Autour d’un thé : Hors sujet

21 May, 2020 - 02:10

Depuis quand avons-nous commencé à produire du lait ? Avec des appellations comme Tiviski, Lekhrive, El Badiya, Ettews, Ngadi, Tadit, Aderss et autre. Des laits locaux qui généralement ne résistent pas longtemps à la conservation. Bois-moi ou je périme ! Vous savez quoi ? Ces laits à utiliser instantanément ou à jeter me rappellent les slogans de nos présidents et leurs titres. Qu’est-ce à dire ? Avant d’y venir et puisqu’on parle de slogans, c'est-à-dire de messages publicitaires, moi j’en retiens deux qui m’ont particulièrement charmé. Ce n’est vraiment pas dans le sujet. Mais vous connaissez bien, je l’espère, quelques-unes des vertus du hors-sujet communément appelé chez nous « khroujou ». Enfin, les voici, ces charmeurs : « Pas un pas sans Bata » et « Wonder, ne s’use que si l’on s’en sert ». Une nostalgique marque de chaussures et une pile, du temps où les Mauritaniens utilisaient encore magnétophone, bandes-cassettes et enregistreurs bois rouge à qui ils demandaient s’ils enregistraient ou non. Bref, tout ça pour dire que les slogans de nos présidents ressemblent aux noms de nos laits locaux. Ta’azour. Tadamoun. Chaila. Twiza, kif-kif « Président des pauvres », « Président qui rassure », « Père fondateur », « Le Bien est arrivé avec vous », « Aziz, ne nous quitte pas ! ». Finalement, c’est nous qui avons quitté Aziz. Finalement, quelle différence entre le Président des pauvres et les pauvres du Président ? Je me suis complètement marré, l’autre jour, en entendant dans une série africaine une femme noter la nuance entre : « il a dit qu’il ne vient pas » et « il a dit qu’il ne peut pas venir ». Tous les slogans passent et se ressemblent. Mais Ta’azour, Tadamoun, Chaila et Twiza, c’est autrement plus important. Ces quatre concepts peuvent construire la Mauritanie et régler tous ses problèmes. Le pays justement n’a besoin que de cela. En réalité, pas en fiction, pas en mise en scène, pas en bureaux hermétiquement fermés ou en costumes-cravates-voitures de luxe-frais de mission-promotions parents amis connaissances voisins cousins promotionnaires-extras… Soixante ans d’un théâtre de mauvais goût, c’est beaucoup. Si l’on a besoin de feuilleton où chacun s’évertue à jouer plus mal que son ou sa partenaire, on va aller ailleurs. Il y a « La Famille », avec Gohou et Digbeu Cravate. Au moins là, ça fait rire et permet de tuer le temps en cette période de Ramadan et de confinement Coronavirus. Il ne faut pas jouer la comédie. Il ne faut surtout pas laisser jouer la comédie. Les cahiers de charges du défunt commissariat des droits de l’homme, de la lutte contre la pauvreté et à l’insertion étaient exactement les mêmes que ceux de la défunte Tadamoun qui étaient exactement les mêmes que ceux de la future défunte Ta’azour ; avec presque les mêmes hommes, femmes, ustensiles de thé ou de café, registres, courrier « arrivée » et courrier « départ », pièces comptables et justificatifs. Avec les mêmes fournisseurs de bureaux et équipements, voitures et agences de location, mêmes pauvres, mêmes insérés, mêmes organisations de réfugiés ou de droits de l’homme, mêmes discours réchauffés de 2000 à maintenant. Et encore toujours sur instruction du président de la République et de son gouvernement, sous même direction de son Premier ministre. Toujours les mêmes chansons depuis toujours. Sans que rien ne change. Les pauvres s’appauvrissant davantage. Les riches s’enrichissant davantage. Les réfugiés restant réfugiés là où ils sont. Jusque entre Tadamoun et Ta’azour, celui qui était debout s’est juste rassis. Jusqu’à quand ces acteurs de mauvaise facture vont-ils continuer à jouer leur théâtre de mauvais goût à travers slogans creux et pompeux sans autre objectif que de perpétuer les mêmes mauvaises pratiques de mal-gouvernance, gestion opaque et vol organisé. Restez chez vous ! Infection communautaire ! Yes, we can : Ghazwani m’a ‘’tuer’ ! Salut.

Sneiba El Kory