Corruption et crime organisé au Sahel

27 November, 2014 - 01:52

Une des régions les plus pauvres du Monde, le Sahara-Sahel doit faire simultanément face à des défis interdépendants comme la pauvreté, les changements climatiques, la pénurie alimentaire, la croissance rapide de la population, l'instabilité, la corruption, les tensions internes irrésolues et l'extrémisme violent. La région a toujours été une voie de commerce et de migrations. Mais le manque d'autorité de l'Etat, l'effondrement de l'économie traditionnelle et, par voie de conséquences, de l’organisation sociale qui y était liée, la corruption et la présence d'armes ont développé un environnement idéal pour le trafic illicite transnational.

Le 25 Février 2013, la CEDEAO et l'Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) ont publié, conjointement, un rapport d’évaluation de la menace de la criminalité organisée transnationale (TOCTA) en l'Afrique de l'Ouest. Il souligne la nécessité d'aborder prioritairement les questions de production de la méthamphétamine, ainsi que le trafic de cocaïne, héroïne, cannabis, armes à feu et médicaments de contrefaçon. Depuis 2005, la Communauté internationale est très préoccupée par la situation dans la région. Il existe des preuves, de plus en plus évidentes, de trafics de cocaïne en provenance d'Amérique latine, impliquant des réseaux criminels organisés dans la région. Outre le trafic de drogue, la région connaît également ceux tout aussi illicites des êtres humains (y compris le trafic de migrants), de carburants, de cigarettes, de médicaments de contrefaçon, d’armes à feu et de déchets toxiques. En 2009, l'ONUDC estimait que ces flux équivalaient à une valeur d'environ 3,8 milliards de dollars par an, un chiffre plus élevé que le PIB de plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest.

 

Sérieuse menace sur la gouvernance

L'effet déstabilisant de ces flux illicites et leur impact sur le développement et la sécurité sont extrêmement graves. Les activités criminelles constituent désormais une menace à la gouvernance, pour toute la région. Les réseaux criminels y ont intensifié leurs opérations et étendu leurs activités commerciales partout. Les profits générés par ces trafics, associés à ceux générés par les enlèvements contre rançon et autres rackets peuvent être facilement utilisés à des fins de corruption, ce qui altère une situation déjà précaire.

C’est fort de ce constat que l'ONUDC, en partenariat avec l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), l'Institut Panos Afrique de l'Ouest, le Réseau africain des centres pour le journalisme d'investigation (ANCIR) et le projet de dénonciation contre la corruption et le crime organisé (OCCRP),organise, du 24 au 27 novembre 2014, à Saly (Sénégal), un atelier régional sur le journalisme d'investigations. Sensibiliser les journalistes de la région sur les effets désastreux de la corruption et du trafic illicite sur le développement humain et la sécurité humaine ; partager les connaissances et d'expériences entre les participants sur les techniques d'enquête pour exposer des actes de corruption et/ou trafic illicite ; examiner les possibilités de réseaux de collaboration entre les journalistes d'investigations d’Afrique de l'Ouest, d’Amérique Latine et d’Europe : tels sont les objectifs de cette rencontre.

Une soixantaine de participants, des journalistes de renom d’Afrique de l'Ouest, avec un accent sur la région du Sahel, mais, aussi, d’Amérique latine et d'Europe prennent part à ces assises aux côtés du personnel de l'ONUDC spécialisé dans la recherche, la lutte contre la corruption et le trafic illicite. « Dans une région vulnérable », souligne madame Veronic Wright, conseillère en justice pénale au bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest et centrale de l’ONUDC, « il faut, nécessairement, mettre sur pied un programme bien ciblé, pour réduire la contrebande et déployer des efforts dans le renforcement de la primauté de l’Etat de droit ». Cela requiert, selon elle, une participation active des acteurs privés, notamment des journalistes, pour sensibiliser le public sur les « formes plurielles très graves dans des régions frappées par la pauvreté. »

 

Assistance internationale

Pour couronner les problèmes, la corruption, parmi les responsables de l'application de la loi et les autorités de la justice pénale est trop fréquente. Avec l'absence d’Etat de droit en certains pays, ceci compromet l'efficacité des systèmes de gouvernance publique et développe des environnements propices au trafic illicite et au crime organisé. D’autres rapports soulignent, également, les liens étroits entre le terrorisme, le trafic de drogue et le crime organisé dans la région du Sahel. En dernière analyse, l'assistance aux pays de la région, pour renforcer leurs capacités à relever les défis du terrorisme et du crime organisé, est une étape cruciale vers l’atteinte des objectifs de sécurité et de développement qui doivent mutuellement se renforcer, jusqu’à atteindre un équilibre soutenable. Son Excellence Gerhard Deiss, ambassadeur d’Autriche au Sénégal, en est persuadé : « C’est en ce sens », dit-il, « que l’Autriche a accordé une aide de 8 millions d’euros à la Mauritanie, au Burkina Faso, au Mali, au Tchad et au Niger pour le renforcement de la justice criminelle ».

 

Thiam Mamadou