Escorté par un peloton de la gendarmerie commandé par le Maréchal des Logis Chef Coulibaly Djibi, le 14 Mars 1977, le capitaine Mohamed Sidina Ould Sidiya, commandant le secteur 4 (celui de Dakhla) se rendait à El Argoub pour une visite des unités. Sur le chemin du retour, l’escorte qui l’accompagnait fut accrochée par un ennemi d’une quinzaine de véhicules entre El Argoub et le PK 40. Le peloton de la gendarmerie refusa le contact et continua son mouvement vers Dakhla. Après avoir mis en alerte l’ensemble de ses unités, le commandant de secteur se rend avec les unités d’El Argoub sur le lieu de l’incident et constitua sur place une force de 27 véhicules composée de trois unités, un escadron de la garde commandé par le lieutenant Brahim Ould Jeddou, un escadron de la gendarmerie commandé par le sous-lieutenant Sid’Amar, un escadron de l’armée commandé par l’adjudant-chef Hafed, en plus d’une compagnie marocaine. Sur demande, des F5 marocains effectuent une reconnaissance et reviendront vers 18H00 rendant compte qu’ils n’ont décelé aucune trace, ni mouvement ennemi. Sur les traces de l’ennemi, le commandant de secteur engagea une poursuite à travers l’Aguerguer qui durera toute la nuit. Les unités ne s’arrêteront qu’à l’aube à Joua Esbatt, environ 200 kilomètres au nord-est de Dakhla, une région très accidentée, d’accès très difficile et peu favorable aux déploiements. L’arrêt fut mis à profit pour une remise en condition, la prise du petit déjeuner, le recomplément des pleins et pour faire un point de situation. A 08H00, les unités, canalisées par la nature du terrain, reprennent la progression, par éléments successifs, l’escadron de la gendarmerie en tête, suivi de celui de la garde, de l’escadron de l’armée, du commandant de secteur, la compagnie marocaine fermant la marche.
Embuscade
Les unités n’avaient pas parcouru trois kilomètres qu’elles tombèrent dans l’embuscade tendue et vers laquelle l’ennemi les avait drainées depuis le harcèlement du PK 40. Les rafales croisées des mitrailleuses lourdes laminèrent la carrosserie du véhicule de commandement de l’escadron de la gendarmerie. Seul le sous-lieutenant Sid’Amar gravement blessé et le gendarme Ly Oumar Hamé survivront à leur équipage. Les véhicules en plein collimateur des armes antichars ennemis volent en éclats. Un tir de barrage d’artillerie brise la cohésion des unités les divisant en deux parties, empêchant la première de tout mouvement vers l’avant et soumettant la deuxième, prise dans l’embuscade, aux tirs destructeurs des armes individuelles et collectives ennemies, leur interdisant toute possibilité d’esquive. La plupart des hommes sautent à terre, cherchant une protection contre le déluge de feu qui se déverse sur eux. L’escadron de la gendarmerie, en tête du dispositif, sera le plus éprouvé. Seule une vingtaine de gendarmes survivront à l’embuscade.
Après une vingtaine de minutes, dans une confusion totale, les unités se dispersent et se retrouvent réparties par petits groupes s’accrochant à des escarpements, sans organisation, ni coordination et livrées à leur instinct de conservation.
Le gendarme Ly Oumar Hamé, qui a échappé miraculeusement à une mort certaine, rencontre un véhicule équipé d’une mitrailleuse, commandé par le gendarme Coulibaly et les informe de la situation de l’équipage de commandement de l’escadron de la gendarmerie et la destruction quasi totale de l’escadron. Le gendarme embarqua avec l’équipage pour aller secourir leur commandant d’unité, mais l’accès leur fut interdit par les feux ennemis qui atteignirent le chef de bord qui succombera plus tard suite à sa blessure.
Le commandant du secteur, qui a perdu le contact visuel avec ses unités et s’est retrouvé isolé avec un véhicule de 106 m/m et un véhicule Mit 50 qu'il perdra en cours d'action, malgré ses tentatives, n’arrive pas à réorganiser, ni à coordonner ses unités, dispersées dans la zone d’action. Pendant qu’il cherchait à reprendre en main ses unités, le commandant de secteur, comme le nez dans la figure, à cause de sa voiture caractéristique fut repéré par l’ennemi, et une rafale de mitrailleuse lourde transperça le véhicule par la portière gauche de la cabine, blessant le chauffeur, le médecin chef, sur le siège central et le commandant de secteur sur le siège du chef de bord. Le transmetteur, un gendarme, prend en charge la conduite du véhicule et se dirige vers Dakhla, poursuivi par des véhicules ennemis tentant de l’intercepter, avec pour seule protection l’arme individuelle du commandant de secteur. Gardant son sang-froid, et malgré une roue crevée, le gendarme Ould Samaké réussira à ramener les blessés à destination pour recevoir les soins d’urgence.
Eparpillées sur les escarpements, les rescapés de l’embuscade continuent l’accrochage avec l’ennemi durant toute la journée et une bonne partie de la nuit. Tard dans la nuit, l’ennemi rompt le contact et se replie. Le lendemain au cours du ratissage, le sous-lieutenant Sid’Amar sera retrouvé achevé par une balle et détroussé de tout ce qu’il avait.
Mohamed Lemine Ould Taleb Jeddou
La Guerre Sans Histoire