Un Bosseur [1] répara peut-être le vase de Soissons mais, médecin, mon ancêtre Mabon n’en avait pas moins réparé des corps et des âmes, au temps du roi Arthur. Ce n’est donc pas seulement la France qui a une histoire, elle puise ses racines en des mégalithes plus anciens, tout-à-la fois plus localisés et universels. Félicitations donc à Emmanuel Macron qui ne s’est pas restreint à cantonner notre histoire commune dans la république laïque de Thiers qu’il semble pourtant affectionner particulièrement. C’est bien mais tout de même assez risqué, dans son ratissage raisonné de l’électorat français.
Car s’en remettre à l’histoire de la France, c’est appeler d’abord l’église Catholique qui en fonda le mythe. Sans s’attarder sur le sacre de Clovis, image d’Épinal fort peu regardante de l’incrustation arianiste – lit de l’islam [2]… – au Sud de la Loire, on se souviendra ici du vieux dicton : « Une foi, une loi, un roi » ; qui provoqua tant de déchirements au royaume de France. S’agirait-il de convoquer aujourd’hui à une nouvelle guerre sainte contre cette fois les musulmans, électorat moins convaincant, il est vrai, que la marinade bleue marine ? Mais qu’en vont penser les armadas protestantes, juives, laïcistes et autres résolument franc-maçonniques, voire carrément athées ? Il est plus facile d’allumer un incendie que de l’éteindre… Père, garde-toi à droite ! Père, garde-toi à gauche !
Cela dit, l’âme gauloise et, partant, chrétienne est plus pompière que ne semble le prétendre notre ambigüe Marseillaise. S’ils aiment bien caqueter, les Français apprécient la paix. Et, sur ce chemin, catholiques, protestants, juifs, laïcistes et autres résolument franc-maçonniques, voire carrément athées, n’éprouvent aucune difficulté à rencontrer celle de leurs compatriotes musulmans. Au quotidien, dans leur voisinage immédiat. C’est même la règle générale. Mais il y a des exceptions. Rares, Dieu en soit loué ! Tout comme les faits divers morbides qui font frissonner de loin en loin tous les Français. Sans exception.
À ceci près d’étrange qu’on n’impute pas systématiquement la religion ou l’irréligion d’un forcené dans ses folies. Le cas de Xavier Dupont de Ligonnès et de ses accointances sectaires est réellement une anomalie. A contrario du moindre enragé dont on pourrait flairer un lien quelconque avec l’islam. Là, c’est systématiquement l’islam qui trinque. Pas question de bipolarité, inadaptation sociale ou autre dérangement mental. Non, il a crié « Allahou Akbar ! » et cela suffit à expliquer son crime. Et certes, la France a son histoire : le droit de décapiter quelqu’un pour outrage n’appartenait qu’au roi, pas au moindre pimpin de banlieue, fût-elle des plus bannies du lieu.
La liberté d’expression n’est donc pas un legs si ancien que ne le suggère Emmanuel Macron. Légalisée en 1629 par le cardinal de Richelieu, celui-là même qui accueillit, pour repeupler le piémont pyrénéen dévasté par la peste, quelque cent cinquante mille morisques et autres marranes expulsés d’Espagne vingt ans plus tôt, suite à la rébellion de Grenade, la censure n’a cessé d’aller et venir au gré des péripéties politiques. Elle s’exerce notamment aujourd’hui contre la contestation des crimes contre l’humanité. Pas de tous : il reste possible, par exemple, de douter de la réalité de ceux perpétré en Palestine par qui vous savez…
Musulman, je ne milite pourtant pas pour son application contre l’outrage au Prophète (PBL). Mais nous sommes un milliard et demi de musulmans et musulmanes [3] (2) – un humain sur cinq – variablement répartis sur la planète Terre et bien rares, s’il en existe, ceux ou celles qui ne se sentent pas blessés par les moqueries à l’égard de Mohamed (PBL). Français, je regrette profondément qu’Emmanuel Macron, censé représenter tous les Français, implique notre nation commune dans la défense de celles-ci, fût-ce au nom de la liberté d’expression. « Hé ! Français musulman, qu’est-ce qui lui prend à ton Macron ? Allez, hop, à la poubelle, la Pijo ! » Mauritanien bon teint, l’homme qui m’interpelle ainsi n’a absolument rien d’un fanatique : il se sent tout simplement méprisé. Par la voix censée parler au nom de la France.
