Francophonie : Poker menteur au Sommet

13 November, 2014 - 01:12

Un quart de siècle après avoir hébergé le Sommet de la Francophonie (OIF), Dakar en accueille la XVème édition du 29 au 30 novembre prochain. Le pays de la Téranga se fend d'un coûteux building pour en honorer l'hôte historique : son ex-président et actuel Secrétaire général de l'organisation qui tire sa révérence au terme de trois glorieux mandats : Abdou Diouf. Hélas, la succession de l'illustre sortant rappelle les pokers menteurs des temps béni-oui-oui des néo-colonies. Maraboutages et combines d'occident ou fratricides atavismes du continent noir, les prétendants africains se bousculent pour briguer un poste aussi prestigieux sur la scène internationale que déterminant dans tout destin national.

 

Marigots françafricains
Au fil des tours perdants d'un scrutin élastique, les figurants paradent pour lustrer les armoiries des Etats-membres qui marchandent leurs suffrages. Avant de méandrer au fond des marigots françafricains, littérateurs et diplomates crépusculaires y concourent sans méprise sur leurs chances. Car les présidents et chefs de gouvernements choisiront en leur sein et à huis-clos. Selon une tradition tacitement adoptée lors du Sommet de Hanoï (1997) : '' le secrétariat général de la francophonie est une chasse gardée des chefs-d'Etat africains. L'administration générale revient aux riches pays contributeurs du Nord...'' Telle jurisprudence consensuelle stipule que l'ex-président du Burundi (Pierre Buyoya) seraitt le candidat idéalement préparé pour succéder à un pair sortant dont il fut le ''spécialiste des choses compliquées''. Comme son prédécesseur, il fut l'un des rares présidents africains à quitter le pouvoir démocratiquement et pacifiquement. Les diplomates africains de la Francophonie le disent singulièrement légitime pour assumer les ambitions de l'organisation à l'heure où leur continent cumulerait émergence économique et croissance démographique : ''avec près d'un milliard de locuteurs francophones''. Leurs homologues québecois déplorent même que la ''belle province s'auto-bâillonne pour de vaines raisons'' dans une candidature alternative et inamicale qui écourterait leur mandat d'administrateur général (jusqu'en 2018) tout en jurant avec des fondamentaux francophones : environnement, siège africain au Conseil de sécurité de l'ONU...Pourtant leur gouvernement fédéral adoube la candidature d'une ex-gouverneure générale de la couronne britannique qu'il avait déchue de son poste honorifique : Michaelle Jean.

 

Intrigante Marianne
Choisie sous pression états-unienne, cette ''ex-française'' d'origine haïtienne bénéficierait de complicités hexagonales. Son ''cher Blaise'' déchu ayant boudé le poste, l'Elysée faciliterait l'offensive atlantiste en liant son onction gauloise et maternelle à l'improbable consensus de ses chefs d'Etat africains. Aussi les candidats alléchés investirent-ils les salons parisiens pour tenter les faveurs de l'intrigante Marianne. Mais l'officine élyséenne chargée des liaisons néocoloniales les éconduisit sous l'artificieux prétexte de son injonctive candidature continentale. Larguée à la Maison de la chimie, l'ex-vice-reine du Canada ne convainquit point les observateurs. Recluse dans ses chancelleries parisiennes, sa cour diplomatique se console avec la brève méharée du président français sur les ''sables bitumeux'' de son vaste royaume. : '' austéritaire et moins contributive au budget francophone, la France ne résisterait pas à une crue des efforts canadiens''. Surexposée en l'occurrence, la candidate se contenta d'un baladin discours présidentiel devant son parlement fédéral. En attendant le conclave de Dakar, l'ex-président burundais déploie ses ''ambitions pour la francophonie'' à coup de forums-débats dans les palaces Champs-Elyséens : ''Francophonie : dynamisme économique, espace stratégique, passerelle culturelle''. Forts des appuis et acquis de leur candidat au sein de la Francophonie et de  l'Union africaine, ses soutiens méditent l'épreuve ratée de l'ultime candidat imposé par la France (Boutrous Ghali) : ''aux désaveux intérieurs, l'Elysée cumulerait-elle les frondes extérieures d'un continent où ses armées s'agitent sur tous les fronts..?''

Cheïkh Touré