Certaines expressions ont été tellement célébrées qu’elles sont devenues célèbres. Devinez donc de quelle expression ou de quel mot je veux parler. Et, en plus, « on ne leur a pas donné leur eau » : méchoui, un mot qui sonne déjà très bien à l’oreille ; fait grincer les dents, alerte l’estomac. J’ai quelque chose à vous dire, « t’inquiète », comme disent les accrocs des petits mots très à la mode, mais je vais d’abord contextualiser mon propos. En plus d’avoir « versé du lait sur sa tête », le méchoui est un mot immortalisé pour de bon par les grilleurs d’Aleg et par le président de la République Mohamed ould Cheikh El Ghazwani. C’est grâce à ce petit mot qu’il a emporté l’élection présidentielle de 2019. Il fut très inspiré en y pensant. Le méchoui est un pur produit national : viande de chez nous, charbon de chez nous, grilleur de chez nous. Et ce n’est pas, s’il vous plaît, un mot français. C’est un hassanisme, autre preuve que c’est vraiment du pur consommer de chez nous. Et pas que lui. Couscous, un autre hassanisme d’encore chez nous. Alors, c’est quoi le français, Monsieur Macron et Madame Brigitte ? Nous, on peut manger et boire hassanya, pulaar, wolof ou soninké. Ça, c’était juste une petite digression fort à propos. Et que la France et son Macron sachent que nous pouvons « jeuner leur nom et leur langue » tout le restant de notre vie ! Nos ministres halpulaaren vont réfléchir, parler, s’habiller, travailler et vadrouiller en pulaar. Nos ministres wolof, itou. Nos ministres soninké, de même. Nos ministres beïdanes, kif-kif. Puis on traduira entre tout le monde en français mais de Belgique, pas de France ; sinon en anglais, russe, italien ou tamashek. El Karkaratt vient de karkara, littéralement « quelque chose qui fait beaucoup de bruit ». Justement, l’autre jour, le président de l’Assemblée nationale a qualifié l’un de ses honorables députés de véritable karkara. Il y a tout dans ce mot. À manger et à boire. Les légumes qui viennent via El Karkaratt et non Guergueratt, comme certains le pensent. Heureusement d’ailleurs, puisque « Guergueratt » renvoie au feu qui se consume fortement. Les fruits dernier choix dont nous raffolons et pour lesquels nous n’avons que nos dents et notre appétit très aiguisé. « Il n’y a pas de choix dans le bien des gens », nous rappelle un adage populaire bien de chez nous. Nous sommes peut-être (je n’en suis pas sûr) le seul pays dont le président évoque en conseil des ministres légumes et fruits. Passage de Karkaratt fermé, bonjour pénurie en tomates, rejet de bananes et mandarines, salades, pommes de terre, oignons, pommes, oranges et même chanvre indien. Problème à la frontière avec le Sénégal, pénurie en thiouraye, seaux plastique et chaussures « poumon » très prisées chez nous. Échauffourées à Gougui Zemal, pénurie de domestiques ménagers, balais, cordes, miel, jujubes et pain de singe… Heureusement que « mangeons ce que nous produisons » n’est qu’un slogan sans lendemain. Merci Harpagon de nous avoir inventé la sentence selon laquelle il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger ! C’est dans quelques jours que l’Indépendance sera célébrée pour la soixantième fois. Le savon de Marseille, Ganilla, Dakouma et Lavanda venaient de Dakar et de Ndar. Riz, mil, huile, sucre, farine, savon, costumes de nos ministres et de nos députés, y compris les plus francophobes, pots de Gloria, sachets de Lipton et de café, aiguille, bonbons, pièces de tissu, stylos, cahiers, papier hygiénique, Kleenex, ramette de papier, boîte d’allumettes, petit coton-tige, tétine, biberon, morceau de chocolat, bouton, pile-batterie…. Tout ça vient d’où ? Dans quelques jours, nous allons célébrer l’indépendance nationale, puisque nous sommes un pays souverain avec quelques quatre à cinq millions de poètes… qui gagneraient à devenir cultivateurs. Certainement alors plus inspirés en joignant l’utile à l’agréable, devenant ainsi véritablement indépendants et souverains. Salut.
Sneiba El Kory