Lors d'une visite effectuée à Nouakchott , il y a quelques années, Monsieur Francis de Chassey, sociologue, ancien Professeur de philosophie au lycée national et auteur d'un remarquable ouvrage d'histoire politique et sociale de notre pays , intitulé " La Mauritanie de 1900 à1975’’, nous a raconté une anecdote qui en dit long sur l'émergence d'une flamme devenue aux yeux d'une certaine jeunesse mauritanienne, dans sa vie et après sa mort, le symbole du combat pour la justice et l'égalité entre les citoyens.
Monsieur de Chassey avait décrit, avec précision, comment il a été en 1964, impressionné au lendemain de sa prise de service en tant que Professeur au lycée national, laquelle coïncida avec une visite inaugurale du Président Moktar, par la fougue de ce petit gamin mauritanien qui sursauta de son banc tel un ressort pour interpeller l'auguste visiteur sur l'impérieuse nécessité d'officialiser et d'enseigner la langue arabe pour affirmer l'indépendance réelle du pays. C'était Soumeida!
Deux années plus tard, la République naissante fut touchée dans son cœur par la déchirure de sa jeunesse, à peine initiée à l'enseignement moderne censé construire, sur des fondements solides, l'avenir de toute une nation.
De cette douleur initiale, ressentie par le jeune Soumeida et ses camarades naquit le mouvement national démocratique.
L'idée fondamentale que nous avons reçu, en héritage de la génération Soumeida et au nom de laquelle nous avons milité, dans notre jeunesse et à laquelle nous continuons de croire profondément, est une idée simple voire simpliste.
Nous ne lassons jamais de répéter que l'unité nationale de la Mauritanie, perçue dans sa riche et belle pluralité, vaut toutes les concessions possibles.
S'il est vrai que la préservation de l'unité nationale incombe, en premier lieu aux régimes politiques qui se sont succédé, lesquels n'ont pas su ou pu s'acquitter, convenablement, de leur devoir, en la matière, il n'en demeure pas moins vrai que c'est à la jeunesse d'aujourd'hui, en particulier la jeunesse instruite que revient la charge de perpétuer, dans la pensée et dans l'action, cet indispensable credo.
Or tout indique, au vu de la guerre des langues qui nous poursuit telle une malédiction, que la grande leçon tirée, par la génération patriotique, des tragiques événements 66 n’a pas été assimilée par une certaine élite qui s'accroche, aveuglement, à ses intérêts égoïstes.
Faudrait-il rappeler que cette leçon fut, avant toute autre considération, un enseignement pratique qui nous indique, dans l'intérêt de la patrie, la voie du consensus sur l'échelle des priorités ?
Certes il est permis de constater, aujourd'hui, que le mouvement progressiste dont le flambeau a été porté haut par le camarade Soumeida, a complètement disparu au point qu'il n'en reste plus qu'un quart de parti affaibli par les divisions internes ou quelques réminiscences des ex rêveurs qui se sont réfugiés dans le monde virtuel.
Il est également bien permis d'observer que les idées qui ont soutenu l'action de ce mouvement, et en particulier l'idée centrale de la lutte des classes, ont été dépassées et renversées par les temps qui courent.
Mais avec le temps, le souvenir de cette grande figure du mouvement national démocratique, disparue le 7 janvier 1970 revient, forcément, aujourd'hui et reviendra, certainement, pour toujours !
Abdel Kader ould Mohamed