Le gouvernement a lancé une opération de fourniture gratuite et de vente à des prix subventionnés du poisson dans le cadre d’une «Opération Ramadan ». Louable en son caractère social, l’initiative pose des interrogations existentielles pour un secteur confronté à de multiples difficultés.
« Sa déprime est profonde », avertit Béchir Hacena, président du Comité des Usiniers et Exportateurs de Poissons de Nouakchott (CUEPN)/section Sud
de la Fédération Nationale des Pêches (FNP), « le gouvernement doit intervenir rapidement pour remettre de l’ordre dans l’activité ». Le CUEPN/section Sud est de création récente mais pas la Section Sud de la FNP à laquelle il est affilié avec cependant une autonomie financière et administrative vis-à-vis de la Fédération.
Sa mise sur pied est le fruit d’une nouvelle approche «qui allie l’artisanal à l’industriel, en passant par le commercial. Cela devrait permettre de travailler de manière plus efficace et d’optimiser l’impact économique des différentes actions. […]
La CUEPN forme la colonne vertébrale de la filière artisanale en zone Sud à même de porter la croissance, condition incontournable à l’émancipation du secteur artisanal dans cette partie du territoire national », explique Béchir Hacena.
Elle en a grand besoin. Et l’opérateur de citer l’exemple « d’une production artisanale quasiment inexistante. Les usines en souffrent, tout comme le marché local. Ce n’est pas seulement dû à la surexploitation de la ressource par une quelconque flotte étrangère. À mon avis, il s’agit plutôt d’une absence de flotte artisanale capable de ravitailler régulièrement le marché. Jusque-là, ce service était assuré par des pirogues sénégalaises affrétées par des opérateurs mauritaniens. Elles se sont vu chassées, du jour au lendemain, sans vraies raisons, sinon purement politiques et en tout cas pas techniques. Notre flotte artisanale nationale ne peut à elle seule
assurer l’approvisionnement du marché ».
Béchir Hacena note de surcroît les difficultés éprouvées dans la commercialisation : « Le produit mauritanien est aujourd’hui loin d’être compétitif par rapport à celui de nos voisins comme le Maroc ou le Sénégal. Pour la simple raison qu’il supporte beaucoup trop de charges, entre surtaxations fiscale et douanière, en passant par des taxes fixes astronomiques liées à l’énergie dont le coût de consommation est déjà très élevé dans un pays pourtant aujourd’hui prétendument exportateur de son électricité vers les pays voisins. A cela vient s’ajouter le problème de la SMCP en déphasage total avec la réalité des marchés internationaux ».
À tous ces problèmes endogènes s’ajoute une pratique gouvernementale
récurrente consistant à étouffer le secteur avec de nouvelles taxes, à
chaque fois que l’État est confronté à des contraintes d’ordre budgétaire.
Amadou Seck