A
Monsieur Mohamed Ould Abdel Aziz
Président de la République Islamique de Mauritanie
Nouakchott
Monsieur le Président de la République,
Suite à la disparition tragique de mon frère, feu Yaghoub ould Dahoud, et les conditions dans lesquelles elle s’est produite, qui me semblent extrêmement confuses, inexplicables et pour le moins douteuses, il importe d’attirer votre attention d’abord sur l’événement lui-même et puis sur notre situation en tant qu’opérateur économique dans notre pays depuis 1975.
Tout le monde peut imaginer ce que nous ressentons, en perdant notre frère. Nul ne peut douter, que nous n’approuvons pas une telle décision et que nous aurions tout fait pour l’empêcher, si nous avions décelé le moindre signe d’instabilité, chez le défunt pouvant conduire à un acte extrême.
La gravité de cet événement soulève un certain nombre d’interrogations qui méritent d’être clarifiées.
Sur l’événement lui-même :
- Pourquoi les secours n’ont pas fonctionné ?
- Pourquoi l’a-t-on orienté à l’hôpital militaire ?
- Pourquoi dans une telle situation, il n’y a pas eu la moindre visite, des officiels, ni pendant l’hospitalisation ni après le décès ?
- Pourquoi il n’y a pas eu le moindre geste d’assistance sous quelque forme qu’il soit ?
En effet, malgré que l’endroit où s’est passé cet incident grave, se situe entre 50 et 100 mètres de la Présidence de la République, du Ministère des Affaires Etrangères, de celui de la défense, de celui de l’intérieur, de la direction générale de la sûreté nationale, et qu’il soit en plus entouré de plusieurs postes militaires qui assurent la sécurité de la banque centrale, du Sénat et des institutions précitées, aucune action ni tentative de porter secours au défunt, par les pouvoirs publics, n’a été constatée sur les lieux de l’accident. Au contraire, on a constaté l’empressement mis par les services de la protection civile à nettoyer l’endroit et à effacer toute trace de l’incident.
De ce fait, les conditions dans lesquelles s’est produit l’incident tragique, nous interpellent et imposent l’ouverture d’une enquête sérieuse, pour déterminer les raisons qui ont conduit les autorités publiques et les éléments des forces de sécurité civiles et militaires à ne pas porter leur assistance à une personne en danger, comme cela se fait dans tous les pays du monde.
Non assistance à personne en danger
A ce qu’il semble, le défunt a été entouré sur les lieux, avant de passer à l’acte fatal, par plusieurs éléments de la garde nationale, de la police nationale et de l’armée nationale dont ceux de la garde présidentielle, entre autres, pendant près de deux heures d’horloge. Ces derniers ont palabré longtemps avec le disparu sans toutefois prendre une quelconque mesure ni disposition pour l’empêcher de mettre à exécution la menace de son immolation !!!
Il s’agit là d’une attitude pour le moins surprenante et sans aucun doute condamnable, d’autant plus que ces derniers avaient les moyens et le temps matériel d’empêcher ce drame.
A ce qu’il semble aussi, la zone de l’incident est largement couverte par les caméras de surveillance, qui permettent de visionner, s’il y a lieu, tout évènement qui s’y passe.
Aussi, le défunt avait-il fait savoir, à l’assistance présente, qu’il allait mettre fin à ses jours par immolation. Rien n’empêchait, donc, les éléments des forces de sécurité présents, d’intervenir en cassant les vitres du véhicule qui lui servait de refuge et de l’en extraire. Comme il n’y avait aucun danger pour ceux-ci, sur les lieux, ils auraient pu sauver mon frère, du feu. Tout au plus il s’en serait sorti avec des brûlures superficielles.
Le fait qu’il ait choisi, comme mode opératoire, son immolation parmi une panoplie de possibilités qui s’offrent à un homme désespéré, comme lui, ayant décidé de mettre fin à ses jours, justifiait encore plus l’intervention des autorités, présentes sur les lieux.
En effet, il aurait pu choisir de se transformer en une bombe humaine et le cas échéant il aurait pu entraîner la mort de dizaines ou centaines de personnes avec lui, puisqu’il était très connu et qu’il pouvait accéder à n’importe quel endroit de son choix, mais il n’a pas choisi cette possibilité comme mode opératoire.
Il aurait pu également, attaquer votre personne,votre premier ministre ou l’un de vos ministres, lors de l’une de vos nombreuses sorties ou au cours de vos multiples déplacements, mais il n’a pas non plus choisi cette solution, comme mode opératoire.
