Invisibles, elles le sont, ces femmes et filles en situation de handicap généralement privées, sinon moins bien informées, des services de planification familiale (PF).Les journées de prestation de services en PF, initiées lors de la campagne de sensibilisation du ministère de la Santé, avec l’appui de l’UNFPA dans le département de Dar Naïm et le quartier de Basra (Sebkha)et exécutée par la Fédération mauritanienne des Associations nationales de personnes en situation de handicap, a ainsi permis de mettre en lumière une criante réalité. Les femmes et les filles en situation de handicap peuvent se heurter à des difficultés pour accéder aux traitements, en raison de leur isolement à domicile; dans certains cas, elles ne disposent que de peu ou prou de connaissances. Les personnes en situation de handicap ne reçoivent pas, à l’ordinaire, d’informations ni counseling adéquat. Encore trop souvent considérées inaptes à la maternité, elles éprouvent de grosses difficultés à accéder à la contraception et à la PF.
Pourtant les personnes en situation de handicap ont des attentes en la matière. Les femmes-relais de la FEMANPH se sont mises principalement à leur écoute, étalant au grand jour leur manque d’informations. « Lors de nos différentes descentes sur le terrain, nous avons pu constater leur déplorable situation. Beaucoup de familles cachent encore leurs proches en situation de handicap, notamment les enfants, quasiment jamais enrôlés. Dominées par des mentalités rétrogrades, elles ignorent complètement les services de soins, indigénat ou carte de personnes en situation de handicap mis à leur disposition ». Et Mohamed Salem ould Bouh, vice-président de la Fédération Mauritanienne des Associations nationales de personnes en situation de handicap(FEMANPH) et également président de l’Association Nationale des Aveugles de Mauritanie, de renchérir : « Les femmes-relais de la Fédération ont dû intensifier leur action en la matière ».
« Les personnes en situation de handicap ont tendance à vivre confinées chez elles pendant des années », explique-t-on. « Elles ont beaucoup de mal à sortir à cause d'obstacles matériels et du manque de transport. Leurs besoins restent donc méconnus. Mais lorsque des rencontres d’échanges sont organisées, les femmes et les hommes en situation de handicap réclament davantage de services en santé reproductive. À les entendre, cela fait longtemps qu'ils veulent en savoir plus à ce sujet mais ne savent pas à qui s'adresser. Pourvues de conseils avisés, elles seront enfin en mesure d'opérer un choix véritablement éclairé en la matière ».
Énormes barrières
« Durant les journées de sensibilisation et de prestations de services », poursuit Mohamed Salem ould Bouh, « nous avons mobilisé, pour faciliter la communication avec les médecins et les sages-femmes, une interprète en langue des sourds. Auparavant, la communication avait du mal à passer. Les barrières étaient énormes. Maintenant, toutes les catégories d’handicap peuvent bénéficier de prestations, après avoir été édifiées sur la planification familiale et, au-delà, les consultations prénatales, l’allaitement maternel exclusif...Elles ont été satisfaites et ont compris la portée des messages. Il était important pour notre Fédération que cette dimension soit prise en compte. Les besoins sont importants. La FEMANPH défend les femmes en situation de handicap, confrontées à une extrême pauvreté et souvent célibataires. Il est indispensable d’initier des activités génératrices de revenus concourant à une autonomie qui leur permettrait de se marier et d’être plus indépendantes.
Les différentes bénéficiaires ont salué les différentes actions initiées en leur direction et promis de mettre en pratique les conseils en PF.
Descente sur le terrain
« Lors de la campagne de sensibilisation préludant aux journées de prestations de services au Centre de santé Tab Salam Dia et poste de santé de Basra, les femmes-relais de la Fédération maniant les différentes langues nationales et le langage des signes ont sillonné, souvent en porte-à-porte, les divers quartiers de DarNaïm et les points névralgiques de Basra (Arrêt-bus, Marché Nana…).Toutes les catégories socio-professionnelles ont été ainsi ciblées », précise madame Cissé Fatimata, femme relais. « Avant toute prestation de services, nous avons sensibilisé sous la khaïma différents groupes de femmes sur les avantages de la planification familiale. Elles étaient intéressées et ont compris les différents messages qui leur étaient prodigués et les réponses à leurs différentes interrogations. Certaines femmes ménopausées sont venues avec leurs filles. D’autres qui pratiquaient la planification familiale ont soutenu que depuis qu’elles l’ont adoptée, cela va mieux dans leur couple et dans leur quotidien. La campagne a permis d’outiller beaucoup de femmes mais les pesanteurs socioculturelles restent très fortes ».Mademoiselle Bintou Sow évoque, quant à elle, « la volonté des femmes en situation de handicap à prendre part aux actions et initiatives pouvant améliorer leur bien-être. Elles demandent à l'UNFPA de prendre en compte l’urgence de leurs questions et de leurs besoins ».Les femmes-relais ont enfin loué « la convivialité et la franche collaboration avec les équipes médicales ».
Le système de santé doit formuler des stratégies pour atteindre les femmes et les filles porteuses de handicap et veiller à ce qu’elles aient accès aux services. « Nous disposons de dix coordinations à l’intérieur du pays qui pourraient y contribuer », fait remarquer à cet égard Ould Bouh. La mise sur pied d’un programme spécifique en faveur des personnes en situation de handicap permettrait aux prestataires de services de santé de la reproduction, de plus en plus nombreux, à donner des informations à ces personnes, à travers une méthode permanente ou à longue durée d'action.
THIAM Mamadou