Ses lettres de noblesse, la Société nationale industrielle et minière est en passe de les décrocher dans le secteur touristique. Son hôtel cinq étoiles est en phase terminale à côté du Palais des Congrès. Pas besoin de se demander ce qu’elle en fera à terme. Elle lui trouvera sûrement un preneur, comme pour son building près du palais de Justice ou son "gratte-ciel", place des blocs.
La question est plutôt de savoir pourquoi cette propension de la société à s’engager à fond sur les domaines des autres et pas suffisamment sur le sien. Si ces ramifications servaient à mieux couvrir son secteur, elles se justifieraient. Mais c’est le tourisme, les travaux publics, le transport aérien, à côté des interventions de sa fameuse fondation, finalement plus prodigue en financements occultes qu’en bonnes œuvres sociales. Au demeurant, son train-train à domicile est celui d’une entreprise ordinaire où les morosités sont plus fréquentes que les embellies. Désarticulations et déboursements, ici et là, lui ont fait perdre sa vitalité, au point que des petits opérateurs miniers s’enhardissent désormais à lui marcher sur les plates-bandes, comme des chacals dans la cour d’un lion affaibli.
Nous sommes loin des ambitions de départ. La SNIM n’était pas qu’une société d’exploitation de minerai de fer. Sa naissance cristallisait un idéal de souveraineté et d’indépendance économique. L’ouverture de son périmètre d’opérations à des champs aussi vastes que l’industrie et les mines traduisait l’ampleur des résultats attendus d’elle, en tant qu’instrument de mise en valeur des ressources de notre sous-sol. Elle eut à son compte un premier exploit, avec la création de l’aciérie de Nouadhibou censée enclencher une dynamique de transformation des matières premières localement. Mais l’expérience sombra dans les méandres de la mauvaise gestion.
Depuis, la société a raté des rendez-vous où l’histoire l’attendait. Savez-vous que le gisement aurifère de Tasiast, exploité par Kinross depuis 2006, avait été découvert par l’Office mauritanien de recherches géologiques au milieu des années 1990 ? Ceux qui ont à cœur les intérêts du pays avaient souhaité que la SNIM relaye la performance de l’OMRG, en assurant l’exploitation du gisement. Mais elle faillit devant ce défi historique. Pourtant, elle avait des atouts incontestables: des ingénieurs expérimentés, une main d’œuvre qualifiée et des infrastructures bien rodées à proximité.
Mais quelque chose avait cloché. Véto des chantres de la privatisation globale ? Réserves trop importantes pour échapper aux majors du métal précieux ? Dessous de table ? Manque de moyens ? En tout cas, la société a eu, aussi bien en ressources humaines qu’en moyens financiers, plein d’opportunités pour se bâtir une stature imposante. Elle aurait pu ôter tout prétexte à quiconque voudrait la contourner ; elle aurait pu éviter cette difficile situation où nos vaillants négociateurs bombent le buste pour avoir arraché une redevance de 6% des griffes de l’ogre canadien.
Si la SNIM d’aujourd’hui a une image étiolée, c’est qu’elle a perdu le cap des ambitions qui l’avaient enfantée. Ce n’est pas pour une course aux étoiles hôtelières qu’elle avait pris le départ, mais pour la prise en main des énormes richesses minières que recèle cette terre heureuse. Qu’elle reprenne ses marques, sous peine de mordre la poussière de ses carrières !
Mohamed Salem Elouma Memah
Entre-citoyens