Nouakchott et Mauritanie, c’est kif-kif !/par Ethmane BA

25 June, 2020 - 00:16

Revue et actualisée, voici la préface d’un magnifique livre de dessins de José Legarra, en cours d’impression…

Quelle vision pour la capitale mauritanienne ? Les autorités municipales proposaient : « Nouakchott : L’avenir pour défi ».De fait, un tel mot définit au mieux la ville. Son passé fut une succession de défis et l’avenir est la somme de tous.  Naguère zone de transit entre nomades et sédentaires, le lieu devint, en 1903, poste militaire français  et enfin capitale de la Mauritanie à partir de 1958.Posée par monsieur Amadou Diadié Bâ, ministre mauritanien de l’époque, la première pierre matérialisant sa fondation se trouve toujours dans l’enceinte du Palais présidentiel.

Jonction entre le Nord et le Sud du pays, le Maghreb arabophone et l’Afrique de l’Ouest francophone, le village initial (Ksar) se développa autour d’un puits. L’eau en constituait un des principaux challenges. Potabilité, tout d’abord ; évacuation des eaux usées et des pluies ensuite, puis risques croissants d’incursions marines. Naturellement peu propice à la sédentarisation, le littoral devint cependant le lieu de la plus grande croissance démographique qu’a connue une capitale, bondissant, en un demi-siècle, de cinq cents habitants à un million.

Nouakchott est fascinante :ce n’est pas une des images de la Mauritanie mais la Mauritanie tout court. Fascinante en ce que s’y rencontrent le désert et la mer. Fascinante par son religiosité affirmée et son histoire, surtout son évolution rapide et non planifiée. Fascinante par les liens fraternels et indissociables que surent tisser, vingt ans durant, ses premiers habitants qui fréquentèrent tous les mêmes écoles publiques, aires de jeux, cinémas...

 

Née comme par accident

Vint, après cet âge d’or, celui des sécheresses qui virent affluer les populations sinistrées s’installant à la hâte par affinités sociales ou géographiques. La ville connut ainsi ses premiers bidonvilles : kebba et gazra. Une ghettoïsation qui étendit Nouakchott, sale, désorganisée, sans relief et apparemment sans âme. Les voisins s’y côtoient en s’ignorant, voire en se spoliant. Les gazra ont colonisé tous les aires de verdure, de jeu ou de stationnement. Embouteillages et désordres en tout genre perturbent le trafic. Les trente dernières années ont accumulé disparités et accaparements, mauvais comportements, pertes de valeurs humaines et sociales, manque d’harmonie et d’âme. Elles illustrent moins ce que l’on a de bon que tout ce qui reste à améliorer. Nouakchott a changé et connu beaucoup de mutations. Naguère ciment de la Nation, l’école s’y est fractionnée en compartiments de classes sociales et l’argent en est devenu le maître, jusqu’à commander la vente d’écoles publiques pour en faire des marchés et des banques. Les riches (Nordistes) se sont installés du boulevard de l’Unité (anciennement Gemal Abdel Nacer) vers le Nord et les pauvres (Sudistes) de plus en plus au Sud. On espère sincèrement que cette analogie s’arrête à la géographie...

José Legar ravit en Mauritanie depuis quinze ans. Il dessine admirablement et ses œuvres résument à merveille toute l’évolution de Nouakchott, une bâtisse qui bénéficia d’une fondation solide mais dont les murs se sont quelque peu fissurés. Des dégradations accentuées par l’action interne et multifactorielle de ses habitants, alors que d’autres facteurs plus naturels et externes menacent tout autant l’édifice.

Ce recueil de dessins illustre la rencontre d’un homme structuré, méthodique et pointilleux, à l’instar de ses crayons finement taillés, avec cette ville née comme par accident, dans la difficulté à choisir entre les deux prétendantes initiales : Nouadhibou, proche du Maroc, et Rosso, à la frontière du Sénégal. Une rencontre certes pas fortuite : José aime Nouakchott où il compte beaucoup d’amis ; et d’autant moins fortuite qu’il porte, comme elle, une double casquette. C’est en effet beaucoup en sa qualité d’architecte que le dessinateur a su illustrer l’immensité des dégâts et du chantier à poursuivre. Nouakchott qui a tant besoin d’harmonie est sensible à cette compétence.

Souhaitons donc que le regard de ce fervent adepte du yoga et de l’écologie aide les décideurs à réaliser leur rêve de rendre notre capitale apte à répondre aux besoins sociaux de ses habitants et devenir de plus en plus verte, propre et harmonieuse !Souhaitons donc que le Conseil régional ait les moyens de son ambition pour notre capitale… et le Gouvernement, l’ambition de ses grands moyens !Une telle volonté politique de dépassement, sans peur et sans reproches, est à la mesure des défis auxquels la Mauritanie fait face.