Juste après la prière de vendredi dernier, alors que les fidèles étaient encore assis, un homme se lève et demande à tous de prier pour le repos de l’âme du colonel Oumar ould Beibacar. « J’étais un garde. J’ai travaillé sous ses ordres et je peux vous garantir que c’était un homme pieux, juste et foncièrement bon. » Une immense émotion envahit l’assistance. Peut-il y avoir meilleur témoignage pour un homme à qui l’on ne cessa pourtant de tresser des lauriers, tant son parcours fut des plus exceptionnels ? Brillant officier, le colonel – E/R, comme il tenait à l’écrire lui-même, chaque qu’il signait un article dans notre journal – laisse toutes les grandes causes orphelines. Grand baroudeur, il est connu pour n’avoir jamais tenu sa langue dans sa poche, sinon par pudeur et respect d’autrui. Une anecdote qui circule encore à l’état-major de la Garde en dit long sur l’homme. Juste après le coup d’État d’Ould Abdel Aziz (que le défunt affublait du sobriquet de « général de bataillon »), le général Félix Négri convoqua les officiers de la Garde et commença à parler du Président. Oumar l’interrompit : « Vous parlez de Sidi ? ». Stupeur dans la salle. Officier visionnaire, il fut à l’origine de la fondation de la Caisse du Garde dont les effets bénéfiques, surtout pour les soldats, sont innombrables. Profondément humain, il contribua à rendre le séjour carcéral des négro-mauritaniens à Oualata beaucoup moins rigoureux et, de l’avis de plusieurs d’entre eux, sans son intervention, personne n’aurait pu survivre à un tel enfer. Repose en paix, preux chevalier !
Ahmed ould Cheikh