RFI- Le comptage des voix se poursuit au lendemain de la présidentielle en Mauritanie. Les premières tendances fournies par la commission électorale donnent, sans surprise, le président sortant Mohamed Ould Abdel Aziz gagnant, avec 76% des suffrages, pour un taux de participation de 56%.
Avec notre envoyée spéciale à Nouakchott,
Il ne manque plus que les résultats de quelques bureaux de l'intérieur du pays, sur les 2 967 que compte la Mauritanie au total, pour être sûr. D'ores et déjà, on sait que le président Mohamed Ould Abdel Aziz confirme sa première position dans deux tiers des bureaux. Il obtient 76% des suffrages. Loin derrière lui, en deuxième position, Biram Ould Dah Ould Abeid obtient 8%.
Boidiel Ould Houmeid et Ibrahima Moctar Sarr se disputent la troisième place dans un mouchoir de poche – toujours sur les deux-tiers des bureaux dont les résultats ont été consolidés pour le moment.
Le candidat qui crée la surprise est donc Biram Ould Dah Ould Abeid, qui arrive à la deuxième place : c'est sa deuxième participation à une élection présidentielle.
Concernant la participation, enfin, elle serait de 56% selon la Ceni (Commission électorale nationale indépendante), mais ce taux devra être confirmé une fois que la totalité des chiffres seront disponibles – probablement en fin d'après-midi.
Le Forum national pour la démocratie et l'unité, la coalition de l'opposition, ayant appelé au boycott de la présidentielle, a dénoncé un « scrutin organisé par un pouvoir dictatorial de manière unilatérale », et se félicite du faible taux de participation.
Biram Ould Dah Ould Abeid, le candidat anti-esclavagiste
Ould Abeid est un Haratine, descendant d'esclave maure, de 49 ans. Juriste et historien de formation, il est le président de l'Initiative pour la résurgence du Mouvement abolitionniste en Mauritanie (IRA). Son combat anti-esclavagiste sans concession lui a valu d’être emprisonné plusieurs mois en 2012 pour avoir brûlé des textes d’une école du droit musulman.
« En Mauritanie, il n'y a jamais eu d'abolition de l'esclavage, car l'Etat a toujours investi et organisé ses appareils policiers, l'appareil judiciaire, ses services cultuels, ses corps d'imams et d'érudits (...) pour maintenir l'esclavage et combattre l'abolition », déclare-t-il à l'AFP à Nouakchott. En 2013, il reçoit le prix des droits de l’homme des Nations unies pour son action et celle de son ONG. La même année, l'ONG Front Line Defenders lui décerne le Front Line Award for Human Rights Defenders at Risk.
Officiellement, l'esclavage a été aboli en 1981 en Mauritanie, pays de 3,8 millions d'habitants d'origine arabo-berbère et d'Afrique subsaharienne. Depuis 2007, une loi criminalise la pratique de l'esclavage, répandue dans toutes les couches de la société.
Mais Ould Abeid affirme que s’il y a des lois, « c'est un vernis destiné aux bailleurs de fonds (...), aux partenaires, aux institutions internationales dont la Mauritanie fait partie et qui prohibent l'esclavage. » Selon lui, « tout cet arsenal juridique n'a jamais été destiné à être appliqué. C'est pourquoi, malgré les lois, il n'y a jamais eu de répression de l'esclavage. »
Au contraire, dit-il, « ceux qui sont réprimés, ce sont toujours les militants anti-esclavagistes, ce sont toujours les esclaves qui aspirent à la liberté, à l'égalité. » Biram Ould Dah Ould Abeid dénonce la persistance d'un «islam officiel foncièrement esclavagiste, placé dans la Constitution mauritanienne comme principale source de lois et enseigné dans les écoles formant "les magistrats", "les cadres administratifs", "les officiers de police judiciaire". »
« L'éducation du Mauritanien (...) est une éducation qui autorise l'esclavage et le sacralise, qui le considère comme un sixième pilier de la religion musulmane. Il fait partie de la religion d'Etat », dénonce encore Ould Abeid, regrettant cet « islam esclavagiste vraiment en déphasage », « contraire à l'islam originel » et ses valeurs de charité et de solidarité.