... nous sommes convaincus que l’actuel pouvoir, engagé dans une logique de rapport de force physique n’est pas dans les mêmes dispositions que nous’’
Le Calame : Au terme de la restructuration des instances du forum, la présidence du FNDU vient d’échoir à Ahmed ould Daddah, président du RFD. Quelle est la nouvelle stratégie de Forum ?
Maître Mahfoudh ould Bettah : - La présidence du FNDU vient d’échoir à M Ahmed Ould Daddah président du RFD, ceci au terme de la restructuration des instances du forum. Quelle est la nouvelle stratégie de Forum ? Une première précision s’impose : Le passage de témoin entre le président Cheikh Sid’Ahmed Ould Babamine et le président Ahmed ould Daddah candidat du FNDU a la présidence du Forum n’est pas encore effectif, mais il le sera d’ici la fin de cette semaine ou au plus tard le début de la semaine prochaine. Cette précision étant faite, le forum a beaucoup travaillé ces derniers mois pour la relance de ses actvites.la restructuration, en cours, de ses instances rentre dans ce cadre. C’est dans ce sens également qu’il a conçu un important plan d’action dont la mise en œuvre va bientôt démarrer. Comme vous le savez, notre pays a vécu des semblants d’élections, municipales, législatives et présidentielles. La légitimité des instances issues de ces élections est plus que contestable. Nous avons par conséquent décidé d’adapter notre action politique en fonction de cette nouvelle donne. Il faut ajouter à cela une année de sécheresse particulièrement difficile et pour laquelle nous ne voyons rien venir de la part de ceux qui nous gouvernent, la hausse vertigineuse des prix, l’immobilisme dans tous les secteurs, les problèmes de l’unité nationale, l’insécurité urbaine endémique…On a l’impression que le pays n’est pas gouverné. Tous ces facteurs conjugués poussent l’opposition à changer de stratégie de lutte contre le pouvoir. Notre plan d’action, sus évoqué, dont je ne dévoilerai pas ici, pour des raisons évidentes, le contenu détermine des axes claires de notre action future dont l objectif stratégique est de relever par le peuple Mauritanien le défi de la fin des régimes despotiques
- On assiste depuis quelque temps à des consultations au sommet pour dit-on préparer le renouvellement des groupes du Sénat. Une loi organique serait en instance de préparation. Qu’en pensez-vous ?
- Rien du tout ! Je fais le constat que tout le monde fait. Nous sommes dans une espèce de cirque dont les acteurs exécutent le même numéro a chaque fois sans se rendre compte que cela n intéresse plus personne L’absence de Légitimité qui a caractérise les scrutins passes, va être le cas de celui du Sénat, et ce n’est pas par une loi organique prise à la va vite par un parlement conteste qu’on va répondre a cet impératif de légitimité des instances législatives de l’état.
Pour notre part, nous ne nous sentons pas concernés par ces manœuvres. Nous l’avons signifie au premier ministre lorsqu’il a eu prendre contact avec les responsables des partis du pole politique du forum pour des entretiens avait dit il lui sur les élections sénatoriales projetées.
-Justement, à qui sert un dialogue alors que les plus importantes échéances élections sont derrière nous ?
Par principe, nous sommes partisans du dialogue et nous y croyons parce que nous sommes convaincus que c’est la meilleure voie pour trouver une solution consensuelle aux problèmes que connaît notre pays. Le dialogue est une vertu à la quelle les hommes politiques devraient croire ; nous à l’opposition, en tout cas, nous y croyons fermement. Mais l’actuel pouvoir, engagé dans une logique de rapport de force physique, n’est pas dans les mêmes dispositions d’esprit que nous. Les différentes tentatives de dialogue nous ont confortés dans ce sentiment .dans le cas d’aujourd’hui Le pouvoir reste égal a lui même. À la veille de chaque élection il feint de vouloir dialoguer mais ça fini toujours par être seulement de la poudre aux yeux, du faux semblant. Toutes les tentatives se sont soldées par un échec à cause de la fuite en avant du pouvoir, de son mépris pour l’opposition et pour le peuple mauritanien. Or, nous sommes convaincus, quant à nous que le peuple mauritanien est plus fort que tout pouvoir despotique ; nous croyons en sa capacité de se débarrasser de celui-ci de manière pacifique comme l’ont réussi d’autres peuples de la région et d’ailleurs. Et pour répondre précisément a votre question a qui profite le dialogue je vous répondrai c’est au pouvoir qui a tout intérêt a ne pas amener le peuple qui vit une situation désastreuse a retourner contre lui. Je vous assure qu’on n’en est plus très loin.
-A l’opposition, vous vous déclaré disposer au dialogue avec le pouvoir, mais, vous ne placez pas la barre trop en haut en contestant la légitimité du pouvoir et en demandant son départ ?
