Le Calame : Quelque un mois presque après le scrutin de Busan, quelle appréciation vous faites de la manière dont s’est déroulée la campagne et l’élection au poste de vice-secrétaire générale de l’UIT ?
Dr Fatimetou Mint Mohamed Saleck : J’ai eu l’insigne honneur d’être la candidate, investie par mon pays, aux élections du poste de Vice-secrétaire Général de l’Union Internationale des Télécommunications à l’occasion de la dernière Conférence des Plénipotentiaires qui a eu lieu du 20 octobre au 7 novembre 2014 à Busan en Corée du Sud.
Notre participation à ce scrutin traduit la forte volonté de nos plus hautes autorités à entrer plus fermement notre pays dans le concert des nations et à jouer un rôle important dans la gouvernance internationale à un niveau aussi stratégique et sur le secteur crucial des télécommunications.
Je tiens donc à exprimer ici toute ma reconnaissance au Président de la République, Son Excellence monsieur Mohamed Ould Abdel Aziz, pour la confiance qu’il m’a accordée en me désignant pour ce challenge face à quatre autres candidats venant des trois continents (le Canada, la Grande Bretagne, la Pologne et le Nigéria).
Avec l’ensemble de notre délégation, j’ai eu honneur et le privilège de porter les couleurs de mon pays aussi haut qu’il m’a été possible de le faire. J ‘ai pu compter avec le soutien exceptionnel de mes compatriotes et l’élan sans précédent de l’ensemble de la communauté des télécommunications au niveau mondial. Tout en créant un effet de surprise positive au vote du 23 octobre 2014 à Busan, notre candidature n’a malheureusement pas rencontré l’adhésion de la majorité des suffrages exprimés. Par respect du principe de solidarité que nous avions convenu avec le Nigéria, nous nous sommes alors retirés au profit de la candidature africaine aussitôt qu’il est apparu qu’elle disposait de plus de voix que nous, ce qui a d’ailleurs permis à la candidature africaine d’aller jusqu’en finale, au 4ème tour avant d’être distancée par celle de la Grande Bretagne.
Pourtant au plan diplomatique, la Mauritanie disposait quand même de quelques atouts non négligeables?
Nous aurions pu, si nous avions été en meilleure position que le Nigéria, au second tour non seulement faire le plein des voix des régions arabe et africaine, mais aussi fédérer plus de voix de pays musulmans, ceux de la zone francophone en plus d’autres ensembles de voix des agrégats de nombreux pays d’Europe, d’Asie du Sud-Est et d’Amérique que nous allions leur apporter grâce aux accords que nous avions dans notre gibecière avec de nombreux pays qui s’étaient déjà engagés pour le premier tour faute de n’avoir pas été sollicités à temps.
Néanmoins, cette tentative de notre pays, aura incontestablement marqué des points forts et permis de retenir des leçons importantes pour l’avenir.
Il me paraît donc important de souligner que :
- Notre score est malgré tout honorable pour une première candidature, ayant commencé sa campagne aussi tardivement face à 4 concurrents du sérail dont un issu du continent africain. A titre d’exemple, je précise que, dans une compétition semblable, la Tunisie et la Jordanie avaient recueilli, à deux un total de 12 voix étant donné qu’ils se présentaient l’un contre l’autre ;
- Le leadership diplomatique de la Mauritanie a été enregistré au sein de la Région arabe en tant que candidat unique de cette région ; je rappelle que l’Egypte et la Tunisie s’étaient retirés de cette compétition en notre faveur ;
- Notre initiative de sceller avec le Nigeria un pacte de retrait au deuxième tour pour le pays africain qui aurait le plus faible score a été largement appréciée. Cette attitude de solidarité sera retenue par l’Histoire et par ce pays, qui nous est très reconnaissant. Elle pourra être capitalisée par la Mauritanie auprès de ce dernier, de la CEDEAO dont il était le candidat, au sein des instances africaines et internationales pour des élections semblables ;
- La demande de report de nos voix a été respectée et elle a permis au Nigeria d’aussitôt se hisser en seconde position.
- Un capital important de considération et de sympathie acquis par la Mauritanie dans la communauté mondiale des télécommunications et par les dirigeants de l’UIT ;
- Une meilleure connaissance des rouages et des arcanes de cette très importante institution qu’est l’UIT où la Mauritanie est totalement absente autant au Conseil que dans les différentes structures de cette institution ;
- L’engagement spontané d’importantes personnalités, de l’élite et de nombreux patriotes pour cette candidature, rejointe par la diaspora mauritanienne à l’étranger puis d’un certain nombre de personnalités politiques et du monde des médias au niveau international, malheureusement tardivement ;
- La médiatisation de notre candidature et de sa spécificité, qui a mobilisé un grand nombre de médias au niveau national, régional et international en faveur de la Mauritanie et du choix porté sur une femme pour briguer un tel mandat international, a sensiblement amélioré l’image de marque de notre pays, …
Quelles leçons la Mauritanie pourrait tirer de cette première expérience internationale?
De mon point de vue, nous pouvons tirer des leçons de la campagne de Busan pour le futur :
- Exploiter efficacement les acquis diplomatiques à l’issue de scrutin auprès de la CEDEAO, de l’Union Africaine et de la région arabe ;
- Investir cet important capital de sympathie et de respect qui s’est manifesté avant et pendant Busan en faveur de notre pays relativement absente de l’UIT pour :(i) renforcer notre coopération avec cette Institution et (ii) poursuivre les efforts afin de maximiser nos chances de succès pour les prochaines échéances de l’UIT qui auront lieu en 2018 à Dubaï.
Ainsi, forte de cette expérience actuelle, de ses points forts et de ses points faibles, la Mauritanie pourrait, grâce à une mobilisation diplomatique efficiente durant les quatre autres prochaines années, assurer toutes ses chances de succès pour les prochains scrutins électoraux du Directoire de l’UIT qui auront lieu en 2018 à Dubaï. Le Vice-Secrétaire général élu, Monsieur Malcom Johnson, actuel directeur du Bureau de Standardisation des Télécommunications, venu de l’extérieur de l’UIT, a bien fait plusieurs tentatives avant de pouvoir être élu dans cette institution.
Propos recueillis par DL