La guerre des communiqués a repris de plus belle entre les avocats de la partie « civile » (c’est-à-dire l’État en tant que personne morale) et ceux de l’ex-Président, dans l’affaire désormais connue sous l’appellation « dossier de la corruption ». Si, pour les avocats de l’État, l’immunité dont se prévaut Ould Abdel Aziz devant les enquêteurs existe bel et bien dans les textes, elle ne lui est conférée durant son mandat que pour les seuls actes rentrant dans l’exercice de ses fonctions. « Or » , écrivent-ils, « les actes de corruption, ainsi que les nombreuses infractions assimilées, les crimes et délits de blanchiment, objets de l’enquête en cours, ne peuvent nullement être rattachés à l’exercice normal des fonctions du président de la République. Pour leurs confrères de l’autre camp, « les poursuites engagées contre leur client qui ne peut être jugé que pour haute trahison, en vertu de l’article 93 de la Constitution, ne se fondent sur aucune justification juridique ». Si l’on s’en tient à ce dernier raisonnement abscons, tout ce dont Ould Abdel Aziz s’est rendu coupable en onze années de pouvoir doit passer par pertes et profits. On doit donc lui offrir l’impunité sur un plateau, le laisser profiter des milliards qu’il a engrangés en toute illégalité ; faire, de l’article 93, une muraille infranchissable derrière laquelle tout Président peut désormais se cacher pour ne pas risquer la moindre poursuite, une fois son mandat expiré. Même si son registre de détournement de deniers publics, gabegie, prévarication est plus que plein ! Deux questions : l’objet de la restriction « ne peut être jugé que » serait-il de légaliser la corruption et les malversations au plus haut sommet de l’État ? Existe-t-il un seul juge, même mauritanien, une seule autorité internationale prête à s’exhiber publiquement en telle lecture ?
Ahmed Ould Cheikh