Rien à faire. Ni de loin. Ni surtout de près, distanciation réglementaire oblige. Impossible de ne pas passer sous le rouleau compresseur qui ravit la vedette à tout. On ne parle plus de rien d’autre dans le Monde. Directement ou chouïa indirectement. Ailleurs comme ici, au pays du million de poètes, du million de confinés, du million de cons finis, du million de pauvres, du million de paradoxes : avant de l’oublier, sachez que la moughataa de Tevragh Zeïna est le département le plus pauvre de Nouakchott-Ouest ; beaucoup plus pauvre que le Ksar et, tenez-vous bien, que Sebkha ! Et cela de très loin… Ce serait, nous informe-t-on, à cause des gardiens et de leurs taudis d’infortune parsemant ici et là les travées du plus chic quartier de notre capitale. Et puis, je ne vous l’apprendrai pas, si la jeunesse est dans la tête, la pauvreté est dans le cœur... Enfin, bref : cette histoire d’enregistrement des pauvres me rappelle une autre vieille histoire d’enregistrement de ces mêmes pauvres, il y a au moins deux décennies, là-bas chez moi ; pour ceux qui connaissent, c’est bon ; pour les autres, ce n’est pas grave : l’essentiel est que c’est quelque part en Mauritanie et comme l’on dit : « l’eau est de la sourcette ». Nos fameux enregistreurs (exactement comme nos hauts parleurs) refusaient systématiquement de coucher sur leur liste toutes les familles qui avaient préparé ce jour-là du riz au poisson : une marque d’opulence, aux yeux de ces sourcilleux scribes. Selon les informations que j’ai pu obtenir, seule la baraque fait foi. Alors, messieurs et mesdames et mesdemoiselles aux toits de zinc ou béton armé, ne comptez ni sur les enregistreurs ni sur les hauts parleurs, ni pour vous faire inscrire ni vous faire entendre. Et puis, je sais qu’en 2001, du temps de l’ex-ex-ex (il ya eu trois) Président Taya – pour dire comme ça plutôt qu’Aziz, Sidioca, Ould Vall (paraphrasant RFI) ou Ghazwani – il y eut un programme destiné à contrer la vague de froid et venir au secours des éleveurs durement éprouvés. Ce que j’en sais, c’est que de hauts fonctionnaires de l’époque s’en remplirent les poches et « s’en sont allés avec cela les mollets forts ». Autres temps, autres mœurs ? Peut-être. Mais celui qui a été mordu par le serpent, la corde lui fait peur et chat échaudé craint l’eau froide. Il y a autre chose que je ne comprends pas beaucoup, moi. Une chose qui date des indépendances. Des citoyens et des citoyennes triés sur on ne sait quel volet et qu’on fait parler en boucle dans tous les journaux télévisés et radiodiffusés, rapportant des « histoires »’ vraiment dignes des plus cons et abrutis gouvernements. Ça sert à quoi de montrer une pauvre femme ou un pauvre homme étaler publiquement son indignité contre quelques subsides qui ne prémunissent ni n’engraissent contre la faim ? Le pays a connu le programme « Vivres contre travail ». Voilà que nous entamons « Survivre contre indignité ». Et c’est quoi tous ces hauts responsables civils et militaires bien masqués ? Pour faire quoi ? Pour dire quoi ? Que oui, c’est sur instructions de son Excellence Monsieur le Président de la République que nous tous (ministres, généraux, coordinateurs de programmes, autorités administratives et sécuritaires, etc.) sommes venus vous donner quelques poignées de riz et menus fretins d’autre chose qui ne devraient en temps ordinaire jamais mobiliser une telle délégation. Oups, j’allais oublier ! En application de la politique du gouvernement du Premier ministre (l’ingénieur, le pilote, le conducteur d’engin, le plombier, l’avocat ou…).Et re-oups, j’allais oublier ! L’invitation sur le plateau d’encore un ministre ou quelconque autre responsable qui va ressasser, à longueur de nuit et très maladroitement à l’ordinaire, les mêmes insanités maintes fois entendues. Tout ça pour ça ? Comme le disait un « bénéficiaire » au micro : « Merci. C’est bon, nous remercions le Président… mais augmentez-nous ! ». Z’augmentez-eux, Monsieur le Président, sans tambours ni trompettes… jusqu’à la fin du confinement ! Ne vous disais-je pas dès le début qu’il était impossible en ces temps de ne pas parler d’un certain COVID 19 ? Salut.
Sneiba El Kory