Il y a 9 ans Aboubekrine Ould Dahoud écrivait une lettre à Ould Abdel Aziz (suite et fin)
A
Monsieur Mohamed Ould Abdel Aziz
Président de la République Islamique de Mauritanie
Nouakchott
Monsieur le Président de la République,
Vous avez-vous-mêmes tenu des propos, lors de votre émission télévisée sur le bilan de votre gestion, qui laissaient sous-entendre cette implication. Est-ce encore une manipulation de votre entourage ou une simple déduction de votre part ?
Je me permets de vous rappeler que c’est moi qui vous ai soulevé cet exemple de mauvaise gestion, dans mon courrier du 25 août 2009, comme je l’avais fait en son temps à l’ex-Président Maaouya.
Pour votre information, nous avions signé un contrat de groupement avec la société espagnole, bien avant (plus de deux ans) qu’elle soit adjudicataire du marché, sans avoir aucun lien avec l’Etat de Mauritanie, dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles nous avons signé d’autres contrats avec d’autres entreprises étrangères pour des prestations exécutées en Mauritanie, tel le cas, précité, de l’hôpital Cheikh Zayed.
J’attire votre attention sur le fait que les autorités de l’époque se sont substituées à la société espagnole, devant les tribunaux mauritaniens, lorsque nous avons intenté un procès contre elle. Le parquet général avait même enfermé sous clé le dossier de cette affaire, jusqu’à la chute de Maaouya.
Aussi, votre entourage vous avait-il convaincu que nous étions à l’origine des problèmes rencontrés par le ministre de la santé avec les spécialistes, alors que rien ne pouvait appuyer une telle hypothèse.
La diffamation de mon frère, la tentative de nous impliquer dans l’affaire de l’hôpital espagnol de Nouadhibou, tout comme le fait d’avoir voulu nous faire endosser la crise des médecins spécialistes, mais également la mise sous embargo de notre société, de manière officieuse, ressemblent étrangement à l’embargo et la tentative de diffamation qu’avait organisée, le régime de Maaouya contre notre société, en orchestrant en plus une campagne médiatique, dans laquelle, il avait prétendu, que l’on avait vendu à l’Etat un scanner d’occasion. D’ailleurs, récemment, cette campagne a été de nouveau reprise au moins à deux occasions, provoquées par nos dénonciations des procédures d’acquisitions des scanners, de l’IRM, des centres de dialyses et celle de l’unité de radiothérapie du centre d’oncologie.
Procédure suivie et approuvée
A titre d’information, notre société n’est pas celle qui a vendu cet équipement mais plutôt la société SIMED INTERNATIONAL, celle-là même qui avait équipé, entre autres, les hôpitaux : militaire, neuropsychiatrique et le centre de dialyse du CHN qui sont toujours fonctionnels à ce jour, dans le cadre d’un financement octroyé par le FADES. Toute la procédure relative à cette acquisition avait été suivie et approuvée, par le bailleur de fonds. Elle a vu la participation de plusieurs sociétés étrangères, conformément aux exigences du bailleur et suivant ses recommandations. La société SIMED a été retenue parce qu’elle était la plus compétitive à l’issue de l’appel d’offres international qui avait été organisé.
Notre société n’a même pas fait partie des soumissionnaires, cependant elle était le représentant exclusif, du fabricant PHILIPS et du fournisseur SIMED. C’est elle qui a installé effectivement cet équipement, dans l’enceinte de l’hôpital national, et qui en a assuré la garantie commerciale durant un an.
Le marché en question a été exécuté conformément à ses dispositions et l’équipement en question était bien neuf parce qu’il a été effectivement fabriqué après la notification dudit marché. La date de sa fabrication figure dans des plaques signalétiques fixées à l’intérieur du corps du scanner, en question, qui demeure disponible à l’hôpital neuropsychiatrique, semble-t-il. Nous disposons quant à nous de photos de ces plaques et d’un enregistrement audiovisuel de son installation.
Connaissant la mauvaise foi de la plupart des responsables et fonctionnaires, nous avons été prévenants en réalisant la prise de ces photos et de ces images vidéo, lors du déballage et du montage de l’équipement.
Par ailleurs, sachez que le défunt, s’occupait de la gestion des périmètres rizicoles de sa famille. Au même titre que tous les exploitants et coopératives agricoles, il a bénéficié de crédits auprès de la CACET.
Son débit de 22.310.192 ouguiyas, auprès de celle-ci, évoqué par des publications électroniques proches de votre pouvoir, n’a rien d’exceptionnel, puisqu’il est conséquent à des campagnes agricoles improvisées par les pouvoirs publics, auxquelles les opérateurs et exploitants étaient contraints politiquement d’y participer, malgré les pertes cumulées et l’endettement qui en a résulté pour l’ensemble des exploitations agricoles. Cet endettement a été entretenu et aggravé, campagne par campagne, par la politique désastreuse menée dans le secteur agricole par les régimes qui se sont succédé jusque-là à la tête de notre pays.
Ceci dit vous devez nécessairement comprendre que l’UNCACEM est les CACE qui en constituent les coopérateurs, n’appartiennent pas à l’Etat mais à leurs adhérents.
Ces structures mutualistes sont victimes de l’intrusion de la politique politicienne, par les différents régimes, dont le vôtre, dans leur fonctionnement.
C’est ainsi qu’elles n’ont jamais tenu, normalement et régulièrement, leurs assemblées statutaires ni désigné leur directoire et leurs adhérents n’ont jamais pu élire leurs administrateurs, sans l’immixtion des pouvoirs publics, depuis la tenue de leur assemblée constituante.