-On peut parfaitement contester la légitimité d un pouvoir et envisager un dialogue avec lui. C’est un fait, il est là, il faut faire avec. Mais ne vous faites de soucis a ce sujet le pouvoir en place comme je l ai précédemment explique s’attache plutôt a la logique du rapport de force il ne croit pas aux vertus du dialogue et pour cette raison le dialogue demeure très hypothétique. Pour que celui-ci soit envisageable il faut que le pouvoir vienne a y croire sérieusement ; qu’il soit sincère et qu’il restaure un climat de confiance entre lui et toutes les forces politiques et sociales réunies au sein du FNDU.
-Quelles leçons avez-vous triées de ce qui vient de se passer au Burkina Faso ?
- c’est une belle leçon de détermination d’un peuple longtemps soumis a un pouvoir despotique dont le détenteur se voulait président a vie. Je saisi cette occasion pour féliciter le peuple Burkinabé frère pour la réussite de sa révolution. Je pense comme nous prouve les burkinabés qu’en face du despotisme, il faut opposer la force du peuple. Vous savez, tous les humains sont pareils, ils aspirent tous à la liberté à la dignité et a une vie décente. Le peuple Mauritanien n’en fait exception. Il recouvrera son droit de choisir librement ceux qui le gouvernent dans un proche avenir.
-Mais une transition cogérée par les civiles et l’armée ne constitue tout de même pas un recul par rapport à cette belle victoire du peuple Burkinabé?
- Vous savez, quand il y a consensus entre les différents acteurs après une si belle victoire contre le despotisme, le risque de dérive autoritaire s’amoindrit. Tous les acteurs Burkinabé se sont mis d’accord sur une charte de transition, c’est extrêmement important, ceci étant, au plan symbolique effectivement, la présence de l’armée peut être considérée comme un pas en arrière, mais j’ose croire que nos frères burkinabé resteront très vigilants pour ne pas se faire voler une victoire qu’ils ont conquise de haute lutte. En tout cas le chemin est balise : Les gardes fous sont posés, un calendrier est arrêté d un commun accord entre les forces vives de ce pays et le peuple Burkinabé veille au grain. Il n ya donc pas lieu de s’inquiéter pour l avenir de la révolution du peuple du Burkina.
-Que pensez-vous de l’arrestation récente de Biram Dah Ould Abeid, président d’IRA et certains responsables de son organisation pour avoir pris part à une caravane contre l’ « esclavage foncier » organisée par plusieurs organisations de droits de l’homme ?
-Par principe, je suis contre toute arrestation de toute personne pour ses opinions, contre toute atteinte aux droits de l’homme. Par conséquent, je suis contre celle de Biram, arrêté pour son discours que je ne partage évidement pas. Je fais remarquer cependant que ce n’est pas la première fois que Biram tient ce discours, que le même pouvoir qui a profité de cet homme pour faire crédibiliser la dernière présidentielle en lui permettant de se présenter à ce scrutin ; l’incarcère aujourd’hui .
-On assiste depuis quelques années à l’émergence de revendications taxées par le pouvoir de « communautaristes». Après le manifeste du négro mauritanien opprimé, ce fut celui des Harratine de 2007 et 2014, celui des Wolof et Soninké, la même année. Que pensez-vous de ces revendications ? Quelles réponses préconisent votre parti, le CDN ?
-L’origine de ces revendications se trouve dans l’échec des pouvoirs, singulièrement à parti r de 1978.a unir les mauritaniens autour d’un projet fédérateur dans lequel tout les mauritaniens se reconnaissent individuellement. Jouissant des mêmes droits et se soumettant aux mêmes obligations mais aussi dans lequel ils reconnaissent dans leur diversité. Nous assistons donc à un échec patent du vivre ensemble, tout simplement. Je pense que tout ça, je le répète, est le fruit de longues années de mal gouvernance, cette mal gouvernance est d’abord politique, il faut que le peuple mauritanien reprenne la plénitude de ses droits de se choisir librement ceux qui président à sa destinée, de les renvoyer quand ces gens ont failli, le droit de se faire respecter, le droit de pouvoir faire recours à une justice indépendante, le droit à une vie décente, en somme les droits les plus élémentaires des citoyens d’un pays. Nous avons un problème de citoyenneté dans ce pays. Certains pensent malheureusement qu’il s’agit d’un problème d’une ethnie contre une autre, le faisant, en le faisant ainsi ils font le jeu du pouvoir, mais au delà de celui ci du système et lui assurent les conditions d’une pérennité durable. Moi, je peux vous dire que je subis, comme tous les opposants au pouvoir en place toutes sortes d’injustices. Je pense que mes compatriotes négro mauritaniens qui sont du côté du pouvoir ont plus de droits que moi, plus d’avantages que j’ai ; tous les opposants sont persécutés aujourd’hui dans ce pays. Ce n’est donc pas un problème d’ethnies, ce n’est