Il a préféré ne faire de mal qu’à sa personne et par-delà à sa famille, sans doute, pour exprimer sa déception, son désarroi et son impuissance devant l’injustice que subit, entre autres, sa famille depuis plus de deux décennies, mais au-delà, il voulait, en se sacrifiant, attirer votre attention en tant que président de la République, sur la situation économique et sociale désastreuse, que vit le pays, ainsi que sur le calvaire que souffrent sa famille, comme de nombreuses autres.
Aussi, il a peut-être, été déçu par l’attente d’un espoir qu’il nourrissait dansla relation qu’il avait eu avec vous, qui le laissait croire que les choses pouvaient changer dans la gestion du pays, puisque vos discours faisaient croire, à ceux qui n’avaient pas d’a priori, à plus forte raison pour ceux qui vous soutiennent, qu’il y aurait un Etat de droit qui garantirait à tout un chacun ses droits. Peut-être qu’il avait eu la conviction qu’il s’était trompé dans son analyse et/ou dans son choix et par conséquent, il aurait perdu tout espoir de ce fait.
Nous sommes en droit de penser, quant à nous, sa famille, qu’il ne voulait certainement pas passer à l’acte s’il avait pu négocier l’issue de son action, avec les pouvoirs publics, d’autant plus, qu’il se considérait bien connu de vous-même.
En effet, il était l’un des premiers, sinon le premier, à soutenir votre dernier coup d’Etat. Il était le premier de sa tribu et de sa génération à s’exprimer sur la télévision, en votre faveur, en exprimant haut et fort son soutien à votre personne. Il a entrepris de nombreuses actions et a œuvré par tous les moyens dont il disposait pour entretenir une campagne à la faveur de votre dernier coup d’Etat.
Sa famille que nous sommes, nous ne l’avons pas blâmé pour son engagement pour vous ni pour la campagne qu’il a menée en votre faveur. Il nous a même amené à lui permettre d’offrir, entre autres, en votre nom, un cabinet dentaire à l’hôpital régional de Rosso, que vous aviez promis lors de l’un de vos meetings. Votre ami le sénateur de Rosso, M. Mohsen, en sait quelque chose. Ce dernier sait ce que le défunt a fait comme efforts pour soutenir et faire accepter, votre dernier coup d’Etat.
La confiance en votre personne, qu’il exprimait, m’a laissé croire, moi qui en étais loin, en votre discours et par-delà à votre intention de lutter contre la gabegie, la corruption et le détournement des deniers publics, que vous déclariez systématiquement dans tous vos discours et lors de toutes vos sorties médiatiques.
C’est d’ailleurs pour cette raison que je vous ai écrit à plusieurs reprises pour manifester mon soutien pour la lutte déclarée mais également pour dénoncer, par la même occasion, toutes les situations qui me semblaient répréhensibles et/ou qui me paraissaient en contradiction avec la lutte, que vous avez décidé de mener contre la gabegie et la corruption mais également contre le détournement des deniers publics.
Propos déplacés et choquants
Au moment où nous nous posions toutes ces questions, nous n’avons reçu comme réponse que les nombreuses rumeurs, quinous sont parvenues. Certaines, parmi elles, font état que vous ayez été informé du fait que quelqu’un menaçait de s’immoler et que vous aurez répondu à vos informateurs, qu’ils n’avaient qu’à le laisser le faire !!! D’autres poussaient plus loin la cruauté en vous attribuant des propos par lesquels vous proposez à ceux qui veulent s’immoler de les aider en leur fournissant de l’essence !!!
Malgré que vous soyez très mal entouré, nous ne pouvons croire à ce que vous puissiez prononcer de tels propos ni avoir une telle réaction vis-à-vis d’une telle situation, ne serait-ce que pour des raisons d’ordre purement humanitaire.
Nous pensons que c’est certainement votre entourage qui vous a empêché de vous comporter comme l’aurait fait normalement, un président de la République, dans une telle situation.
Dans tous les pays civilisés et/ou de droit, on constate tous les jours, les interventions des pouvoirs publics, pour sauver des personnes, dans de telles situations. De nombreux moyens matériels et humains sont mis en œuvre pour empêcher des personnes de passer à l’acte, quelle que soit la raison ou la motivation qui les aurait poussés à vouloir mettre fin à leurs jours.
Systématiquement, les pouvoirs publics tentent de connaître les raisons du désarroi de la personne, essaient de l’en dissuader et négocient, s’il y a lieu, la solution du problème qui l’a poussé à vouloir mettre fin à ses jours. En tous les cas, ils mettent tout en œuvre pour la sauver.
