J’avais un ami qui, soit dit en passant, aimait répéter à qui voulait l’écouter : « Tu veux conseiller ? Conseille donc ta tête ! ». Une manière tout à lui de dire qu’il n’avait besoin des conseils de personne puisque, de toutes les façons, il ne les écouterait jamais. C’était un simple bidasse pas si sage que ça mais qui avait au moins la clairvoyance d’avoir compris qu’un conseiller sans rien à conseiller, par ignorance, complaisance ou hypocrisie, sinon les trois réunies, il vaut mieux s’en passer. Combien feu Moktar ould Daddah eut-il de conseillers ou chargés de mission ? Ses ministres en avaient-ils ? Certainement pas à la pelle ; en la totalité des départements et compartiments, deux à trois dizaines, tout au plus. Et certainement pas conseillers en tout. Le ministre de l’agriculture en avait-il un en riziculture ? Un autre en sorgho, un troisième en tomates, carottes et légumineuses puis encore un quatrième en semences améliorées, un cinquième en cultures sous pluie, de crue et de décrue, etc. ? L’actuel ministre de l’Éducation nationale, de la formation professionnelle et de la réforme, il lui faut un conseiller pour ministre, un autre pour éducation, un troisième pour formation professionnelle et encore un pour réforme. Et plusieurs autres pour les affaires internes et externes, afin de coordonner sans cesse l’action du département avec la tripotée de chargés de mission et qu’en fin de chaque mois, des centaines de millions d’ouguiyas (bon, rassurez-vous, bien entendu anciennes) servent à leurs salaires, honoraires, frais de missions, expertises, pauses-café/thé/déjeuner/goûter et payer les services spéciaux dûment rendus. Et ainsi de suite, les conseillers et les chargés de mission augmentant au gré de l’importance et de la complexité du ministère. Avec juste une petite opération de calcul quotidien enseigné au Fondamental, on verra, au final, combien de douzaines (centaines ?) de conseillers et chargés de mission traînent leurs guêtres dans les arcanes de l’administration. Et si l’on y ajoute ceux de la Primature et de la Présidence, aussi kaléidoscopiques que caméléoniens et venus de partout : majorité, opposition, du centre du centre et des extrêmes ; de toutes parts, de toutes causes et obédiences, là, nos têtes se trouveront complètement nouées. Mettez-y les conseillers et les chargés de mission de la Commission nationale des hydrocarbures (dont certains sont sortants de la Mahadra…), ceux de la Commission nationale des droits de l’Homme (dont certains ne savent pas ce que c’est que la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme) ni même la date de la Journée internationale desdits droits. Et n’oubliez pas les conseillers et chargés de mission du MNPT (Mécanisme National pour la Prévention de la Torture), de Taa’zour ou de la SNIM où frétille un régiment de tout, un ramassis de tout. Vraiment de tout. Je dis bien de tout. Et donc de n’importe quoi… Plus mes amis à moi, les quelques peshmergas qui m’ont laissé tomber en devenant conseillers ou chargés de mission aux ministères des Finances, des Affaires étrangères, de l’Intérieur et de la décentralisation, à la FMF ou toute autre part ailleurs… Regardez-moi bien ou, si vous préférez, écoutez-moi bien. Juste pour paraphraser un très populaire adage arabe, comment quelqu’un qui n’a rien peut-il donner quelque chose ? Ok. En tout cas, moi, je suggère des conseillères plutôt que des conseillers ! Au moins celles-là pourraient servir à quelque chose. Surtout que nous disons, Nous les Arabes (encore Nous ! Vive Nous ! Journée internationale de la langue rabe oblige), que derrière chaque grand homme, il y a une femme. Alors vivement des conseillères et des chargées de mission ! Au moins, on aura fait genre, puisque ni la sagesse, ni la compétence, ni la moralité, ni l’utilité ne sont de conditions pour conseiller ou aller en mission. Et, au fait, pourquoi pas moi ? Salut !
Sneiba El Kory