Sélibaby : Le maire paralyse le fonctionnement de sa commune

6 November, 2014 - 03:46

Depuis l’avènement, en Mauritanie, du multipartisme (1992), on assiste à la floraison de partis politiques. Au sein d’un même parti, différentes sensibilités, qui renvoient à l’ethnie, à la région, à la tribu, etc., s’imbriquent. A cet égard, l’Union Pour la République (UPR), le parti du pouvoir, n’est certes pas une formation politique dénuée de divisions de ce type. Sélibaby vit dans sa chair, cette réalité, comme les autres moughataas du pays. Les élections législatives et municipales du 23 Novembre y ont ainsi dévoilé l’attachement des uns et des autres à leurs particularités et deux grandes tendances se sont développées dans l’UPR local : celle de Yaya Kane (clan des Fulbé) et celle de Sidney Sokhona (clan des Soninko). Lors de la confection des listes électorales, chaque tendance avança son propre chef de file : Hadrami ould Weddad, pour les Fulbé ; Boïrick ould Laghdaf, pour les Soninko. Et c’est l’arbitrage du parti qui mandata puis investi Hadrami, à la candidature UPR à Sélibaby.

Mais à peine élu, le nouveau locataire de la mairie afficha sa volonté de faire cavalier seul et témoigna de moins en moins d’égards vis-à-vis de ceux qui l’avaient mandaté. Avançant sa qualité de membre du Conseil national du parti, Hadrami s’est ainsi arrogé les prérogatives de la fédération locale, en faisant adhérer un groupe de dissidents d’El Wiam – parti d’opposition – dont il entérina l’adhésion, chez lui, à quelques jours de la clôture de la campagne présidentielle du 21 Juin 2014. Comme si l’UPR n’était pas bien structurée, voire dépourvue de siège ! Mais ses structures locales existent bel et bien : fédération, sections et sous-sections fonctionnent à merveille. En l’hypothèse d’un désaccord avec le fédéral, le maire avait la latitude de saisir, soit le président de section, soit celui de la sous-section, afin que ceux-ci prissent acte de l’adhésion effective des dissidents d’El Wiam, conformément au règlement intérieur. Mais Hadrami a préféré faire fi de tout ce beau monde et les « nouveaux adhérents », si l’on peut les considérer ainsi, n’ont pas reçu de cartes d’adhésion prouvant leur ancrage au parti. La confusion de rôle, sinon volonté de saper les fondements du parti, est patente.

Par ailleurs et contrairement à ce qu’en disent certains, c’est bien Hadrami qui a pris l’hôtel de ville en otage. Ses conseillers n’y siègent que pour la forme. C’est lui qui bloque, délibérément, le fonctionnement de la mairie et affaiblit, par ricochet, le parti au pouvoir. D’autant plus qu’il a délégué ses pouvoirs non pas à son premier adjoint mais à la deuxième adjointe, alors que tous les deux sont des « Upéristes ». Pourquoi accroître les tensions latentes, en envenimant la situation ? Quels sont ses intérêts à paralyser l’institution ? Si son élection avait suscité enthousiasme et espoir des populations sélibabiennes, elles se sont vite ravisées – en moins d’une année ! – au constat de sa déplorable gestion des affaires. A en regretter le départ de Mohamed Vall ould Mekhallé (APP), entend-on même dire. Bref, elles sont déçues par les velléités et les atermoiements.

S’il ne veut pas compromettre son tout récent leadership à Sélibaby, le parti doit prendre les taureaux par les cornes, en imposant la discipline à tou(te)s ses militant(e)s et faire appliquer la volonté de la majorité de ses conseillers (dix sur dix-neuf) qui réclament la démission pure et simple d’Hadrami. Une décision ferme qui lui permettra de conserver, aussi longtemps que possible, cette commune si longtemps berceau de l’opposition. Car d’aucuns redoutent que le maintien de l’actuel maire jusqu’à la fin de son mandat ne désavantage, a contrario, le parti, dans cette région du Sud. Diallo Adama Hada, le fédéral local, n’a ménagé, ne ménage et ne ménagera aucun effort, avec son staff et plusieurs autres grandes personnalités du terroir, pour faire, du Guidimakha, le fief inconditionnel de l’UPR, son terreau fertile. Le score élogieux du président de la République, plébiscité à plus de 80%, lors de la présidentielle du 21 Juin 2014, témoigne de ces efforts. Laissera-t-on Hadrami les réduire à néant ?

Alassane Mamadou Sy

Sélibaby