Le site Al Akhbar l’a révélé la semaine dernière mais c’était, en fait, un secret de Polichinelle. Au cours de sa dernière année au pouvoir, Ould Abdel Aziz fit feu de tout bois. Comme s’il voulait engranger le maximum avant le passage de témoin à son successeur. Rien n’a échappé à la boulimie dévastatrice du clan. Même les terrains, dont il avait pourtant fait le plein en onze ans de pouvoir, n’ont été épargnés. La zone couvrant l’entrée nord de la ville jusqu’au nouvel aéroport est ainsi devenue un immense titre foncier détenu par « la »famille. 3,5 millions de mètres carrés ont été ainsi attribués à dix-huit sociétés fictives. Convertis en lots, cela fait 8700 de 400 mètres carrés chacun. Alors que des centaines de milliers de familles n’ont jamais bénéficié du moindre terrain, une – une seule ! – faisait main basse sur autant d’espace. C’est pourquoi la commission d’enquête parlementaire a demandé et obtenu – à juste titre – que le foncier de Nouakchott fasse partie des dossiers sur lesquels elle va enquêter. Personne, en effet, ne peut rester les bras croisés devant un accaparement aussi odieux du domaine public. Après les écoles primaires, le Stade olympique, l’école de police à Nouakchott, la base marine, les cabanons, le centre Mamadou Touré à Nouadhibou… – et la liste est loin d’être exhaustive ! – Ould Abdel Aziz peut se vanter d’être le plus grand propriétaire foncier du pays. Et probablement l’un de ses plus riches citoyens, si l’on y adjoint les centaines de marchés en tout genre dont il fit son sport favori. La construction du nouveau Palais des Congrès, dont il chargea un de ses anciens bras droits – 16 milliards d’anciennes ouguiyas ! – le canal de Keur Macène, le barrage de Seguellil, la route de Benichab et le casier-pilote de Boghé, attribués pour près de 25 milliards d’ouguiyas à la société STAM dont tout monde connait les liens avec « la » famille, les lignes haute tension qui relieront Nouakchott à Nouadhibou, Zouérate et jusqu’à la frontière avec le Sénégal, cédés sans appels d’offres à la société indienne Kalpataru – en échange de quoi ? –, les permis de recherche miniers, les quotas de poulpe, la vente du fer de la SNIM via des intermédiaires, la construction de routes… et quoi d’autres ? Il faut bien plus qu’une page d’un journal pour lister tous les méfaits d’un régime fort d’une seule devise : « la thune à tout prix ! » À telle enseigne que la moindre mission de contrôle n’a pas besoin de fouiner : la prévarication affleure partout en surface. La commission d’enquête parlementaire a sans doute déjà une idée du gâchis, après les témoignages des responsables qu’elle a interrogés. Tous ont reconnu les faits et accablé un seul homme. Cela les disculpe-t-il pour autant ? A-t-on le droit de violer la loi, les règlements et les procédures pour obéir à un ordre venu « d’en haut » ? Jusqu’à quand va-t-on se cacher derrière l’obéissance au chef pour accomplir des actes répréhensibles ? En telle condition, peut-on se prévaloir de circonstances atténuantes ? Certainement pas. La demande populaire de changement est si forte qu’elle ne se contentera pas de subterfuges. Ceux qui ont perpétré de tels forfaits doivent répondre de leurs actes. Ould Abdel Aziz est certes parti mais nombre de ceux qui l’aidèrent à éventrer le pays à ciel ouvert sont encore en place. Si la paresse est la mère de tous les vices, c’est bien par l’impunité promue en hauts lieux qu’ils prospèrent jusqu’aux bas-fonds. Dernière écurie d’Augias en date, la Mauritanie attend toujours son Hercule…
Ahmed Ould Cheikh