Pour peu que l'on soit habitué au paysage politico-médiatique français, on se rend à l'évidence que l'islam y est un sujet de polémique permanent. Il est nourri par des intellectuels issus en majorité d'un même clan communautariste, avec ses philosophes connus, ses polémistes attitrés, ses journalistes spécialisés et les médias à son service.
Qu'il fasse chaud ou froid, qu'il pleuve ou qu'il vente, il ya toujours quelque chose à dire sur cette religion et la manière dont elle est perçue au pays des Francs et des moins francs. C'est là que j'ai appris à faire la différence entre une burqa, un hijab, un voile, un foulard, un bikini, un burkini et j'en passe.
Quand on manque d'évènement, on en crée. A l'exemple du cas Maryam Pougetoux, responsable d’un syndicat étudiant à la Sorbonne, venue sur un plateau télé pour parler de la crise de l'université en 2018. Musulmane, elle portait un voile et l'assumait. Ce fut le tollé sur toutes les chaînes et ailleurs. Les critiques fusent de partout, pas sur ses propos, mais sur son habit : ministres, leaders politiques et bien sûr le clan communautariste.
Elle eut même droit à une caricature Charlie et dût se sentir persécutée comme une Rohingya. Elle refera surface en 2020, à l'occasion d'un débat à l'Assemblée nationale autour de la covid 19 et la jeunesse. Là encore, elle sera prise à partie et des députés se retireront de la salle, dont la cheffe de file du groupe LREM à l'assemblée.
De fait, au moment de l'assassinat du professeur, la situation d'ensemble était déjà bien corsée, en raison de la loi en préparation sur le « séparatisme musulman ». Les stratèges électoraux semblent tabler sur la possibilité de poursuivre sur cette lancée, dans le cadre de la campagne pour l’échéance présidentielle de 2022. Ils veulent compter sur la surenchère électoraliste que l'extrême droite ne manquera pas de livrer à ce sujet, en plus du procès Charlie qui se poursuit parallèlement, dans l'espoir de tenir l'autre France en porte-à-faux et envisager un second tour contre Marine le Pen.
On s'attend à ce que cette politique de surenchère se traduise par la mise au pas de l'islam de l'hexagone. A ses musulmans de l'intérieur, la France montrera ses crocs. Aux musulmans du monde, elle se revendique libre de montrer ce qu'elle veut. Et ceux qui ne seraient pas contents pourraient garder leurs sentiments pour eux.
Je pense aux populations musulmanes de la région. L'année dernière, Paris s'était plaint de critiques de certains intellectuels par rapport à sa politique au Sahel. Le président Macron s'était même emporté, au point de commettre un impair diplomatique de taille, en convoquant les chefs d'État concernés d'une manière par trop chevaleresque.
Qu'en sera-t-il cette fois-ci ? Évidemment, quand on sème des figues, on ne doit pas s'attendre à récolter des raisins. Mais tout cela serait peut-être à mettre sur le compte d'une autre liberté, fondamentale elle aussi comme celle de blasphémer : la liberté de déplaire.