Quant aux hommes d’Etat et personnalités publiques (Président, Premier ministre, ministre, chef de parti, élu, homme politique, etc…) ils font la course pour être le premier à se présenter sur le lieu où se passe un pareil évènement, pour l’exploiter positivement, en leur faveur.
Cet entourage, aurait dû agir en exploitant positivement la situation, par le sauvetage, sur les lieux de l’accident, de notre regretté disparu mais également en s’occupant de l’organisation de son transport et son accueil par un centre spécialisé en Europe, seul en mesure, avec l’aide d’ALLAH, de le sauver.
Cet entourage, qui aurait dû vous conseiller d’agir de la sorte et de compatir avec la famille du défunt en cette circonstance, que nous vivons, s’est plutôt investi à vous organiser la sortie médiatique au cours de laquelle il vous a conseillé les propos que vous avez tenus à l’occasion de votre sortie télévisée, relayés par Al Jazeera et les publications électroniques, en réponse à une question qui vous a été posée par un journaliste, à ce sujet, lors de votre visite à l’une des boutiques de solidarité, nouvellement créées.
En temps normal, un entourage fidèle et soucieux de votre image, ne vous aurait jamais conseillé de tenir de tels propos, en cette circonstance, mais plutôt de partager nos souffrances, suite à la perte de l’un de nos fils, surtout dans de telles conditions, mais également parce qu’on venait d’en perdre deux en quatre jours seulement.
Non seulement, ces propos ont certainement choqué une large frange de la population, même ceux qui vous sont inconditionnels, parce qu’ils n’étaient ni appropriés ni opportuns, mais ils étaient en plus inexacts. Votre entourage vous a également très mal renseigné, comme à son habitude, sur la nature et l’activité de l’homme, que vous avez diffamé.
Le regretté n’a jamais fait partie des hommes d’affaires concernés par la gabegie et le détournement de deniers publics et au-delà de lui toute sa famille. Il était membre d’une famille connue pour sa probité, sa loyauté et son civisme. Il travaillait pour le compte des sociétés familiales, dont il était membre et il n’était pas un homme d’affaires au sens que vous lui avez attribué.
Ni lui ni sa famille n’ont bénéficié d’un quelconque privilège, aussi bien sous votre régime que sous celui de vos différents prédécesseurs.
Il va de soi et tout naturellement, que nous avons été, nous aussi, très choqués, à plus d’un titre, par vos propos.
Pendant que nous nous débattions dans la recherche d’un moyen de transport approprié et un centre d’accueil spécialisé, avec ce que cela implique comme démarches et difficultés, pour sauver la vie de notre fils, alors que les pouvoirs publics, qui en avaient l’obligation, n’ont pas levé le petit doigt ni apporté ne serait-ce qu’un petit réconfort, vous avez tenu ces malheureux propos, au lieu de venir en aide à ce citoyen, qui a pu tout simplement avoir eu un moment d’égarement, ou avoir perdu la tête ou qui a pu être victime d’un instant de folie, qui a provoqué son geste fatal.
Nous avons été très choqués, de vous voir tenir de tels propos conséquents à une situation de désespoir et de désarroi d’un citoyen, quelle que soit par ailleurs sa motivation et son degré de pauvreté ou de richesse, qui a été victime, par-dessus tout, d’un acte grave de non assistance à personne en danger, alors que c’est la responsabilité de l’Etat que vous présidez d’apporter cette assistance qui lui a fait défaut.
Au lieu de tenir de tels propos, votre fonction et les responsabilités qui en découlent, vous dictaient d’ordonner, la mise en œuvre de tous les moyens qui pouvaient l’empêcher de passer à l’acte, mais également d’instruire immédiatement, une enquête pour non assistance à personne en danger et aux responsables concernés de mettre en œuvre toutes les dispositions qui pouvaient sauver cette vie humaine, après la survenance de l’incident.
Si vous aviez agi de la sorte, cela aurait rehaussé votre image et votre quotte dans l’opinion publique. Le cas échéant, non seulement vous en seriez sorti grandi, par votre implication, dans le sauvetage de ce citoyen ; Implication qui aurait sans aucun doute empêché une autorité consulaire de nous éviter, lorsque nous avions tenté de la joindre pour obtenir un visa d’entrée, nécessaire à l’évacuation de la victime.
