Au cours des cérémonies de mariage – les « vraies », vraies de vraies où l’on sert, du jeu du bâton jusqu’à la fin, tous les airs de musique traditionnelle – des animateurs spéciaux demandent : « Où sont les parents du mari ? Où sont les parents de la mariée ? – Ils vous ont dit qu’ils sont là ! », leur répond-on en chœur. Où veux-je en venir ? C’est encore assez difficile de l’entendre, je vous le concède. En fait, cette évocation m’est venue à l’esprit en voyant rapporter, l’autre soir sur une publication, un festin de gens de la « mouarada » autour d’un long et large couvert de viandes, boissons, couscous, riz, pains, fruits et autres succulences ….. Pour moi en tout cas, c’est vraiment « essaha », je vous le jure, tant les jours de sécheresse sont beaucoup plus nombreux que ceux de bombance. Rapidement, bêtement, comme ça, deux questions me sont venues à la tête ou en tête (prenez l’un et laissez l’autre) : qu’est-ce qui s’est passé pour motiver tant de bonnes choses ? Comment et où ont-ils obtenu tous ces fruits et légumes ? Ils vous ont dit qu’ils sont là, les opposants, les oppositions ! Dieu soit loué qu’ils soient encore là, vivants et bien portants ! Al hamdou lillahi « sur la sécurité » ! Quinze mois de silence et hop : riz, viandes, poissons, pains, bananes, oranges et pommes ! C’est vraiment de très bon augure pour des lendemains qui chantent. On dit que l’appétit vient en mangeant. Mais je n’ai jamais entendu que le pouvoir vient en festoyant. C’est vrai que pour négocier ou dialoguer, il faut avoir bien mangé. Pourquoi ? Très simple : parce que ventre vide n’a point d’oreille. Maintenant, certainement que l’opposition va se relever du gouffre où elle est tombée. Oyez, oyez, bonnes gens, l’Opposition va commencer à s’opposer ! À tout. À l’usage du français au Parlement, en vertu de l’article 6 de la Constitution. À l’envoi de quelques unités de nos forces armées à Karkaratt. À la liquidation programmée du dossier de la corruption. À la réduction des impôts sur certains produits comme le sucre ou le tabac. À un deuxième mandat pour le Président. À l’achat du nouveau vaccin contre le coronavirus. À une quatrième licence de la téléphonie mobile. À la candidature d’un militaire à la prochaine présidentielle. À la gestion unilatérale du fonds par un comité dont les membres sont tous issus de la majorité. À tout, vous dis-je ! Même au port du masque dans les meetings populaires. Comme ça, chacun va avancer à visage découvert. Nous saurons, à toutes fins utiles, qui est qui, qui est quoi ou encore quoi est qui. Ah oui, c’est ça ! Ou tu es opposant qui peut hiberner plusieurs mois et te réveiller comme qui rigole pour continuer à t’opposer à tout ce qui bouge. Oppose-toi d’abord, le peuple te suivra ou ne te suivra pas. L’opposition est un moyen, pas un objectif. Un bon opposant, un vrai, un grand, sait accorder une période de grâce à tout nouveau Président. Exactement comme font la Banque mondiale, le FMI ou le FADES quand ils prêtent de l’argent à un pays pauvre. Cinq ou dix ans de rien. Puis encore cinq à dix ans d’un peu. Puis encore réclamation pour annulation. Opposants de Nou’z’autres : démarrage souvent difficile, grande panne, longue réparation. Puis redémarrage, repanne avec plusieurs mois sur cale. Une opposition saisonnière, puisque chaque chose en son temps : depuis 1992 – pauvres de nous ! – presque quatre décennies sans rien de « prenable avec la main » ! Rien que des lamentations, des silences compromettants, des sorties maladroites... Nos oppositions à nous nous ressemblent à nous le peuple : complètement déplumé, résigné, aplati. Qu’avons-nous à dire ou faire, nos oppositions et nous ? À regarder les visitations carnavalesques de Mohamed ould Cheikh Sid’Ahmed Ghazwani Taya. Autant mourir rassasié, on ne vous demandera aucun compte. Salut.
Sneiba El Kory