Inculpé la semaine dernière pour, entre autres, blanchiment d’argent, corruption, enrichissement illicite, obtention d’avantages indus et obstruction au déroulement de la justice, Ould Abdel Aziz a été placé sous contrôle judiciaire strict et obligé de se présenter trois fois par semaine devant la police pour signer. Malgré cette humiliation, il a refusé de se départir de la ligne de défense que lui ont conseillée ses avocats depuis le premier jour : pas un mot à la police économique, devant le juge ou le procureur. L’article 93 dont il se prévaut lui garantissant, selon eux, une immunité pour tous les actes commis dans l’exercice de ses fonctions. Mais voilà que subitement l’un de ses conseils jette un pavé dans la mare : Aziz va parler et il faut s’attendre à un tsunami. Chiche ! La menace à peine voilée s’adresse à qui ? À ceux qui ont partagé le pouvoir avec lui et qui sont encore aux affaires ? Que pourrait-il dire qu’on ne connaît déjà ? S’est-il enfin rendu compte que son silence n’est pas un argument juridique et que, quoiqu’il fasse, son sort est scellé ?
Certes, l’homme a sûrement encore des capacités de nuisance. En onze ans de pouvoir, il a sans doute glané beaucoup d’informations, éventuellement compromettantes, sur ses amis et adversaires. Le démantèlement, il y a quelques mois, d’un réseau de policiers qui lui fournissaient des écoutes illégales – certaines fuitèrent sciemment… – invite à la plus grande prudence. Même les saints ont une ombre… Mais la médaille a son revers et un effet boomerang n’est pas à exclure. La loi sur la cybercriminalité est désormais en vigueur. Rien n’interdit à un juge d’ouvrir une nouvelle procédure pour diffusion de fausses informations, diffamations, violation de la vie privée, voire outrage au chef de l’État. Aziz a donc tout intérêt à tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler. La menace est pire que l’exécution, dit une célèbre sentence du jeu d’échecs. Serait-ce que celle-là puisse suffire à contrer celle qui pend au nez de notre ex-Président et dont l’exécution semble autrement plus argumentée et lourde, en conséquence, pour l’issue de la partie ?
Ahmed ould Cheikh