Ce n’est pas que d’aujourd’hui qu’on parle des militaires. Ou, si vous préférez, que les militaires font parler d’eux. Nuance... Concédez-la moi ou alors… garde-à-vous ! Silence dans les rangs et ne réclamez surtout pas avant d’avoir exécuté les ordres et les instructions ! Un militaire, c’est toute une institution. Qui a ses codes. Ses disciplines. Ses rigueurs et ses exigences. Le thé des militaires : ses verres sont servis l’un après l’autre, voire l’un avec l’autre. Le dîner des militaires : se dévore entre seize et dix-sept heures. La loi des militaires : rigide et sans appel. Le français des militaires : à la Zao, style « Moi engazé militaire », « guerres mondiaux » ou « reculer un peu en avant » et autre expressions languissantes militairement immortalisées... Tout ça pour rappeler que les militaires ne sont « l’égal de la bouche de quiconque » et qu’il ne faut pas toujours dire : « les militaires ont fait ceci ou fait cela » ; à chaque fois que « deux calebasses se télescopent ». Les militaires « n’ont pas en eux la critique ». Seulement, ici, chez nous, ils sont comme « la viande du cou » : mangée et critiquée. L’expression « c’est un militaire » n’est pas fortuite. Je suis un militaire, il y en a qui savent bien quelque chose. Cela fait belle lurette que le statut de militaire exempte de beaucoup de choses. La voiture d’un militaire n’a pas besoin de papiers : son permis, sa carte grise, son assurance, sa vignette, c’est lui-même. Heureusement qu’il n’est pas aussi son carburant ou son accélérateur ! Finalement, la vareuse, la carte professionnelle, le ceinturon, le képi ou les épaulettes ne servent qu’à se mettre au dessus de la loi, qu’à « gazrer » et se militariser. « Servicé » ou retraité, un militaire sait tout faire. De la politique à l’économie et aux affaires, de la presse à l’élevage et à l’agriculture, en passant par la pêche, la chasse, le transport, le trafic, les ONGs et jusqu’aux écoles privées. Tel mon ancien ami devenu « brillant » directeur d’école privée, après avoir été mauvais agent de la force publique. Pour ceux qui croient pouvoir contourner les militaires – « par les crottes ! », pour paraphraser Mint Kleib – ils sont tout simplement incontournables. La preuve : combien de présidents de la Mauritanie, de l’indépendance à aujourd’hui ? Combien d’entre eux civils ? Combien de militaires ? Vraiment dedans, dans ce pays… depuis plusieurs décennies et pour combien de temps encore ? Ils ont tout été. Cumul de fonctions civiles et militaires, Président, ministres, directeurs généraux des grosses entreprises publiques nationales, administrateurs territoriaux, présidents de fédération, parlement, parti politique et organisation de la Société civile, députés et maires, hommes d’affaires, journalistes, chauffeurs de taxi, fraudeurs d’électricité, agriculteurs, éleveurs, charlatans, clowns... faiseurs et défaiseurs de rois, promoteurs de carrières. S’il était naguère admis que derrière chaque grand homme il y a une femme, Il y a longtemps chez nous que derrière chaque grand fonctionnaire, il y a un militaire. Qui était derrière Maaouya ? Le général Lacaze ! Qui derrière feu Ely ? Derrière Sidi ould Cheikh Abdallahi ? Derrière Aziz ? Derrière Ghazwani ? Regardez autour de vous. Dis-moi qui tu es, je te dirai qui est ton général ! Ou ton colonel, ton commandant, ton lieutenant, ton adjudant-chef, sergent, caporal ou soldat. Ici, ce n’est pas les militaires d’une part et les civils de l’autre, les militaires dans les casernes et les civils dans les « civilités ». Ha, ici, tout est mélangé ! Depuis longtemps. Les militaires militarisent le pays et les civils applaudissent. Qui dans le derrière des militaires, qui dans leur devant. Tantôt en leur pensant un coup d’État, tantôt en le leur légitimant. Et maintenant que les carottes sont cuites, vous nous dites : « Les militaires, les militaires ! » ? Akh ! C’était « depuis avant » qu’il fallait vous écrier. Salut !
Sneiba El Kory