Nous avons été, non seulement très choqués mais également très meurtris parce que vous avez ordonné le transfert du défunt, après qu’il se soit immolé, vers l’hôpital militairequi n’était pas le plus indiqué à effectuer les premiers soins qui lui étaient nécessaires, où il n’a pu bénéficier finalement d’un simple calmant qu’au bout de plusieurs heures, alors qu’il souffrait atrocement, comme vous pouvez l’imaginer. Ce choix a été dicté, sans doute, par le souci d’empêcher les visites de nombreux parents et sympathisants. Pendant ce temps votre entourage organisait cette fameuse sortie au cours de laquelle vous avez tenu ces regrettables propos, tandis qu’il n’y a pas eu la moindre visite officielle, durant son hospitalisation ni après son décès ; étonnant que cela puisse être.
Une famille respectable à tous égards
Nous avons été très choqués également du fait que malgré que vous n’ayez rien fait pour sauver ce citoyen, perdu, ni avant son acte ni après, vous vous êtes permis de le diffamer sur les ondes radiotélévisées nationales et internationales.
Dieu merci, les qualificatifs et les terminologies utilisés dans vos propos ne collent pas et ne s’appliquent ni au défunt ni à sa famille.
Par conséquent, je ne peux que vous donner quelques informations et explications, sur la situation de l’opérateur économique, que nous sommes.
Nous n’avons pas fait partie des hommes d’affaires qui ont bénéficié des largesses de votre pouvoir ni de ceux qui vous ont précédé.
Nous avons choisi la liberté, l’honnêteté et le sens de l’honneur, que nous avons hérité de notre père, qui est connu pour son civisme, son intégrité, son courage et sa loyauté.
C’est ce choix qui m’a poussé à m’orienter vers le secteur privé, à l’âge de 20 ans, en créant d’abord un garage de réparation automobile en 1974 ; Il m’a conduit après un bref passage dans l’alimentaire et une tentative dans le secteur de l’industrie, à créer en 1981 les Etablissements DAHOUD qui seront suivis, par la suite, par la création de la société Nationale Medica en 1983.
Contrairement à d’autres, sous votre régime comme sous celui de ceux qui vous ont précédé, nous avons toujours été victimes de notre comportement intègre dans l’exercice de nos activités commerciales, dans les différents domaines dans lesquels nous intervenons.
Ce comportement constant, caractérisé par notre refus de tremper dans des magouilles ou dans des actes de corruption et encore celui de collaborer dans le détournement de deniers publics, nous a toujours desservi.
En effet nous avons toujours opposé une fin de non recevoir à toute tentative de cette nature, venant de qui que ce soit.
C’est ainsi que nous n’avons donc jamais bénéficié :
- D’une révision de marchés (méritée ou pas)
- De marchés de gré à gré
- D’intérêts de retards de paiements (dus ou pas)
- Ni d’aucun passe-droit ;
Nous avons toujours fait l’objet de nombreuses critiques, venant de nos connaissances à l’égard de notre attitude, en nous fustigeant d’agir comme si nous vivons dans un univers qui n’est pas celui de la Mauritanie ; Que nous devions nous comporter comme tout le monde dans ce pays où seuls la corruption, les malversations et les détournements sont des règles d’usages et les principales pratiques, dans pratiquement toutes les transactions de l’Etat, puisqu’elles sont malheureusement les seules formules acceptées par notre administration.
C’est ce comportement qui nous a fait subir d’innombrables abus et zèles de hauts responsables et fonctionnaires, et ce sont ses conséquences qui sont à l’origine des cumuls d’impayés que nous avons auprès des différents départements et établissements publics avec lesquels nous avons eu affaire.
D’ailleurs tous ceux qui nous connaissent nous rendent responsables de notre situation puisque nous ne voulons pas nous départir de ce comportement.
Nous pensons cependant, que vous avez pu être mal informéou induit en erreur par les mêmes individus. C’est ce qui vous a probablement poussé à agir en totale contradiction avec nos usages, nos mœurs et nos coutumes mais également au bon sens, même, en agissant de la sorte et en tenant de tels propos.
Sachez simplement que ni le défunt ni sa famille n’ont fait partie de ceux que vous appelez les ‘’moufsidines’’ et que c’est plutôt eux qui ont subi les abus et le zèle des ‘’moufsidines’’ de votre régime et ceux de celui de Maaouiya Ould Taya mais également de ceux qui ont sévi durant les périodes de transition de vos deux coup d’Etat.
De tout temps, nous avons toujours dénoncé les actes de mauvaise gestion, de malversations ou de détournements de deniers publics, que nous rencontrons sur notre passage, en toute circonstance et sous tous les régimes, qui se sont succédés, dans la gestion.
(A suivre)
Le 07 Février 2011
ABOUBEKRINE OULD DAHOUD
Homme d’Affaires
Portable 36301227 et 4648 87 01
Nouakchott