Dans toutes les langues du monde, je crois, les mots et les expressions n’ont normalement de sens qu’en leur contexte. Un même mot peut ainsi fâcher ou satisfaire, voire enorgueillir. Exemple, ça dépend dans quel contexte tu me traites de collaborateur. Un excellent collaborateur ne veut pas forcément dire un grand collaborateur. Allez demander à Vichy et autres. On s’arrête parfois juste à trois syllabes : collabo. Et là, ça ne va vraiment pas ! Tous les pays ont eu leurs collaborateurs et leurs collabos. Parfois ça passe. Parfois ça casse. C’est mon collaborateur. C’est ma collaboratrice. Le féminin sonne mieux à l’oreille. Dans la Mauritanie coloniale, un partisan qui se disait « bartizan » signifiait quasiment collaborateur des colons. C’était quelqu’un à qui l’on confiait une mission avec chameau, selle et fusil, pour besoin de service à exécuter. Une fois la mission accomplie, on récupérait tout et il redevenait une personne ordinaire, ni partisane ni collaboratrice. Un peu comme justement ces milliers de prestataires de service que le ministère de l’Éducation engagea il y a deux ou trois ans de cela. Voici l’école, le tableau noir, la craie, les élèves. Prêtez service et puis bye, bye… jusqu’à la prochaine ! Prestataire de service du ministère de l’Éducation n’est pas comme prestataire de service de la BCM, du Trésor, de la douane, de la présidence ou du ministère de l’Intérieur. L’expression dépend de son contexte. Exactement comme le mot collaborateur. Les petits Mauritaniens, surtout les Beydanes, parfois même les grands Beydanes, interpellent tous les coiffeurs, garagistes, plombiers, électriciens, déboucheurs, chauffeurs, restaurateurs, tailleurs, maçons, ferrailleurs, menuisiers, ferrailleurs, tous généralement noirs de Mauritanie ou étrangers, avec un « Hé, Grand ! ». Systématiquement. Mine de rien, sans que personne ne sache pourquoi. Connotation diffuse de « grand » truand ? C’est toujours une affaire de contexte. Bon, maintenant, j’en viens au vif du sujet. Dialogue aussi ne peut être compris qu’en son contexte. Mais avant, permettez-moi de rappeler qu’il existe des expressions comme « il m’a dialogué », « je vais le dialoguer », « c’est un dialogueur » et autres qui relève en réalité du pur jargon junk, dans le sens de coiffure en zigzag, pantalon très baissé à montrer la culotte, langage coloré de mots jargonnés. Dialogue, fraude, consensus, urne, bulletin, élection, commission, dépouillement, résultat, conseil constitutionnel, bureau, vote, électeur, contestation, candidat, mandat, tour, assesseur, président : autant de mots à sens variant selon le contexte. Dialogue social, dialogue politique, peut-être même dialogue économique, dialogue sanitaire, scolaire ou sécuritaire… Les Mauritaniens vont « se dialoguer » les uns les autres et à qui mieux mieux ! De quoi vont-ils parler ? Parce que c’est un problème sérieux, chacun va dialoguer… selon son propre contexte ! Le Président, son gouvernement, son parti et sa majorité vont essayer de dialoguer les oppositions, afin que celles-ci dialoguent le peuple pour continuer à le faire taire… jusqu’au prochain mandat. Les oppositions vont essayer de dialoguer les autorités pour qu’elles continuent à leur reconnaître le statut d’oppositions, afin de pouvoir continuer à dialoguer avec les autorités. Une sorte de cercle vicieux qui rappelle étrangement l’histoire du phacochère avec un certain tubercule (tar’e) qu’il passe son temps à déterrer, au prétexte, répond-il à ceux qui lui demandent pourquoi déterre-t-il ce tar’e, de « fortifier son cou. - Pourquoi fortifies-tu ton cou ? - Pour déterrer ce tar’e ». Dialogue social préparant dialogue politique qui permettra d’organiser des concertations nationales qui aboutiront à un dialogue entre acteurs politiques et activistes de la Société civile formant de gros rassemblements officiels dans les palais des congrès où se rencontreront les gens pour les faire parler et continuer à dialoguer jusqu’au prochain mandat qui sera suivi d’un autre dialogue politico-économico-socio-culturo-rien… Salut !
Sneiba El Kory