ont écrit sur leur page FB, d’autres n’ont pas manqué de protester à travers les groupes Whatsapp, contre cette sortie qui ne manquera pas, commente un des notables de la cité, de faire retourner dans sa tombe l’illustre érudit Sidi Abdoullah Hadj Brahim, enterré à Ghouba– soixante kilomètres au Sud-est de la capitale régionale – mais aussi le grand-père de l’actuel président Ghazwani qui repose, lui, dans un petit cimetière non loin de l’aéroport de la ville. Des hommes qui se sont battus pour le rayonnement du savoir en cette contrée.

Depuis mercredi, les ressortissants de Tidjikja se mobilisent donc pour réclamer le maintien du projet et posent deux questions fondamentales. Le porte-parole du gouvernement a-t-il émis un avis personnel ? Ou exprimé  la position du gouvernement ? Dans le premier cas, c’est une erreur monumentale  et  il faudra tirer les conséquences, en exigeant des explications de la part du ministre, estime un cadre jugeant le propos  offensant pour les habitants de la ville et de toute la région. « Comme les autres fils de ce pays »,  ajoute-t-il, « les enfants du Tagant ont droit à l’éducation et à la formation, donc à des infrastructures appropriées ».

Dans le second cas, cela signifierait d’abord, selon notre interlocuteur, que la diète noire qu’a subie Tidjikja durant les dix dernières années n’est pas prête à s’arrêter. Le même ministre ayant également déclaré qu’entre Aziz et Ghazwani, il n’y pas de rupture, mais continuité. On se rappelle que cette saillie avait suscité un tollé mais rien de plus. Faudrait-il comprendre que l’actuel gouvernement ne va rien faire pour régler le problème de l’eau à Tidjikja, a contrario de ce qui fut ailleurs ? Notamment à Kiffa, Nouadhibou ou Nouakchott ? N'aurait-il aucune considération pour les citoyens de cette capitale régionale ? Tidjikja et le Tagant font partie intégrante du pays et leurs citoyens ont droit à des infrastructures pour leur épanouissement, c’est un droit que leur garantit la Constitution, souligne un autre cadre de la ville.

Problème récurrent

Dans un cas comme dans l’autre, Tidjikja se sent offensé par les propos du porte-parole du gouvernement et attend de celui-ci des explications. Les élus bougent et cherchent à rencontrer le président de la République. Sur place,  un sit-in de protestation au moment du ftour s'est tenu sur la Place de l'Indépendance. Même les structures locales de l'UPR se sont jointes au concert de protestations,  ce qui n'a pas apparemment été bien apprécié par la direction du parti à Nouakchott.
Certes la ville de Tidjikja connaît, depuis des années déjà, un sérieux problème d’approvisionnement en eau pour les gens et l’agriculture sous palmiers : les années de sécheresse successives  ont fini par assécher les nappes phréatiques de l’oued. Il faut creuser jusqu'après de cent mètres pour espérer tomber sur  une nappe.

Résultat, l'oued, fondement économique de la ville, est en train  de disparaître. Les différents projets et études réalisées dans  la zone  sont restés sans effet ou presque. Lors de  son premier mandat (2007 -20012) à la tête de la commune, le maire de Tidjikja, Mohamed Biha, soutenu par les cadres et notables de la ville,  a développé un important plaidoyer auprès des structures de l’État pour régler le problème, réussissant à désenclaver l'oued  en amont et en aval de la ville par des pistes et à l'électrifier.

Réélu à la tête de la commune en 2018, il continue à se battre avec un groupe  thématique« Eau »présidé par le grand notable Mohamed Abdallahi ould Zein et comprenant des spécialistes en la matière. Et de travailler tous ensemble à  régler le problème récurrent. Les différents projets (Études Tagant, Projet Oasis, PGRNP, PARP…) n'ont pas eu l'impact  espéré sur la ville et son oued en termes de nouvelle ressource aquifère, première doléance des maires et des populations, à chaque fois qu'un président de la République visite Tidjikja.

Les  festivals des dattes organisés par la mairie sous Ould Biha ont permis aux ressortissants de la ville de débattre de la question, à travers des tables-rondes, journées de réflexions  et  de formuler des recommandations à l’État dont la réaction se fait toujours attendre. Rappelons enfin que, fondée en 1660, Tidjikja fut classée au Patrimoine national, le 31 Juillet 2015 et au Patrimoine  islamique (ISESCO). L’ASG se bat pour l’inscription de la Douéra, sa première mahadra, au Patrimoine de l’UNESCO. La ville compte près de six mille manuscrits, répartis entre une trentaine de bibliothèques familiales. La Douéra fut  un foyer de promotion du savoir et de la culture islamique dont le rayonnement dépassait les frontières de la Mauritanie.

DL