Bon, il faut dire que sans être ni de nous ni d’eux, il ya quand même quelque chose : si l’on regarde de près, de tout près, on va croire qu’Octobre passé n’est pas comme Octobre présent. Que même le Premier ministre parti est comme le nouveau venu et que tous les deux ressemblent à la centaine d’autres, voire plus, que le pays a connu depuis son indépendance. Je m’explique. Par exemple, il y a une semaine, le président de la République est allé en Guinée-Bissau et aujourd’hui au Koweït. Soit dit en passant, il commence à aller. Chaque fois qu’il part et revient, il est accompagné d’une délégation variablement composée, par la direction de son cabinet, de conseillers, chargés de mission et ministres. Et, à l’aller comme au retour, le Premier ministre escorte le Président jusqu’à la passerelle, ils se disent quelque chose sans qu’on ne sache jamais quoi, puis, juste avant d’entrer dans l’avion, le Président se retourne et fait un grand au revoir auquel le Premier ministre répond par un aussi grand au revoir, balançant sa main dans le sens du vent. Un protocole universel, paraît-il… Ensuite, le Parlement et ses sessions. Ordinaires sur extraordinaires. Et vice-versa. Examen de projets de lois. Discussions en plénières ou en commissions. Parfois très très chaudes empoignades entre les députés, au point que nous ayons peur qu’ils n’en viennent aux mains. Surtout qu’ils en sont déjà venus aux bouches. Il paraît aussi que c’est un protocole universel et que les honorabilités sont ainsi dans leur rôle. Vingt-huit ans que les nôtres y sont. Pas toujours exactement les mêmes, certes, même si l’un d’entre eux y est depuis le premier parlement. Enfin bref, voici, moi, ce que je veux savoir, en fait : quand le Président voyage, le Parlement se réunit ou les ministres « se conseillent », c’est en réalité quoi, en termes d’impact sur la vie des citoyens ? Je sais que ça peut paraître ringard, voire un peu con, de s’interroger de la sorte mais c’est ainsi ! Parce que, nous, le peuple ou une partie du peuple dont moi-même, cela fait tout de même plus d’un an que nous attendons. Nous avons « entendu », comme dit l’adage arabe, « un grand bruit » mais n’avons vu aucune farine. Nomination d’un gouvernement. Puis renomination d’un autre gouvernement, avec changement de Premier ministre. Puis commission d’enquête parlementaire avec toutes les péripéties qui s’en suivirent : convocations et reconvocations de la junte de la dernière décennie, insultes croisées, manœuvres de dédouanement, accusations des uns aux autres. Toi t’as menti, moi j’ai raison. Toi grand voleur, toi petit escroc. On dit ici, chez nous, au pays des millions de cités dans le rapport de la CEP, que « beau ton argument, s’il échappe à celui de ton ami ». Nominations. Puis dénominations. Concours d’officiers ou de sous-officiers puis compositions et examens nationaux, fuite encore d’un sujet sans pouvoir en trouver l’instigateur(trice). L’hivernage bon ici, mauvais là-bas ; vaste mouvement au sein de la police ou dans les régions militaires ; un coordinateur général nommé pour le programme national de la Relance doté de plus de deux cents milliards, et que ceci ou que cela. Comme quoi les ex-ministres et leur ex-Président se sont copieusement et à qui mieux mieux arrachés les cheveux pour se disculper des lourdes charges dont on les a accablés ou que les ministres et leur cabinet, les directeurs généraux et leur conseil d’administration, les états-majors et leurs généraux, les bureaux de renseignements et leurs maquereaux et bien d’autres encore continuent à faire exactement semblant de bien faire aller les choses. Mais toujours sans le moindre impact perceptible sur la vie des gens. Le peuple s’impatiente... Salut.
Sneiba El Kory