« Impossible de faire une omelette sans casser des œufs », dit le vieux dicton français. C’est tellement simple, tellement évident, tellement comme ça que c’est ça. Et si c’est ainsi, comment le Premier ministre pourrait-il donner dîner sans dépenser un sou ? Hé, dîner premier ministériel n’est pas n’importe quel dîner ! Tout comme Messieurs, Mesdames les convives, députés du peuple qui viennent juste d’adopter la politique générale du Premier ministre. « Un cheval incapable d’en retourner un autre n’est pas noble ». Et « qui ne reconnaît pas le bien qu’on lui fait est un hrami » (un peu comme un bâtard…). Quand un Premier ministre donne dîner, il s’y trouve tout ce qu’« un œil n’a vu, ni une oreille entendu ni passé par l’esprit d’un humain ». Attention, les cent vingt millions dont parlent certains ou la fameuse facture de quelque cinquante-cinq millions que les services ont fait fuiter, il y a tout là-dedans ! Faites bien vos comptes : boubous et pantalons, retournés ou pas retournés, de tous les députés, opposants et majoritants ; leurs montres, chemises, parfums, caftans ; turban du président de l’Assemblée et ses babouches made in Morrocco ; voiles, robes, colliers, bijoux et autres petites indiscrétions des honorables Mesdames les députées. Ensuite, les petits quelques choses de tout celui ou celle qui a participé, de près ou de loin, à la préparation dudit dîner. Depuis le secrétaire à quelqu’un de là-bas, en passant par le chauffeur, le planton, le comptable, le directeur administratif et financier, le directeur de cabinet et Madame, plus encore quelqu’autre... Bref, tout ça pour dire qu’un dîner de Premier ministre, Ce n’est pas n’importe quel dîner. Et je vais vous révéler un gros secret. Bon, en fait un gros secret de Polichinelle. Vous savez, ce qui a tué la Mauritanie, des indépendances à aujourd’hui, ce qui l’a laissée « sur la trace » des nations, ce qui fait qu’aujourd’hui ses plus grandes villes n’ont pas d’assainissement et nagent honteusement à la moindre intempérie, que nos écoles ne sont plus rien, que nos dispensaires et simulacres d’hôpitaux ne ressemblent à rien de sérieux ou que nos administrations sont exactement comme nous, vous savez c’est quoi ? Ben justement les dîners, petits déjeuners, déjeuners, thés, cafés, kinkélibas, tisanes, méchouis, couscous, zrig « en chaque bureau, s’il vous plaît ! » Un sandwich-bureau, ça coûte beaucoup, un thé bureau aussi. Et c’est comme ça sur tout projet de construction de pont, route, école, établissement sanitaire, stade ou digue de rétention des eaux de pluie. Selon vous, combien ont coûté la chemise, le képi griffé Lacoste du président de la République, son pantalon avec lesquels il a visitationné Bassiknou et Adel Bagrou ? Et sa montre qui ne devait surtout pas craindre de tomber à l’eau ? Chaque président mauritanien a son style, comme il a ses proches, ses hommes et femmes d’affaires, conseillers, amis, confidents…La tradition des dîners officiels, c’est toute une histoire… qui ne date pas que de ce denier Premier ministre. Cent vingt millions engloutis en boissons, thés, viandes, poissons, poulets, fruits, eaux et l’on ne sait quoi encore… Ça pèse combien en tables-bancs, masques chirurgicaux, de lits d’hospitalisation, ambulances, forages, camions-citernes, pelles, brouettes, charrettes, ânes, vaches ou chèvres ? Un diner à cent vingt millions ou même juste cinquante-cinq millions, « ça sonne très mal à l’oreille », comme disait feu mon illustre instituteur. C’est comme un stylo vendu 10 MRU à la boutique du coin qui se retrouve surfacturé outrageusement à 100 MRU par le comptable ou le fournisseur de n’importe quel département. Bon appétit aux convives du dîner du Premier ministre ! Salut.
Sneiba El Kory