A cause de cette implication négative, des régimes, dans le fonctionnement de ces structures, celle-ci a permis leur mauvaise gestion car elles ont été victimes de nombreuses malversations et détournements, de leurs ressources, mais également de l’attribution complaisante et abusive de crédits, par leur même directoire, qui a sévi durant près de vingt-cinq années.
Le défunt et l’ensemble des adhérents, de ces mutuelles, ont droit à des ristournes, si celles-ci ont réalisé des bénéfices, dans le cas contraire c’est à eux de tenir les assemblées nécessaires à l’examen de la situation de leur coopérative et celles de leurs adhérents mais également à la prise des décisions qui s’imposent.
Dans le meilleur des cas l’Etat devient un simple créancier au même titre que d’autres.
Ceci dit, le débit, consenti par la CACET, au défunt, n’a rien d’extraordinaire ni d’exceptionnel, comparé à ceux d’autres adhérents qui dépassent les centaines de millions, et ne peut être à l’origine de son acte fatal, comme l’ont prétendu les publications précitées, puisqu’il a fait l’objet d’un protocole d’accord, comme ce fut le cas pour l’ensemble des adhérents, du crédit agricole. D’ailleurs, il est largement couvert par la garantie foncière, dont dispose la CACET, et ne représente qu’à peine 1,5% de la créance de sa famille, sur l’Etat et ses établissements publics, dont le montant se chiffre à près d’un milliard cinq cent millions, en principal.
Injustice et anarchie
Sur un tout autre plan, à la fin des années 80, nous avons été expropriés, par le régime de Maaouya, d’une partie de nos terres, à quelques encablures du carrefour Madrid, au profit de quelques dizaines de prétendants, en majeure partie du cercle du pouvoir. Cette expropriation a été une source de corruption aux responsables l’ayant exécutée à l’époque.
Au début des années 90 et après de nombreuses tractations avec le pouvoir de l’époque, il nous a été attribué, d’autres superficies en échange, plus loin sur la route du wharf, dont nous avions payé, à nouveau, le prix au trésor public. Ces terrains sont actuellement occupés illégalement, sous votre régime depuis 3 ans, et utilisés par une société étrangère, comme site intermédiaire de dépôt et de transfert des ordures de la ville de Nouakchott.
Nous ne sommes pas encore arrivés à les faire libérer malgré que nous ayons introduit une saisine auprès du tribunal du commerce, de Nouakchott.
Les détails, précités, ne sont pas exhaustifs des préjudices subis par notre famille car nous pouvons remplir encore plusieurs autres pages dans leur description, mais nous allons nous suffire de ceux-là.
Devant autant d’injustice et d’anarchie, que subit une famille, une victime peut facilement perdre la raison et succomber à la même tentation, que celle qui a, peut-être, poussé, entre autres, mon frère à cet acte fatal, par désarroi. Très souvent ce genre d’injustice ne conduit qu’à ce genre de drame.
Au vu de tous ces éléments pensez-vous vraiment que nous pouvons être assimilés aux ‘’moufsidines’’ que vous avez évoqués dans vos propos ?
Je pense que nous sommes plutôt victimes de tous les ‘’moufsidines’’ y compris ceux, nombreux, qui sévissent sous votre pouvoir.
Je pense aussi, que si nous avions fait partie de ceux-là, nous n’aurions pas eu autant d’impayés avec plusieurs administrations, sur une aussi longue période.
Croyez-moi, si nous avions acceptés de coopérer avec tous les ‘’moufsidines’’ nous n’aurions eu aucun sou dehors, puisque ceux-là mêmes, qui traînaient ou empêchaient le paiement de nos factures, pour ne pas avoir accepté de les soudoyer, auraient procédé à leur paiement avec toute la célérité nécessaire, car le cas échéant ils considèreraient qu’ils se font payer, d’abord, eux-mêmes.
Comment pouvez-vous accepter que l’on vous informe aussi mal, vous qui avez affirmé à plusieurs occasions, que vous contrôlez et vérifiez toutes les décisions et tous les actes des fonctionnaires et responsables de votre administration, dans les moindres détails ?
Je pense qu’au vu de tous ces détails, vous ne manquerez pas de punir celui ou ceux qui vous ont si mal informé et que vous lancerez sans plus tarder une enquête, pour non-assistance à personne en danger, dont a été victime mon regretté frère et que vous prendrez en conséquence, les mesures coercitives à l’encontre des responsables que désigneraient les résultats de cette enquête, que nous sollicitons vivement.
J’espère que vous ne resterez pas indifférent et réagirez positivement à cette démarche, qui n’a pour but que de vous éclairer davantage sur la réalité des faits et sur la nature des exactions et préjudices que subit notre famille depuis plus de deux décennies, sans justifications.
J’espère aussi qu’au vu de tous ces détails, vous accepterez de corriger vos propos, lors de votre prochaine sortie radiotélévisée, pour laver l’honneur de mon regretté frère.
J’espère également que vous instruirez votre administration, pour qu’elle procède, sans plus tarder, au paiement de l’ensemble de nos créances, sur l’Etat et ses établissements publics, débiteurs dans nos livres, mais également, la prise en charge des intérêts bancaires que nous avons supportés jusque-là, par la faute des retards dans l’exécution desdits paiements.
Enfin, je prie Allah le Tout Puissant, que le sacrifice de mon regretté frère, ne reste pas vain et qu’il contribue, plutôt, à délivrer toutes les personnes victimes d’injustice dans notre pays.
Dans l’attente de votre réaction, veuillez accepter, Monsieur le président de la République, l’expression de ma très haute considération.
Le 7 février 2011
Aboubekrine Ould Dahoud