Déjà fragilisé par les inondations de l’année dernière, le Guidimakha va subir de plein fouet les conséquences de la pandémie de coronavirus, même si la région en est jusqu’à présent sanitairement épargnée. L’inquiétude chez les populations et le monde rural est réelle. À juste titre : la fermeture des frontières pour endiguer l’épidémie a affecté gravement les éleveurs transhumants et leurs troupeaux qui avaient traditionnellement l’habitude de migrer en quête de pâturages, bon an et mal an, vers le Mali et le Sénégal.
« Cette fermeture intervient au moment où le Guidimakha est convoité par les cheptels accourus de plusieurs régions du pays (Assaba, Brakna, Gorgol, Tagant et Trarza). Cette concentration bétaillère a des effets tant sur les ressources herbacées, en particulier, que l’environnement, en général, dans un contexte de rareté d’eau et de carence en services vétérinaires », font remarquer les organisations de la Société civile actives dans la région. Plusieurs d’entre elles se sont rendus sur le terrain pour s’enquérir de la situation du pastoralisme en cette période de confinement et contribuer ainsi à l’élan de solidarité nationale.
Situation pastorale préoccupante
« Le manque de pâturages et le retard dans la mise en œuvre du plan de réponse pastoral ont poussé les éleveurs », informent-elles au retour de ces missions, « à opérer d’importantes coupes d’arbres pour nourrir leur bétail. Ceci constitue une sérieuse menace pour la sauvegarde des ressources ligneuses de la région ». Et de constater, en outre, « la préoccupante situation pastorale à tous les niveaux : eau, santé et alimentation ». Pourtant, rappellent-elles, « d’importantes sommes (1) ont été mobilisées par les pouvoirs publics au secours de ce secteur vital pour notre économie ».
Suite à cet inquiétant constat, dix-sept organisations de la Société civile (2) ont signé un appel commun aux autorités gouvernementales pour attirer leur attention sur la situation catastrophique du monde rural guidimankhais, en particulier les éleveurs dont le bétail est menacé de disparition, faute de nourriture et d’eau. Elles réclament en particulier l’exécution immédiate du Programme pastoral spécial. « Plus que toute autre région de la Mauritanie », peut-on notamment lire dans leur mémorandum, « le Guidimakha se trouve singulièrement exposé au Covid-19, en raison de sa position transfrontalière et de sa vocation migratoire principalement orientée sur l’Europe, épicentre actuel de la pandémie. Le président mauritanien, Mohamed ould Cheikh El Ghazwani, avait lancé un vaste programme pastoral d’urgence visant à venir en aide aux éleveurs pendant cette période de soudure, après une saison pluvieuse infructueuse. Par cet acte, nous constations un engagement politique de haut niveau. Et nous constatons aujourd’hui que les éleveurs sont encore dans le besoin de trois composantes. La composante « Aliment de bétail » est disponible mais non encore accessible aux bénéficiaires, déjà épuisés par d’incessants mouvements du terroir aux centres de vente. Cette dernière doit démarrer immédiatement pour sauver le cheptel et réduire la pression sur l’environnement. Les deux autres composantes : hydraulique pastorale et santé animale ; doivent, elles aussi, démarrer sans plus tarder, d’autant plus que nous sommes à la veille de la saison des pluies. Nous devons enfin veiller, dans un souci de transparence et d’efficacité, à l’implication effective de la Société civile […] ».
Thiam
NOTES
(1) : En voici la répartition : hydraulique pastorale, 30.000.000 MRU ; aliment de bétail, 834.513.240 MRU ; santé animale, 20.719.000 MRU ; mise en œuvre, 222.000.000 MRU.
(2) : Liste des OSC signataires : Union des Coopératives des Femmes du Guidimakha (UCFG) ; Forum des Organisations Nationales des Droits Humains (FONADH) ; Association Mauritanienne des Droits de l’Homme (AMDH) ; Association pour le Développement Intégré du Guidimakha (ADIG) ; Association pour une Initiative de Développement de l’Environnement (AIDE) ; Action pour la Santé et le Développement (ACSADE) ; Association Mauritanienne pour le Développement et l’Alphabétisation (AMDA) ; Association pour la Prospérité des Femmes du Guidimakha (APFG) ; Association des Jeunes pour la Protection de l’Environnement et le Développement(AJPED) ; Association Towvigh ; Association Mauritanienne pour la Promotion des Adolescents (AMPA) ; Association Les Amis de la Santé Avagh ; Association Elwava ; Groupe Recherche Action pour le Développement Durable (GRADD) ; Association Pour l’Education et Promotion Sociale (APEPS) ; Association Djalaw ; Association Nationale pour le Développement et la Biodiversité (ANDB).