Le renouvellement des groupe A et B du Sénat, remis au goût du jour depuis que le gouvernement a reçu divers leaders de partis politiques, serait, à en croire certaines confidences, le prélude à un grand chambardement, révélant l’intention du président de la République de rebattre les cartes. Une hypothèse qui verrait le sort de l’actuel gouvernement, jugé trop « statique » et « pas assez efficace », scellé sous peu. Gouverner, c’est en effet prévoir et entre le déficit pluviométrique criant et les chutes du prix du fer et de l’or, la perspective de la famine pousserait le président Aziz à la recherche d’un gouvernement restreint et, surtout, performant, pour faire face à une crise multiforme.
De l’avis de nombreux mauritaniens, l’actuel attelage gouvernemental a montré ses limites. Ceux qui estimaient qu’Ould Abdel Aziz avait eu raison de garder, en choisissant de bombarder Ould Hademine à la Primature, l’essentiel d’une « équipe qui gagne » viennent de se rendre à l’évidence. Manifestement essoufflé, son gouvernement est « inodore », brille par son « immobilisme » et son absence sur le terrain, même si l’on peut opposer, à sa décharge, l’omniprésence du Raïs qui « contrôle tout ». Sinon assez pour prendre, lui aussi, toute la mesure de la situation. S’il s’agit, non seulement, de maintenir les acquis de son premier mandat mais, surtout, d’accroître ses réalisations afin de léguer, au terme du second mandat, « un pays sur la voie de l’émergence », selon son programme de campagne de juin dernier, il lui faut impérativement changer une équipe qui perd, sur tapis vert, tous les matchs.
Le « coup de balai du président » attendra-t-il la fin des sénatoriales susurrées en coulisse ? Même si l’annonce de celles-ci en a été faite aux responsables politiques, rien, a priori, ne semble acquis. Un membre de l’UPR joint par le Calame s’interroge, pessimiste : prolonger les mandats des trois groupes arrivés à terme ou le renouveler entièrement ? Une alternative qui pourrait ouvrir la voie au grand chambardement, si tant est que la volonté du Rais soit bien de dissoudre l’Assemblée nationale. Entre « se la jouer perso » – comme le suggère le président d’El Wiam qui ne voit aucun intérêt, pour un président qui dispose d’une majorité confortable au sein du Parlement, à provoquer des élections anticipées – et renouer le dialogue avec l’opposition, afin de l’amener à réoccuper l’espace démocratique, où se trouve la douceur de vivre ? Voire, pourquoi pas, le chemin de la grande porte, avec, qui sait, une proposition alléchante de François Hollande de le soutenir pour un poste international, à l’issue de ses mandats mauritaniens… Le président Aziz pourrait alors se « vanter », comme son cousin et supputé ennemi juré Ely, d’avoir orchestré une alternance démocratique pacifique. Entré, dans l’histoire du pays, par « effraction », en renversant un président démocratiquement élu, Ould Abdel Aziz marcherait-il sur les traces d’un Abdou Diouf ou d’un Alpha Oumar Konaré ? Wait and see.
En attendant, le président de l’UPR, principal parti de la majorité présidentielle, ne chôme pas. Il enchaîne réunion sur réunion avec les élus et cadres de son parti. Au menu, l’évidente volonté ou ferme désir d’Ould Maham de remettre l’UPR au cœur du dispositif gouvernemental. Désormais, aurait-il lâché, le gouvernement prendra en compte l’avis du parti. Raison on ne peut plus alléchante, pour les cadres, de se montrer régulièrement au siège du parti. On prépare, en tout cas, les sénatoriales. Le contraire aurait surpris. Les élus ont été reçus et sensibilisés, ils savent à quoi s’en tenir, leurs circonscriptions sont en jeu. Certes, le challenge ne semble guère terrifiant, puisque le FNDU n’ira, bien évidemment pas, à ce scrutin dont il conteste, d’ailleurs, la légitimité…
DL
Encadré
Loi organique pour renouveler le Sénat : ce qu’en pense le professeur Lô Gourmo Abdoul, juriste et vice-président de l’UFP
« Il n’appartient pas à une loi ordinaire ou organique de modifier la durée du mandat des parlementaires, prévue et précisée, par la Constitution, pour chacune des chambres. Les membres de chaque groupe ont une « durée de vie » déterminée par la Constitution que la loi organique ne fait que mettre en œuvre, suivant leur date respective. Par conséquent, comme pour les députés, la prolongation de leur mandat ne peut se faire que par voie d'une loi constitutionnelle. J'ajoute que cette loi ne peut être seulement de prolongation mais, aussi, de validation, c'est à dire qui légalise la violation antérieure de la durée. C’est donc seule une loi constitutionnelle de validation du dépassement antérieur du mandat et de prolongation de date de nouvelle élection qui pourrait être prise.»