Tragique dénouement d’une tentative de mariage mixte

6 November, 2014 - 03:56

« Au secours ! Au Secours ! », s’écrie M.H.B, sortant en courant de son appartement. Alerté par le bruit, le propriétaire des lieux accourt pour secourir son locataire qui porte de graves blessures au ventre. La police et les secouristes du jour interviennent, on découvre le corps sans vie d’une jeune fille qui rendait, depuis quelques temps, des visites d’amour à M.H.B. Sous le tragique de ce fait divers qui s’est déroulé, la semaine dernière, au quartier Baghdad de Nouadhibou, la capitale économique de la Mauritanie, se cache un grave problème social qui interpelle nos consciences.

Cette tragédie est, en effet, le fruit amer du complexe de supériorité que certains beydanes (maures blancs) éprouvent à l’égard des Harratines (maures noirs). La défunte fille était une mauresque blanche qui avait la ferme intention d’épouser M.H.B., de souche harratine. Mais les parents de la demoiselle s’opposèrent à cette union, sans autre argument que le dégoût de la mésalliance statutaire. M.H.B. s’abstint, dès lors, de tout contact avec la fille, refusant de lui ouvrir les portes de son appartement, quand elle lui rendait visite. Il avait même décidé de faire sa vie avec une autre. Incapable de supporter cette mésaventure, la première l’aurait relancé, jusqu’à cette fatale après-midi où l’amoureuse dépitée aurait, semble-t-il, porté plusieurs coups de couteau à celui qui lui échappait. Dans la bagarre, M.H.B. aurait accidentellement causé la mort de son ex-copine. Un décès, un blessé dans un état critique, tout cela à cause du racisme de notre société.

Si la société beïdane mauritanienne répugne à voir ses filles épouser un noir, elle est plus intransigeante encore, lorsqu’une de ses filles porte son choix sur un harratine soumis à l’interdiction, quasi-absolue, d’épouser une beïdane. Ce tabou a déjà fait de nombreuses victimes et en fera davantage, si cette injustice n’est pas combattue. C’est notre mutisme qui la laisse perdurer, on ne peut pas en parler. Malheureusement, les rares mariages, entre femmes mauresques et hommes hartanis, ne sont, à l’ordinaire qu’occasion de manifester, haut et fort, notre racisme et l’Etat se cantonne dans une position frileuse et mitigée, face à ce phénomène. Dans la tragédie de Nouadhibou, nos parents beïdanes et leur société ont, certes, une grande part de responsabilité.

La crainte de la mésalliance est un complexe fréquent dans nos différentes communautés mais, si cela pouvait s’entendre, du temps où nos sociétés vivaient en quasi autarcie, nous devons tous comprendre qu’aujourd’hui, les désirs des femmes et des hommes ne peuvent plus être soumis à des considérations d’ordre racial, ethnique ou autre. La sédentarisation et les brassages culturels ont engendré un mode de relations qui ne permettent plus, à chaque clan, fraction, tribu, ethnie ou autre entourage restreint, de vivre à l’abri du contact avec les autres.

L’Association des Femmes Chefs de Famille (AFCF) aide les couples victimes de cette tare sociale qui tend à reconstruire des barrières psychologiques entre les gens. Nous combattons ces tabous et traditions, parce qu’elles sont devenues nuisibles, creusant d’inutiles et dangereux fossés, entre nos communautés. Nous rappelons, à l’Etat, ses responsabilités en ce domaine : il doit, impérativement, s’attaquer aux diverses formes de racisme qui sévissent dans toutes les ethnies de Mauritanie. Nous condamnons rigoureusement toutes les formes de racisme, en aidant toujours ceux qui ne parviennent pas à dépasser cette barrière. Nous réclamons l’égalité des chances et des droits, entre tous les habitants de ce pays ! Nous condamnons toutes les formes de racisme ! Nous brisons le silence, levons les tabous et informons sur les violences basées sur le genre ! Rejoignez-nous !

AFCF