Méprisé, comme tant de musulmans français. Il est hélas désolant que « musulman français » ne soit toujours pas synonyme de « français musulman ». Né en France de vieille famille bretonne française catholique, je vis, moi, mon islam comme une apothéose de ma foi chrétienne ; mieux : un fil raccommodant celle-ci à mes plus lointaines accointances celtiques, voire mégalithiques. Pourquoi ceux de mes frères et sœurs nés en islam avant de devenir français éprouvent tant de mal à vivre une élévation analogue ? Pourquoi leurs enfants, petits-enfants, voire arrière-petits-enfants désireux de renouer avec leur racine religieuse se voient-ils si souvent en porte-à-faux d’une culture française prétendument incapable de s’y retrouver ? C’est faux, monsieur le président de tous les Français, j’en témoigne.
Ian (Kirkcaldy) Mansour de Grange(-Mabon)
In journal « Le Calame » N°1226 du 11/11/2020
[1] Alphonse Jules Bosseur, le grand-père du grand-père de l’actuel président de la République française, était originaire des environs de la célèbre ville…
[2] Le soulèvement de la Provence contre l'autorité franque, dans les années 714-716, sous la conduite du patrice Antenor, met le feu aux poudres. En 719, Charles Martel entreprend une expédition punitive qui ravage l'Occitanie. À l’automne de la même année, les musulmans entrent à Narbonne avec une facilité troublante, au regard de ses défenses déjà puissantes à l’époque. L’argument selon lequel « les Sarrasins auraient profité de l’ouverture des portes de la ville en période de vendanges » paraît un tantinet ridicule mais, pour plus sérieuse qu’elle soit, l’hypothèse, plus réaliste et politique, d’une alliance objective contre les Francs, entre les Sarrasins et divers méridionaux (de Provence et du Languedoc), moyennant traité assurant la coexistence entre les communautés – un classique de l’expansion musulmane – n’a pas été, à ma connaissance, étayée par l’exhumation d’un document attestant celui-ci. Cependant, c’est bien alliés avec Mauronte, duc de Provence, que les musulmans prennent Avignon et Arles en 735 puis entrent en Bourgogne. Si l’alliance n’a pas précédé l’installation des musulmans à Narbonne, elle l’a, de toute façon, suivie. Charles Martel entreprend la contre-attaque l’année suivante. Avec son frère Childebrand et allié à de grands propriétaires terriens provençaux (comme les Abbon), il reprend Avignon mais échoue devant Narbonne. Il y remporte cependant une importante victoire à proximité (bataille de la Berre, en 737) près de l'étang de Bages-Sigean, à l'embouchure de la rivière Berre, dans l'Aude, contre les troupes d'Omar ben Chaled. Cette victoire va réduire la présence musulmane à Narbonne et à quelques forteresses en Provence (notamment dans le Massif des Maures et de L’Estérel). Dans la foulée, Charles Martel pille Nîmes, Agde, Béziers et Maguelone, avant de s’allier en 739 aux Lombards, pour reconquérir la Provence. Tous ceux qui avaient pactisé avec les Sarrasins sont alors tués ou vendus comme esclaves et leurs biens donnés aux guerriers francs. Ce sont bel et bien les Francs qui ont tiré, en définitive, les marrons du feu. Arbûna est conquise par Pépin le Bref en 759, non sans grandes difficultés. Le siège de la ville dure sept ans, les « Sarrasins » (quelques arabes, un contingent de maghrébins, un autre d’espagnols convertis et le reste, des mercenaires chrétiens, probablement en majorité ariens) y étant soutenus par les populations locales variablement islamisées, plus probablement restées majoritairement chrétiennes (ariens), comme l'étaient la plupart de leurs seigneurs et comme l'étaient tous les Wisigoths avant 589, hostiles à la conquête des Francs catholiques. Chaque victoire des Francs voit la vallée du Rhône, la Provence, le Languedoc, le Roussillon dévastés et mis au pas (notamment à Arles) avec rigueur par le pouvoir carolingien. Pépin le Bref achève ainsi la conquête de la Septimanie, l’islam reflue progressivement mais c’est surtout l’enterrement définitif de l’arianisme en Gaule… De cette compétition féodalo-économique – la Civilisation (et les richesses, donc) sont centrées, à cette époque, autour de la Méditerranée – naîtra le Languedoc, de la Garonne orientale au Rhône occidental, de Toulouse à Saint-Gilles.
[3] Avec quel pourcentage de désaxés ? En dépit des souffrances répétées (invasions coloniales, guerres « hydro-carburées », etc.), j’aurais tendance à le croire assez inférieur à celui affectant les populations non-musulmanes, américaines, par exemple... Mais, bon, sur un milliard et demi de gens, le moindre pourcentage fait aisément régiment d’al qahideux…