pas une question de composantes les unes contre les autres. C’est problème de système de gouvernance basée sur ce postulat : vous n’avez aucun droit si n’êtes pas d’accord avec le pouvoir en place, si vous vous ne pliez pas au bon vouloir du prince. Si certains de nos compatriotes dénoncent la manière dont le pays est géré, dont le système fonctionne, ils subissent le courroux, comme tous ceux qui ont eu le courage de dénoncer ces pratiques. Ce n’est donc pas un problème d’ethnies opposées les unes aux les autres. Jouer ce jeu dangereux, c’est prêter le flanc au pouvoir qui ne voudrait permettre aux mauritaniens de converger vers l’essentiel, c'est-à-dire construire une Mauritanie unie. Je pense que la réponse à apporter à cela, c’est que chaque mauritanien se sente pleinement citoyen de ce pays, joue activement sa partition dans l’édification d’un état où tous jouissent des mêmes droits, ont les mêmes devoirs. Il y a évidement ceux qui ont été historiquement marginalisés, ce n’est pas le fait des générations actuelles, mais des vicissitudes de l’histoire de l’humanité, et le rôle de l’état est de réparer ces injustices, en mettant en œuvre des politiques à même de porter ces couches à la hauteur de la dignité qu’elles méritent. Vous savez, Montesquieu a dit que la démocratie n’a pas pour vocation de rabaisser ceux qui ont atteint un haut niveau, mais d’élever ceux qui sont en bas de l’échelle sociale au niveau des autres. C’est en fait, le rôle de l’état.
-Les forces progressistes du changement (FPC), ex FLAM ont proposé, comme solution au problème de la cohabitation une autonomie. Qu’en pensez au CDN ?
-Vous savez, pour moi, l’autonomie en soit ne résout aucun problème. L’autonomie par rapport à quoi ? Si c’est pour se mettre à l’abri d’un pouvoir despotique, je pense que c’est souhaité par l’ensemble des mauritaniens, l’ensemble des régions. Si par contre c’est autre forme d’autonomie, je ne peux pas y adhérer. Je pense que la Mauritanie est suffisamment grande pour ses fils, suffisamment riche pour assure à l’ensemble de ses citoyens une vie décente. Le reste, comme je l’ai dit tantôt, c’est un problème de mal gouvernance qu’il faut corriger. Il faut assurer la pleine citoyenneté à tous, il faut que nous assumions notre diversité, parce que ça, c’est là l’essentiel, vital même, on n’a pas besoin d’être autonome quelque part pour pouvoir se sentir, à la fois, mauritanien à part entière mais avec sa propre culture. Moi, je pense que si la Mauritanie n’était pas plurielle, il fallait la créer. Notre position géographique nous confère la vocation d’être un pont entre le monde arabe et le monde africain. On ne peut pas sortir la Mauritanie de sa position géographique pour l’implanter au Groenland ou aux Iles Fidji, elle est là où elle est, elle doit tout simplement accepter de s’assumer. Ceci étant dit, notre parti est pour une décentralisation poussée pour permettre à nos régions de se prendre en charge, de décider et de concevoir un certain nombre de politiques de programmes de développement pour leur terroir, en somme de responsabiliser les citoyens au lieu de suspendre leur avenir à la décision d’un seul homme. Aucune réussite en matière de politique de développement sans l’accord et l’engagement de tous. Il faut que nous apprenions à transmettre à n’importe quel citoyen, a quelque niveau qu’il se trouve le sens de la responsabilité, la volonté de se sortir de la pauvreté. Rien ne doit donc constituer une entrave à cette responsabilisation des citoyens.
-A en croire certaines confidences, le gouvernement mauritanien s’apprête à lancer un plan ou programme d’urgence pour endiguer les méfaits du déficit pluviométrique de cette année. C’est une initiative louable non ?
- Tous plan d’urgences pour soulager les populations victimes d’aléas quelconques est en soi louable, encore faut-il qu’il soit effectif, qu’il profite réellement à ceux a qui il est destiné. Je ne vous apprends rien en vous disant que le programme d’intervention d’urgence de 2012 a été très mal géré, les boutiques Emel ont plus profité aux gros commerçants qu’aux populations nécessiteuses étranglées par la flambée endémique des prix de denrées de première nécessité. A l’intérieur du pays, les produits sont accaparés par les élites locales avec la complicité de l’administration et des élus locaux. Les populations nécessiteuses ne récoltent que des miettes, après de longues queues, sous un soleil insupportable.
Ensuite, il faut que le gouvernement fasse vite parce que certaines régions sont déjà sinistrées. Il y a toutes les régions du nord, du centre, y compris le Tagant, le Gorgol. Mêmes les parties arrosées commencent à souffrir des conséquences néfastes de ce déficit pluviométrique. Il faut donc que ce plan d’urgence soit mis rapidement en œuvre et que ça gestion fasse l’objet d’une grande transparence.
Propos recueillis par Dalay Lam