Qui donc disait qu’un État fort nous écrase et que nous périssons, s’il est faible ? Vraiment un choix casse-tête ! Cornélien. Impossible de faire dans la dentelle. Ou c’est la dictature ou c’est l’anarchie. Ou tu ouvres la bouche, on te la casse ; ou chacun caquète ce qu’il veut et ce sont tes oreilles qui casquent. Chacun fait ce qu’il veut. Vole qui et ce qu’il veut. Pense ce qu’il veut : pas de demi-mesure ! Pas de juste milieu. C’est comme ça. Liberté. Démocratie. Justice, Honneur, Fraternité : c’est la devise des hommes bleus. Il nous écrase ? Oui ! Rappelez-vous : entre 2008 et 2019, qui pouvait piper mot ? Qui : civils, militaires, femmes, hommes, pauvres, riches, hommes d’affaires, femmes à problèmes, ministres, généraux, chefs de tribus etc. ; pouvait ? Aller aux toilettes sans la permission de l’État ? Se gratter la tête ? Bouger ? Qui était « Ga’çon », comme disent les Ivoiriens, pour « p’oter culotte » ? Un État carnassier. Mettant tout sous sa dent. D’autant qu’en emportent les voleurs. Les conspirateurs. Les détourneurs. Les gaspilleurs qui volent avec les voleurs et pistent avec les pisteurs. Ha, cette histoire de ma tribu ! Comme dans le feuilleton « Ma famille » ! C'est-à-dire, je veux dire comme l’a dit un cousin de l’ex-Président (et il en est parti avec les mollets forts), que sa tribu va le défendre contre les graves accusations de tous ses anciens collabos qui ont tout mis sur « son dos ». Du premier coup d’État aux fraudes de la dernière présidentielle. Eux, les trois Premiers ministres, les hauts fonctionnaires, les ministres, les administrateurs généraux d’établissements aussi importants que la SNIM et sa Fondation, ceux des ports, les assassins ou complices d’assassinats de la Sonimex, de l’ENER et autres crimes organisés, les artisans du faux et usagers du faux, les maîtres usuriers, les chanteurs/danseurs/applaudisseurs/youyoueurs ont tous déclaré n’avoir été que de petits « ordonnés » ; ou ordonnance, au sens militaire du terme, c'est-à-dire chargé par son officier de préparer tenue, rangers, ceinturon et éventuellement bien d’autres choses beaucoup moins avouables. Elles étaient où, les tribus de feu Moktar, lorsque les militaires le renversèrent ? Celles de Haidalla ? De Maouiya et de Sidi ould Cheikh Abdallahi, lorsque les militaires les trahirent ? Elles étaient où, les tribus des officiers communément appelés « les gens du 16 Mars », lorsque une certaine justice militaire très au garde-à-vous et particulièrement expéditive les exécutèrent ? Comment être à la fois, comme dit l’adage, « voleur et seigneur » ? Les scandales bis repetita, les affaires scabreuses qui finissent toujours en queue de poisson – On verra celle de la BCM… – les promotions indues, les impunités à tous les niveaux, les viols et les assassinats, les grosses bavures de langage souillant les honneurs des individus et des groupes, les indélicatesses, les incongruités les plus rébarbatives et les imbécilités les plus maussades… C’est ma tribu ! Les « tribuettes », comme disait un certain Président juste arrivé au pouvoir et nageant encore dans les mirages. Des tribuettes qui lui serviront après paradoxalement plus de vingt ans au pouvoir. Ici, « dans chez nous », chacun a sa tribu. Le Président a la sienne. Les ministres la leur. Tous comme les journalistes, les chefs d’état-majors, les voleurs et assimilés faussaires, délinquants, drogués, entremetteurs… Les députés – y compris ceux de la Commission d’enquête parlementaire – ont chacun la sienne. Les ambassadeurs aussi. Les clochards et les fous errants, les ânes, les chèvres et les chameaux... Alors volez, tuez, escroquez ! Soyez pitoyables, minables, sans rien ; ni diplôme, ni moralité, ni expérience : c’est ma tribu. Et qu’un certain adage arabe dise : « Ton nez même malformé est de toi et même handicapée, ta main est de toi », alors moi-même imbécile, vaurien, moins que rien, sans rien, je suis tout de même de ma tribu. Salut.
Sneiba El Kory